Il aura fallu moins d’une semaine pour que deux sujets ultrasensibles se «décoincent», comme par enchantement. Il y a quelques jours, Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale, renonçait (pour un temps) à sa réforme du lycée. L’explication de cette reculade est toute simple : Pas d’explosion sociale – celle des lycéens et des enseignants – avant les fêtes de fin d’année ou pour la rentrée de janvier 2009. Le gouvernement aura déjà fort à faire le soir de la Saint-Sylvestre, en déployant ses troupes dans les cités sensibles – notamment autour de Strasbourg – qui ont pris l’habitude de fêter la nouvelle année en incendiant des centaines de véhicules.
Côté Medef, on ne tient pas non plus à attiser un possible embrasement social. Alors que l’organisation patronale était plus que favorable à la baisse de l’indemnisation des chômeurs, en réduisant le montant et la durée de leurs allocations, c’est machine arrière toute. Car la négociation qui se joue actuellement à l’Unedic entre «partenaires sociaux» aurait pu, effectivement, déclencher le krach que redoute tant Nicolas Sarkozy (à en croire Le Canard enchaîné, l'Élysée a mis en place une cellule chargée de l'évaluation du risque social).
En cette période où la quasi totalité des syndicats appellent à une journée de grève générale en janvier 2009 et où des dizaines de milliers de salariés viennent grossir les rangs des chômeurs (+100.000 en août, septembre et octobre), le patronat – dans sa «grande sagesse» – croit inutile d’en rajouter. Il est – une fois n'est pas coutume – bien inspiré !
La droite et le patronat craignent plus que tout ce clash social que certains annoncent imminent. Ainsi, en une semaine, ils ont tout simplement remis à plus tard des «réformes» forcément impopulaires. Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, c’est du jamais vu ! Mais si l’embrasement tant redouté ne vient pas des lycéens ou des chômeurs, d’autres se chargeront de gratter l’allumette. L'étincelle devrait venir des 2,7 millions de salariés du secteur automobile (10% de la population active).
Depuis trois mois, on ne parle que de «chômage partiel», de «chômage technique», pour camoufler l’effondrement de l’activité des constructeurs et de leurs sous-traitants. Des mesures temporaires qui ne tarderont pas – c’est déjà le cas chez Faurecia et Plastic Omnium – à se transformer en licenciements fermes. Pour le gouvernement et le patronat, ce sera alors une autre paire de manches que «d’affronter» quelques dizaines de milliers de chômeurs ou de lycéens en colère.
Comment pourrait-il en être autrement ? Si les ventes de véhicules français continuent de chuter – imaginons une baisse de 10 à 15% sur 6 mois à 1 an – c’est, automatiquement, arithmétiquement, 10 à 15% des effectifs qui pourraient se retrouver sur le carreau dans les mois à venir. Et 10 à 15% de 2,7 millions de salariés, ça fait autour de 300.000 personnes… au chômage (hypothèse basse). La crise serait alors plus profonde que celle de la sidérurgie lorraine dans les années 70 ! Dans cette sombre perspective, la droite et le patronat ont le trouillomètre à zéro.
En attendant les grandes mobilisations du premier trimestre 2009, les dirigeants politiques et économiques reculent… pour mieux sauter à pieds joints dans la crise sociale qui sera, à n’en pas douter, la VRAIE GRANDE CRISE de l’année à venir.
YB pour Rénovation-démocratique et Actuchomage
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Commentaires
Confronté à une "dégradation brutale de la production automobile", Valeo va réduire ses effectifs permanents "de l'ordre de 5.000 personnes dans le monde, dont environ 1.600 en France et 1.800 dans les autres pays d'Europe", soit environ 10% de son personnel.
