Le recours au chômage technique, utilisé de façon croissante par les entreprises sous l'effet de la crise, vaut mieux que le chômage tout court, a dit le président de la République. En effet ce dispositif, qui n'avait pas été revalorisé depuis 1993, permet de «maintenir l'emploi» puisqu'il n'entraîne pas la rupture du contrat de travail. Une fois essorées de leurs RTT, compte- épargne-temps et autres congés payés, au lieu de pointer à l'ANPE et être allocataires de l'Assedic, ses principales victimes seront indemnisées par leur employeur qui, pour ce faire, percevra une compensation partielle de l'Etat.
Sans surprise, le Medef s'est plaint que ce nouveau dispositif «coûte sensiblement plus cher aux entreprises». Mais il a souligné que, face à la crise, celles-ci «tiennent à prendre leurs responsabilités» (!!!) et que «l'Etat a annoncé qu'il prendrait les siennes». Dont acte : l’«allocation spécifique» compensatoire que celui-ci leur verse sera également augmentée d'au moins 1,20 € de l'heure (soit une revalorisation de 50%), sans exigence ni garantie supplémentaires.
C'est le contribuable qui va payer
Ce projet, qui modifie un accord de 1968, doit entrer en application le 1er janvier 2009. Mais si trois organisations syndicales sur cinq s'y opposent, il ne sera pas entériné.
D'ores et déjà, la CGT a dit qu'elle ne le signerait pas. «Nous avons demandé des conditions pour que les entreprises mettent les salariés au chômage partiel, notamment qu'il n'y ait pas de trésorerie positive. [...] On nous a dit non», a déclaré Bernard Thibault hier soir sur Canal+. Donc, des entreprises bénéficiaires pourront continuer «à verser des dividendes aux actionnaires» et, «dans le même temps», mettre «les ouvriers au chômage technique», s'est-il indigné : «Ce qui fait scandale [...] c'est que tout cela sera payé non par les entreprises mais par l'Etat, c'est à dire par le contribuable».
La CFDT regrette aussi que le patronat n'aie pas voulu intégrer dans la lettre paritaire une demande de vigilance des services de l'Etat sur l'attribution des aides au chômage partiel «pour s'assurer que la manne ne serve pas les intérêts des actionnaires». Ce à quoi le Medef a rétorqué : «La période, difficile pour les entreprises, n'est pas opportune pour pousser l'Etat à des contrôles tatillons»...
Qui, en France, sont les plus «assistés» ?
Outre les très riches qui échappent totalement ou partiellement à l'impôt grâce aux niches fiscales, au nouveau barême de l'IR ou au bouclier fiscal, on trouve aussi… les entreprises (et, mécaniquement, les plus grandes). Chaque année elles bénéficient, sans contrôle ni contrepartie, de quelque 65 milliards d’€ d'aides publiques diverses et variées où la baisse du coût du travail se taille la part du lion puisqu'elle en représente quasiment la moitié, suivie par les aides fiscales et, en moindre proportion, l'aide aux investisseurs. On rappelle qu'en 2008, les entreprises françaises ont bénéficié de 32 milliards d’€ d'exonérations de cotisations : depuis que ces allègements existent, l'Etat accuse une dette chronique d'au moins 9 milliards d’€ vis-à-vis des régimes sociaux.
Pareil pour l'Unedic : aujourd'hui, 60% des entrées au chômage résultent de la fin de contrats précaires (intérim, CDD…), principale cause de son déficit qui s'élève actuellement à 5 milliards d’€. En effet, sur les 24 milliards annuels consacrés à l'indemnisation des chômeurs, 7 milliards viennent secourir une partie des salariés précaires, pour qui le chômage est typiquement récurrent, tandis que le produit des cotisations issues de ces types d'emplois n'atteint qu'un milliard.
Que Laurence Parisot et ses sbires cessent de faire semblant de se lamenter : le patronat qui, par le biais du chômage et la précarisation de l'emploi, fait supporter ses choix économiques à la collectivité tout entière, demeure le grand assisté d'un Etat-providence très peu regardant (surtout en comparaison des dispositifs de contrôle social développés vis-à-vis des pauvres…) et qui, plus que jamais grâce à «la crise», lui déballe son tapis rouge.
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