La famille Sarkozy n’a pas fini d’empoisonner la justice française. Jean, le fils cadet, est au centre d’un invraisemblable pataquès, digne d’une justice bananière. Sarkozy junior est soupçonné d’avoir, en octobre 2005, percuté, juché sur son scooter, la BMW de M’Hamed Bellouti, puis d’avoir pris la fuite. Jean Sarkozy refusant obstinément de répondre aux courriers de l’assureur, qui pourtant ne réclame que 260 € pour réparation du pare-chocs, Bellouti s’était résolu à porter l’affaire au pénal. Mal lui en a pris : il a aussitôt été l’objet de menaces téléphoniques, les interlocuteurs anonymes allant jusqu’à pister la mère d’un témoin de la scène, qui pourtant réside en Suède...
Dysfonctionnements. Dans les deux cas (accident puis menaces), M’Hamed Bellouti avait alerté le commissariat. Mais ses mains courantes ont curieusement disparu du circuit administratif. Il a récemment alerté Matignon et la Place Beauvau sur ces dysfonctionnements. Leurs réponses sont subliminales : le cabinet Fillon botte en touche au motif qu’il «ne peut s’immiscer dans une procédure en cours» ; Michèle Alliot-Marie ne se prive pas d’appuyer là ou ça fait mal, répondant : «Le préfet de police a été immédiatement saisi de ce problème et ne manquera pas de vous tenir informé des diligences de ses services.»
Le conducteur de la BMW avait cru pouvoir contourner le blocage sarkozien par une citation directe devant le tribunal correctionnel. Après une première audience de forme, l’avocat de Jean Sarkozy, Maître Herzog, prend contact avec l’avocat de M’Hamed Bellouti, Maître Launay, pour une tentative de règlement amiable. Bellouti y croit, est prêt à se taire quand il apprend que Me Herzog a pris contact avec son assureur, sans l’en prévenir - point attesté par la Maaf.
Simulacre de négociations ? Quand arrive le procès au fond, en décembre, Jean Sarkozy se présente comme une fleur : «Je ne reconnais pas les faits qui me sont reprochés.» Son avocat brandit une expertise privée selon laquelle la roue d’un scooter couché au sol ne saurait heurter le pare-chocs d’une BMW... Comble du ridicule, le tribunal estime, après un délibéré de seulement une demi-heure, qu’une «expertise contradictoire s’impose dans le souci d’une manifestation de la vérité». Mission impossible, puisque la BMW a entre-temps été vendue.
Sinistre. L’expert vient de rendre son verdict : «Une reconstitution avec des véhicules similaires n’apportera rien, car nous ne pouvons pas constater les dommages sur chaque véhicule», d’autant que son coût (2.400 €) dépasserait amplement le sinistre originel (260 €). Me Herzog et le tribunal sont renvoyés au grotesque de la situation : ce genre de litige entre citoyens ordinaires est généralement expédié en quelques minutes. Pour en avoir fait trop à propos du fils du président de la République, ils risquent d’illustrer un peu plus la fable de La Fontaine : «Selon que vous serez puissant ou misérable...»
(Source : Libération)
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