Jusqu'où ira la haine du pauvre, sournoisement distillée par la propagande sarkozyste dans une société française de plus en plus friande de boucs émissaires ? Jusqu'où iront les publicitaires - ici l'agence H. (Havas), inspirée par ce discours - à la recherche de formules choc pour appâter le consommateur décérébré ?
Certes, à l'heure du «Grenelle» de l'Environnement, on compte en France quelque 35 millions de véhicules d’occasion pour seulement 2 millions de voitures neuves vendues par an. Il n'y a qu'à voir en Roumanie où les ouvriers de Dacia, qui fabriquent la Logan pour un salaire mensuel de 380 €, sont les premiers à ne pas pouvoir s'offrir cette «voiture low cost» destinée aux classes moyennes occidentales : alors, forcément, ils bichonnent leurs vieux tacots qu'ils tentent de faire durer le plus longtemps possible.
Selon le PDG de la société Ucar, il s'agit de faire campagne pour le rajeunissement d'un parc automobile vieillissant et polluant, notamment par le rétablissement d'une prime à la casse conséquente, la mise sur le marché de véhicules moins chers et le développement de la location, afin de lutter contre la pollution. Soi-disant clin d'œil au «Salauds de pauvres» de Coluche, il estime que le lectorat de ce message publicitaire, malgré «sa charge de provocation», «sait parfaitement lire les publicités et les décrypter»... Tout comme on sait que, dans l'esprit des gens, les chômeurs ne sont pas des pédophiles ou des fainéants, n'est-ce pas ?
«Le publicitaire aurait tout aussi bien pu titrer "Les riches sont dégueulasses, ils polluent avec leurs 4x4" mais non, il accuse les pauvres !», s'est indigné le délégué général d'Emmaüs, Patrick Dugois. C'est l'évidence : en France comme sur la planète entière, les pauvres polluent nettement moins que les riches. Même si les péri-Smicards qui habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail ou effectuent des horaires de plus en plus décalés sont obligés de prendre leur vieille bagnole pour aller gagner leur pitance, grevant leur pouvoir d'achat quand ils font le plein ou sont flashés par un radar, même si ce sont des pauvres qui, en Chine ou en Inde, mettent leur vie en danger quand ils trient pour un salaire de misère les éléments du matériel informatique obsolète qu'on leur refourgue, la pollution et le dérèglement climatique sont avant tout le fait d'industriels sans scrupules, de politiques gouvernementales qui favorisent la route au lieu du fret, et des riches qui achètent des grosses cylindrées, des yachts et des jets privés.
En matière de CO2, nos dirigeants ne sont pas du tout exemplaires : des incessants va-et-vient de Nicolas Sarkozy (2.000 tonnes d'équivalent CO2 pour son conseil des ministres "délocalisé" en Corse) aux fastes du G8 (30.000 tonnes d'équivalent CO2 pour celui d'Heiligendamm) en passant par le parcours de la flamme olympique (avec 135 villes sur 5 continents, le rejet équivaut à 9.000 tonnes de CO2), ces «bilans carbone» sont tous aussi révoltants.
Le schéma est le même : que ce soit au sujet du chômage, de la protection sociale ou de la pollution, en focalisant sur les pauvres - ces sous-hommes «dégueulasses» qui seraient responsables de tout -, on évite de parler des vrais gâchis et, surtout, des vrais enjeux économiques et humains présents et à venir.
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