Dans la grande distribution, les miracles n’existent pas. L’américain Wal-Mart, référence en matière de prix et de droits sociaux rabotés, est sous la menace du plus grand procès collectif jamais intenté pour discrimination sexuelle. En Europe, c’est l’enseigne Lidl qui a repris le judicieux concept : prix étranglés, personnel maté. Un livre noir paru en Allemagne, berceau de l’entreprise, s’appuie sur les témoignages de plus de cent employés pour dénoncer les rythmes de travail, les manques d’effectifs, les heures supplémentaires non payées, les pressions permanentes et les salaires de misère.
Rien d’étonnant, donc, à ce que ces méthodes se greffent sur le réseau français du «hard discounter». Mais le risque de rejet existe, et des éléments incompatibles viennent parfois enrayer la machine à écraser les coûts et les salariés. Fatiha Hiraki est de ceux-là. Depuis 2003, cette jeune femme énergique de 34 ans est chef de magasin au Lidl de Clichy-sur-Seine. La hiérarchie maison est clairement établie : responsable de son équipe et des résultats du magasin, elle a, pour supérieur direct, le chef de réseau qui est lui-même supervisé par le chef des ventes et son adjoint, qui dépendent d’une des deux directions régionales de Lidl pour l’Île-de-France. Très vite, le trio de responsables va lui faire comprendre en quoi consiste la politique de gestion du personnel maison : «On m’a demandé de harceler les employés, de changer leurs emplois du temps en permanence, de les surveiller, de faire craquer ceux qui n’étaient plus assez productifs.» Car, pour l’enseigne, «vous devez toujours être à 100 %». Et si les pressions ne suffisent pas, les «qualitests» arrivent à la rescousse : «Des contrôleurs piègent les caissières en glissant des saumons sous des packs d’eau dans leurs chariots ; si elles ne soulèvent pas tout pour vérifier, elles sont immédiatement convoquées par la hiérarchie.»
Une caissière ayant travaillé aux Lidl de Saint-Ouen, Villeneuve-la-Garenne et Clichy confirme les conditions de travail évoquées par Fatiha Hiraki. La voix encore bouleversée par son expérience de trois années, elle raconte le long chemin qui l’a menée jusqu’à la démission, en novembre dernier : «Les trois premiers mois, tout allait bien. Mais très vite, mes supérieurs m’ont reproché de ne pas être assez rapide en caisse.» Elle s’est accrochée : «J’ai essayé d’accélérer. Et puis, après huit mois d’activité, le chef de magasin m’a proposé de lui rapporter tout ce qui se passait dans le magasin. Par exemple, Untel n’a pas fait les palettes, tel autre n’a pas fouillé les clients, etc. J’ai dit non, et j’ai cru qu’on en resterait là.» Au contraire, les véritables ennuis ne font que commencer : «Mes conditions de travail ont changé. Je devais faire tout le sale boulot, ranger les boîtes de conserve, faire le ménage, écraser les cartons, travailler neuf heures le samedi.» Le soir venu, les remarques fusent : «T’es nulle, tu vas pas assez vite.» Pourtant, la jeune femme a un besoin impérieux de ce poste et «travaille comme un chien, même plus que ça».
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