C'est décidé, pour «diviser par trois - et même davantage - l'échec scolaire d'ici 2012» alors qu'il supprime des postes par milliers, Nicolas Sarkozy veut des enseignants de standing. A l'instar du recrutement actuel où sévit la surenchère des diplômes, le président-employeur sombre dans cette lubie très française qui, privilégiant le niveau d'études au détriment de l'expérience et d'autres qualités humaines, surfe sur un élitisme bien peu en adéquation avec la réalité. Pourtant adepte du modèle anglo-saxon, il est surprenant que, sur ce point, il ne songe pas à s'en inspirer...
Jusqu'où ira cette dictature, aussi archaïque que néfaste à la fluidité du marché du travail, doublée qui plus est de discrimination sociale ? Car aujourd'hui, 40% des étudiants en 1er cycle sont issus de milieux populaires. Demain, l'enseignement sera-t-il un métier réservé à une caste de privilégiés, plus ou moins déconnectés des réalités sociales auxquelles ils seront confrontés, mais dont les parents auront pu assumer le coût de leurs longues études ? Dans les faits, avec cette réforme, le débutant sera Bac+6 : cinq années de master (où il devra avoir décroché le CAPES) + l'année de préparation au concours. A l'heure où, de surcroît, il faudra cotiser 41 ans voire davantage, est-ce bien raisonnable ?
Sans compter que la "mastérisation" de la formation des professeurs devrait «entraîner, à terme, la disparition des IUFM» (Instituts universitaires de formation des maîtres), précise l'Elysée dans l'optique de faire des économies afin de réduire le déficit public. Sans compter que ces débutants auront un traitement de base supérieur aux collègues plus anciens, recrutés à Bac+3 au niveau licence et qui devront en sus leur servir de "tuteurs" dans un esprit de "compagnonnage" - le coaching, c'est in - en guise de 2ème année d'IUFM. Ainsi, à travail (in)égal, salaires inversés !
A-t-on réellement besoin d'être Bac+6 pour enseigner en primaire ou dans le secondaire ? Partout, le travers est le même : il y a quarante ans, quand le chômage de masse n'existait pas, on rentrait dans une banque avec son certificat d'étude pour faire du guichet et de la caisse. Actuellement le guichetier, qui ne manipule plus de fonds, démarre à Bac+3. Pour faire du télémarketing, un Bac+2 est obligatoire alors que savoir lire, écrire, utiliser un clavier d'ordinateur suffit amplement. Dans la grande distribution, un Bac+2 tertiaire est exigé pour être "manager de rayon", autrement dit tirer des palettes et placer les produits pour le Smic. On a même vu des femmes de ménages obligées de joindre une lettre de motivation à leur candidature… pour balayer à temps partiel. Mais où va-t-on ?
Les entreprises qui recrutent des super-diplômés sont-elles réellement gagnantes ? «Leurs stratégies ont-elles été plus pertinentes ? Les produits ont-ils trouvé plus facilement leur marché ? Les dirigeants ont-ils été les plus exemplaires et les plus éthiques ?» s'interroge le spécialiste RH Christian Malécot sur Jobetic, consterné par cette surinflation tristement hexagonale. Dans l'enseignement, cela coule de source : les connaissances encyclopédiques ne suffisent pas à faire de bons profs. Transmettre le savoir passe par d'autres compétences, que des Bac+2 à forte vocation maîtrisent parfaitement.
Mais au fait, Nicolas Sarkozy, il est Bac+ combien ??? Lui qui se plante régulièrement avec les chiffres (sauf quand il s'agit de revaloriser son salaire), prend des libertés avec la langue (ça fait "popu"), professe à longueurs d'exposés une rhétorique approximative, s'égare en plein cours quand il vante sa Carla et dont le sens de la pédagogie consiste à liguer des Français contre d'autres Français, démissionnera-t-il lorsqu'il décrètera un jour qu'il faut au minimum 125 de QI pour entrer à l'Elysée ?
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