Si aujourd'hui l'Europe est en paix, la virilité des puissants demeure avide de batailles à livrer. Pour entretenir ses ardeurs, elle a inventé ce conflit permanent et larvé qu'on appelle "guerre économique" où, à l'échelle mondialisée, des travailleurs de plus en plus désarmés sont désormais en concurrence entre eux : les récentes affaires de la révolte des ouvriers de Dacia ou du scandale de l'offre d'emploi de l'ANPE pour l'Inde attestent du dumping social imposé en missile suprême.
Les guerres "classiques" d'autrefois ont toujours eu des racines économiques. Quand il disait «On croit mourir pour la patrie et on meurt pour des industriels», le grand écrivain Anatole France visait juste. Les héros comme Guy Môquet où les poilus de 14-18 dont Lazare Ponticelli fut le dernier symbole sont morts… pour le grand patronat. Un grand patronat qui ne s'est jamais encombré de déontologie pour parvenir à ses fins, sur le dos de peuples maintenus dans l'ignorance et manipulés à loisir (on se souvient de Dominique de Villepin qui parlait, lui aussi, de "patriotisme économique" et de "bataille pour l'emploi").
Cette grande manipulation se poursuit avec de nouveaux concepts idéologiques comme "la valeur travail", érigée en France comme le pilier absolu du bien-être individuel et de la performance du pays. A l'heure où il se raréfie ou se dégrade, le travail - en fait, "l’emploi" - est vanté afin de soumettre les individus au «toujours mieux que rien» véhiculé par des gouvernants au service des entreprises (et dont le RSA n'est qu'un des nombreux avatars) ou la finance internationale.
Comme autrefois les Juifs furent les boucs émissaires d'une société en crise, ceux qui ont perdu leur emploi portent aujourd'hui cette nouvelle étoile jaune. Pointés du doigt comme responsables de leur situation dans un contexte où l'emploi va manquant, désignés comme des déviants qui profitent de la solidarité nationale, les chômeurs sont de plus en plus harcelés, contrôlés, et livrés à la vindicte populaire. L'amnésie s'avère complète quand la très respectable Simone Veil, rescapée de la barbarie nazie, n'a pas hésité soixante ans après à ériger en boucs émissaires les chômeurs de longue durée, les RMIstes et autres "assistés", qu'elle a violemment marqués du sceau de l'infamie lors de son discours de soutien à Nicolas Sarkozy, le 29 Avril 2007 à Bercy.
Aujourd'hui, notre gouvernement n'hésite pas, dans un souci de «justice» et de bon «équilibre entre les droits et les devoirs»… des chômeurs (ceux des entreprises - qui sont à l'origine des emplois - et des spéculateurs irresponsables qui jettent des familles à la rue ou affament des populations entières, sont escamotés du discours), à monter d'un cran son arsenal répressif à l'encontre des victimes du chômage de masse.
Vichy est de retour ! Le STO aussi... Avec son projet de loi qu'il compte entériner d'ici l'été, obligeant officiellement les travailleurs destitués à accepter des postes déclassés afin d'entretenir le sous-emploi, la précarité et la dégradation salariale pour le plus grand bénéfice des employeurs, le gouvernement de Nicolas Sarkozy passe outre tout dialogue social en évinçant les partenaires sociaux de cette décision. Nous assistons bien aux manœuvres d'un gouvernement autoritariste, aveugle, et qui pratique une dictature douce avec l'assentiment de l'opinion.
La preuve : ce chantage à l'emploi (et aux allocations) est contraire à la Convention nº105 de l'OIT du 25 juin 1957 sur l’abolition du travail forcé, Article 1, petit b, ou ses signataires s'engagent à supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n'y recourir sous aucune forme, notamment «En tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d'œuvre à des fins de développement économique»... Or, ce projet de loi du gouvernement Sarkozy ne vise qu'à rétablir cette pratique d'un autre âge à l'encontre d'une population qu'il a hautement contribué à fragiliser, stigmatiser et isoler. Maintenant, il ne reste plus qu'à l'avilir et à la dépouiller, puisqu'une partie des cotisations chômage seront transférées sur les cotisations vieillesse : on déshabille les chômeurs pour habiller l'électorat sarkozyen.
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