La vie n’est pas rose sur le marché du travail, tant pour les jeunes en général que pour les filles et les enfants d’immigrés en particulier. C’est là le double enseignement majeur de la dernière étude générationnelle du Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications), portant sur l’insertion professionnelle en trois ans de la cohorte sortie du système éducatif en 2004. De là, quatre constats :
1. Des jeunes de plus en plus précaires
La «génération 2004» peut certes se consoler d’être moins touchée par le chômage que son aînée, celle de 2001, mais au prix de davantage de sacrifices en termes d’acquis sociaux : aujourd’hui, trois ans après leur sortie du système scolaire et universitaire, les 737.000 jeunes répertoriés font partie de ce que certains sociologues nomment la «génération précaire» ou «génération galère» avec une avalanche de stages, de contrats "pro", de temps partiels subis et non choisis ou de CDD. Rarement des CDI. «Ils multiplient les sas, végètent parfois à l’Université où ils semblent en transit, et les plus déterminés espèrent toujours s’immiscer à l’usure», analyse Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS et enseignant à Sciences-Po Grenoble. Le Céreq parle du reste de «contexte économique très difficile».
Pire. La cohorte 2004 opte davantage que la précédente pour un retour à la formation (7% contre 5%). En clair, les bacheliers, écœurés de ne pouvoir s’insérer, se résignent à retourner étudier et à préparer des concours ou bien à se former «sur le tas». 18% des bacheliers généraux décrochent un diplôme trois ans après s’être lancés dans la vie active. Seule consolation, toutefois, cette «dégradation des conditions d’emploi ne s’est pas accompagnée d’une baisse du niveau de rémunération», relève le Céreq. Le salaire médian après trois années de vie active se monte ainsi à 1.300 € nets contre 1.220 € pour la génération 2001. Ce qui représente un petit coup de pouce de 1,6% une fois déduite l’inflation.
Au final, cependant, 1 sur 10 environ est marginalisé - c’est-à-dire hors du marché - de manière prolongée. Et près d’un quart seulement peut aligner entre 6 et 18 mois de travail de façon continue. Au total, les «2004» connaissent un taux de chômage de 14,3% au bout de trois ans, et même de 32% pour ceux qui sont sortis du système avec au mieux le brevet des collèges.
2. Les enfants d’immigrés encore plus fragilisés
C’est un peu le principe de la double peine : déjà pénalisés par la conjoncture économique maussade, les jeunes issus de l’immigration africaine sont de surcroît plombés par leurs origines. Ceux dont les parents sont nés au Maghreb, en Afrique noire ou en Turquie éprouvent ainsi encore plus de difficultés. «Quand ça va mal, ça va toujours plus mal pour ceux qui souffrent des préjugés raciaux», souligne Sebastian Roché. A preuve, 18% d’entre eux sont contraints de se replier sur l’intérim après trois années de vie active contre 7% pour le reste de la génération. D’une manière générale, «ce sont ceux que l’on appelle désormais les jeunes de banlieue», ajoute Sebastian Roché. En revanche, les fils ou filles de Portugais, Espagnols ou Italiens s’en sortent mieux. Et ce pour deux raisons au moins : primo, ils privilégient les filières techniques et professionnelles ; secundo, ils échappent aux préjugés sur leur couleur de peau ou leur ascendance.
3. Les moins diplômés sont les moins épargnés
Le constat est clinique : les débutants sur le marché n’ayant aucun diplôme (17% de la génération 2004) restent les plus sanctionnés. La réduction du chômage observée depuis trois ans ne règle pas le sort des quelque 190.000 jeunes qui quittent, chaque année, l'enseignement sans diplôme ni qualification. Pour s’en sortir, une seule solution : «Ils doivent faire jouer leur réseau dans 44% des cas contre seulement 21% chez les diplômés d’écoles de commerce ou d’ingénieurs et 28% chez les Bac +2», note Olivier Joseph, ingénieur d’étude au Céreq.
Les titulaires d’un CAP ou d’un BEP (17% également) ne sont pas vraiment à l’abri non plus. Pour eux, la situation s’est même dégradée entre le printemps 2004 et le printemps 2007. A contrario, ceux qui tirent bien leur épingle du jeu sont les Bac+2. A partir de ce seuil, «les salaires montent et les conditions d’emploi deviennent plus favorable», avec moins de temps partiels contraints et plus de CDI. Pour les Bac+5, la situation est mitigée : d’un côté, ils gagnent nettement mieux leur vie que la moyenne de leurs congénères ; de l’autre, ils mettent du temps à décrocher un poste. C’est le cas notamment des thésards.
4. Les filles moins bien loties que les garçons
Loin de se résorber, les disparités hommes/femmes se creusent. Tel est le constat accablant du Céreq. Parmi les raisons avancées pour justifier cet écart, le Centre veut y voir l’effet d’une conjoncture économique «peu porteuse». Le taux de chômage des garçons de la génération 2004 est ainsi inférieur d’un point à celui des filles : 14% contre 15%. Cela, bien que les secondes soient plus diplômées que les premiers. Or, pour la génération 2001, le taux était rigoureusement identique chez les deux sexes, avec 16%. La distorsion est même encore plus flagrante à faible niveau d’études. Où l’on voit par exemple que le taux de chômage est de 7 à 9 points plus élevé pour les filles titulaires d’un CAP, BEP ou Bac pro.
De même, les filles occupent trois fois plus d’emplois partiels que les garçons (21% contre 7%). «Il faut nuancer cependant selon que ledit temps partiel est choisi ou non, explique Olivier Joseph du Céreq. Parmi les diplômés du supérieur, le temps partiel contraint frappe aussi bien les hommes que les femmes. Par contre, parmi ceux qui se sont arrêtés au secondaire, le temps partiel subi touche nettement plus les jeunes femmes». Quoi qu'il en soit, à diplôme égal, les jeunes femmes gagnent moins avec une décote moyenne de l’ordre de 4%.
(Source : L'Expansion)
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