Afin de «compléter» les trop maigres indemnités Assedic (1), sur un ton complice voire étonnamment compatissant, Capital.fr conseille à ceux qui, pour l'instant, n'ont aucun problème de pouvoir d'achat mais craignent qu'un jour cet "accident de la vie" qu'est le chômage (et qui, visiblement, n'arrive pas qu'aux autres alors qu'en principe, ceux qui s'y retrouvent sont présumés coupables) ne compromette leur doux train de vie, de souscrire une assurance «perte d’emploi» auprès de sept assureurs privés - tableau comparatif à l'appui - qui proposent aujourd’hui des contrats de ce type.
On apprend que «les salariés qui perdent leur job [notez la légèreté du terme à l'heure de la sacro-sainte "valeur travail"] mettent 10 mois en moyenne pour se recaser. Et, durant tout ce temps, ils doivent se serrer la ceinture, l'Assedic ne couvrant qu’une partie, parfois faible, de leurs anciens revenus». Aaaaah, cette dure réalité du chômage ainsi exprimée à leur attention et qui fait qu'on se demande, vraiment, pourquoi tant de gens se figurent qu'on aime s'y vautrer...
Pas de pitié pour les pauvres !
Il est vrai qu'un salarié de base, même avec l'ancienneté, n'a déjà aucune chance de toucher une indemnité de licenciement aussi conséquente que celle d'un cadre dirigeant... Qu'il se débrouille ainsi, sous-entend Capital.fr qui ne s'adresse qu'à ses lecteurs les plus vernis : car, vous comprenez, il est tellement plus dur pour un salarié aisé de se serrer subitement la ceinture que pour un péri-smicard, déjà rompu aux privations quotidiennes - chômage, précarité ou pas.
D'ailleurs, Capital.fr le reconnaît : «Vu les tarifs, ils [ces contrats] sont peu attrayants pour les non-cadres, d’autant que ces derniers, s’ils gagnent moins de 2.000 € par mois (2), sont indemnisés à 75% par les Assedic. Les cadres, en revanche, qui, une fois privés d’emploi, ne touchent de l’assurance chômage que 57,4% de leur salaire mensuel brut (dans la limite de 6.150 € [ouf !]), peuvent se laisser tenter, surtout s’ils approchent la cinquantaine ou s’ils l’ont déjà dépassée, un âge où l’on commence à être sérieusement exposé et où il devient difficile de trouver un nouveau job». Là aussi, Capital.fr n'éprouve aucune compassion pour l'ouvrier ou l'agent de maîtrise péri-smicard de 58 ans qui a commencé à travailler de bonne heure et qu'aucun employeur ne voudra embaucher, même au Smic. Et à qui le gouvernement reproche d'avoir été "dispensé de recherche d'emploi" par l'ANPE, plus lucide que lui...
Champagne pour tout le monde, caviar pour les autres
Voilà ce que nous propose le libéralisme : l'argent qui va à l'argent, en dépit du "mérite" (en quoi un cadre sup’, essentiellement issu d'une famille aisée et qui, de ce fait, a eu la facilité de faire des études pour diriger ses collègues, serait plus méritant qu'un OS qui a, lui aussi, servi consciencieusement son entreprise ?), et à l'encontre des principes républicains d'égalité et de solidarité. A ceux qui ont les moyens de s'offrir une super-mutuelle ou d'avoir contracté une solide épargne-retraite, la possibilité d'atténuer les effets des franchises médicales ou d'une pension insuffisante. La protection sociale à deux vitesses, distillée dans l'esprit de tous : un "complément" pour les riches (caviar !), l'ordinaire pour tout le monde (du champagne… éventé, puisqu'on nous le présente comme un "privilège" de plus en plus intenable et compromis).
La soupe populaire pour les autres ?
(1) 80% du Smic : tel est le montant moyen de l'allocation mensuelle.
(2) On rappelle qu'en France, selon le dernier chiffre de l'INSEE qui s'est arrêté à 2006 et s'est cantonné aux emplois à temps plein, le salaire médian s'est établi à 1.555 € nets par mois. Ce qui signifie que la moitié des salariés français ayant la chance de travailler au moins 35 heures par semaine a gagné mensuellement en-dessous de cette somme.
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