A la manœuvre le député UMP des Hauts-de-Seine, Frédéric Lefebvre, seul signataire d’un amendement octroyant des avantages fiscaux — avec effet rétroactif — aux particuliers et aux entreprises investissant… en Afrique. Un amendement redoutablement complexe que son auteur dit avoir rédigé «avec Bercy». Pour le justifier, Frédéric Lefebvre a mis en avant de nobles causes. Le but est de favoriser l’expansion «du tissu économique des pays en voie de développement et plus particulièrement en Afrique» et booster le «codéveloppement».
Vigilance. Sur les bancs de la gauche, on a surtout vu dans cet amendement, la main «de la Françafrique». «Qu’est-ce qu’il y a derrière tout ça ?» a questionné Dominique Baert (PS). «Cet amendement est une proposition étrange», a commenté Jean-Pierre Brard (PC). Jérôme Cahuzac (PS) s’est interrogé sur la rétroactivité de la mesure et ses bénéficiaires : «Qui a investi ? Combien ? Où ? Qui demande au Parlement de défiscaliser cet investissement ?» Continuant sur sa lancée, il a souligné la «gêne» des ministres Eric Woerth et Christine Lagarde, qui ont donné un «avis favorable» à l’amendement. Il a aussi appelé à la vigilance des députés.
Sur les bancs de l’UMP, personne n’a moufté. Sauf Frédéric Lefebvre, qui a trouvé ces propos «assez choquants». Avant de passer au vote, Didier Migaud, le président (PS) de la commission des finances, a fait observer que l’Assemblée s’apprêtait à créer «une nouvelle niche fiscale» [1]. En vain. L’amendement a été adopté avec les seules voix des députés UMP.
Généreux. Une demi-heure plus tard, nouveau bouillonnement dans l’hémicycle. Le gouvernement propose au vote un amendement, distribué à la hussarde dans les rangs. Il prévoit de porter de 12.000 à 12.400 € le plafond de réduction d’impôt au profit des ménages qui emploient du personnel à domicile. Cerise sur le gâteau : ce plafond sera indexé sur l’évolution du «barème de l’impôt sur le revenu» et «le montant obtenu est arrondi à la centaine d’euros supérieure».
Une première que la gauche a aussitôt dénoncée. Un moindre mal en réalité : cet amendement venait contrer un amendement encore plus généreux présenté par… Frédéric Lefebvre, qui souhaitait, lui, porter le montant du plafond de réduction d’impôt de 12.000 à 15.000 €. Cette fois, même à droite, certains se sont rebellés. Le rapporteur général de la commission des finances Gilles Carrez (UMP) a contré à coup d’arguments affûtés l’amendement Lefebvre, mais aussi celui du gouvernement. Sentant qu’il risquait d’être mis en difficulté par sa propre majorité, Eric Woerth a du coup décidé de repousser l’examen du texte «en seconde partie», lors de l’examen du budget… de l’emploi.
(Source : Libération)
[1] Alors qu'en 2003 on en comptait déjà 418, elles sont maintenant 486 à permettre à des contribuables aisés — si ce n'est millionnaires ! — d'échapper à l'impôt. En 2007, elles ont constitué un manque à gagner de 73 milliards d’€ pour les caisses de l'Etat, soit 27% de ses recettes fiscales nettes et 3,8% de notre PIB. Grâce à Frédéric Lefebvre, qui soutient mordicus que bouclier fiscal profite aux plus modestes, on en comptera donc bientôt 487 !
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