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Services à la personne : la vérité, une bonne fois pour toutes

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Alors que Laurent Wauquiez s'agite avec son «Plan 2» des services à la personne, bonne vieille recette anti-chômage lancée par Jean-Louis Borloo en 2005 et qui fleure bon le XIXe siècle, il est temps de remettre les pendules à l'heure au sujet de ce fumeux «vivier d'emplois non délocalisables» dont tout le monde se gargarise.

Déjà, le 1er mars, l'émission Capital sur M6 montrait un visage peu avenant de ce «secteur en plein boom» qui emploie majoritairement des femmes. Des horaires fractionnés où le temps de transport n'est pas inclus dans la fiche de paie : l'une d'entre elles, s'activant et courant 37 heures par semaine, gagnait moins de 900 € ! Pour un tel salaire, les agences qui font de ces jobs leur nouveau business et poussent comme des champignons ont le culot de placer la barre très haut quant à leurs exigences de recrutement.

Bon petit soldat, Laurent Wauquiez fait la promo du sous-emploi précaire et peu rémunérateur [1] qu'il souhaite professionnaliser (et non revaloriser). Ainsi, il évoque «un grand plan de formation pour orienter les demandeurs d'emploi vers ces nouveaux métiers» qui peuvent générer, d'ici 2012, «100.000 emplois par an». Un grand progrès pour l'économie française et, surtout, pour la gent féminine [2] !

Les 35 heures… inversées

Selon des chiffres arrêtés à fin 2007, l'Agence nationale des services à la personne déclarait que 313.000 emplois dans ce secteur avaient été créés depuis la «révolution culturelle» que devait être le plan Borloo (81.000 en 2005, 104.000 en 2006 et 128.000 en 2007). Soit «121.000 emplois équivalents temps plein»… sur trois ans.

A l'heure où il était encore question de «travailler plus pour gagner plus», Florence Jany-Catrice, membre du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques, dénonçait aussitôt la durée du travail incroyablement faible de ces postes : «Nos gouvernants actuels ont critiqué avec vigueur le "scandale" de la mise en place des 35 heures. Aujourd'hui, nous pouvons interroger le sens donné à la croissance de l'emploi. Celle-ci repose, pour une grande part, sur la création de tiers-temps, autour de 11 ou 12 heures hebdomadaires en moyenne».

L'OFCE, pour sa part, notait une écrasante majorité de «temps très partiels» : 12 heures par semaine, contre 23 heures en moyenne pour l'emploi à temps partiel dans son ensemble. Dans son étude, l'OFCE a aussi pointé que les salariés employés de gré à gré «n'ont pas accès à la formation, aux contrôles médicaux, à ceux de l'Inspection du travail ou à la médiation syndicale en cas de litige du travail»... Isolées, ces personnes ne bénéficient d'aucun garde-fou face aux abus.

Puis, dans son bilan qualitatif paru en janvier 2008, l'INSEE avait estimé que le nombre de salariés employés par des particuliers s'élevait à près de 1,7 million, soulignant qu'il s'agissait d'une majorité de femmes au salaire global très faible, inférieur à 1.666 € nets par an dans la moitié des cas. Un «travailler peu pour gagner très peu» aussitôt dénoncé par l'économiste Jean Gadrey.

A qui profite l'emploi en miettes ?

Pour encourager ces services peu innovants et qui ne génèrent pas de gains de productivité, l'Etat a la main lourde. Malgré un soutien financier de 10 milliards d'euros par an, non seulement ce secteur n'a qu'une multitude de temps partiels à proposer, mais on y recense des salariés qui gagnent toujours, pour 80% d'entre eux, entre 6,20 € à 9,40 € de l'heure.

Le ministère de l'Economie le reconnaît lui-même : les relèvements successifs des plafonds de dépenses ouvrant droit aux crédits d'impôt et autres aides fiscales pour les employeurs potentiels ont non seulement entraîné des effets d'aubaine, mais ont profité aux foyers aisés qui en ont capté l'essentiel tandis que les retraités au minimum vieillesse ou les familles monoparentales ne peuvent même pas y accéder.

Creusant les inégalités (aide ménagère pour les personnes âgées, garde d'enfants ou accès aux cours de soutien scolaire…) et échappant à la sphère publique, ces «emplois» sont, cyniquement, attribués à ceux qui ne pourront jamais s'offrir ce type de «services». Si elle n'a pas décroché un job de caissière au Smic à temps partiel dans un supermarché dont les bénéfices explosent, la mère célibataire ira faire la bonniche chez les riches — vieux ou jeunes — ou s'occuper des gosses des autres pour nourrir les siens. La boucle est bouclée : le travailleur pauvre, œuvrant au confort de celui qui ne l'est pas, est maintenu dans sa condition. Vous parlez d'un progrès !

[1] Le principe est le même avec les contrats aidés ou le recours au chômage partiel : à grands renforts de subventions qui déresponsabilisent le patronat et lui profitent directement, travailler moins pour gagner moins vaut mieux que «le chômage tout court», n'est-ce pas ?

[2] Ne vous inquiétez pas : Laurent Wauquiez pense aussi aux hommes. Mieux que la blouse et les gants en caoutchouc, il leur propose d'endosser l'uniforme et le Taser auprès des services de sécurité privés, où «100.000 emplois vont être créés d'ici à 2015». Ainsi, on rétablit l'ordre naturel des choses.

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Mis à jour ( Mardi, 23 Août 2011 09:25 )  

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