Valeo emploie 54.000 personnes dans le monde, dont 15.400 en France. Répondre | Répondre avec citation |
Comme nous l’annonçons depuis plusieurs mois, la vague des licenciements massifs devrait enfler dans les prochaines semaines, avant de déferler au début du printemps. Car les mesures de chômage partiel prises en cette fin d’année 2008 dans les gros bastions de l’industrie (automobile, sidérurgie, BTP…) vont se transformer en chômage réel, en chômage total pour des dizaines, des centaines de milliers de salariés. La seule industrie automobile (constructeurs et sous-traitants) pourrait perdre en 2009 entre 7 et 15% de ses effectifs ; ce qui nous donnerait alors, sur un total de 2,7 millions de salariés, 200.000 à 300.000 suppressions d’emplois. Nous estimons qu’il s’agit-là d’une hypothèse basse.
Si, dans ses dernières prévisions, l’Unedic envisage une augmentation du nombre de chômeurs de catégorie 1 (taux officiel) de 219.000 en 2009, nous, sur Actuchomage, tablons sur une augmentation deux à trois fois supérieure (entre 400.000 et 600.000 chômeurs de plus en 2009). Et nous estimons qu’il s’agit, là aussi, d’une hypothèse basse. Sur les seuls mois d’août, septembre et octobre 2008, 100.000 nouveaux chômeurs se sont inscrits à l’ANPE. Au début de l’année 2009, le nombre d’inscriptions mensuelles pourrait s’établir entre 30.000 et 60.000 (il était de 46.900 en octobre, dernier chiffre connu).
Déficit commercial, déficit budgétaire, confiance des ménages en berne (en perdition, devrions-nous écrire), production industrielle en chute libre (- 2,7% en octobre)… tous les indices virent au rouge. Vendredi 12 décembre, la Banque de France nous délivrait sa mauvaise nouvelle : Elle prévoit un PIB en baisse de 0,7% au 4e trimestre. Une récession de grande ampleur s’enracine donc malgré tous les appels au sursaut économique. Conséquence logique, jeudi 11 décembre, La Croix nous apprenait que trois Français sur quatre (73%) se déclarent préoccupés par le chômage et l'emploi, une proportion qui a augmenté de sept points en un mois, selon le baromètre TNS Sofres publié par le quotidien. Quelle surprise !
Face à l’effondrement de l’économie, notre Président s’agite comme à l’accoutumée en nommant Patrick Devedjian ministre de la Relance («de sa carrière», persifle Le Canard enchaîné). Et quand on décortique ses plans, ses fonds souverains, on constate qu’il ne s’agit que de savants tours de passe-passe financiers. Ainsi, on habille Pierre après avoir déshabillé Jacques, on transfert des fonds d’un poste à l’autre, on met en avant des dépenses et investissements prévus de longue date… pour masquer l’absence totale de marges de manœuvres financières. Mais comment peut-il en être autrement dans un pays où les «caisses sont vides» ?
Les choses ne vont pas en rester-là, évidemment. Aux krachs financier et boursier, va succéder un krach social qui pourrait éclater quand nous serons au creux de la vague (que nous situons au printemps). Cette agitation prévisible, inéluctable – que redoute d’ailleurs l’Élysée –, devrait trouver un large écho dans toutes les «classes» de la société : les jeunes tout d’abord, dont l’entrée dans la vie active est lourdement impactée par cette récession, tant en termes d’opportunités d’embauche que de niveaux de salaire. Les ouvriers ensuite, notamment ceux du secteur automobile plutôt épargnés ces dernières années, qui après 10, 15, 20 ans de bons et loyaux services - les «seniors» en première ligne - vont se retrouver sur le carreau par dizaines de milliers, sans perspective de reconversion professionnelle dans des bassins industriels sinistrés. Et enfin, les cadres qui commencent à souffrir sérieusement de cette crise. De plus en plus de plans de licenciements massifs (chez Arcelor Mittal, chez Alcatel-Lucent…) concernent directement les «cols blancs» qui, eux aussi en 2009, devraient se retrouver par milliers à la rue.
Dans ce contexte qui se dégrade à vitesse grand V, reste à nos dirigeants la seule méthode Coué pour entretenir l'espoir, ruminée depuis mai 2007 par Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde, grands hortators (1) de la débâcle économique. Et pour ne pas susciter un vent de panique supplémentaire sur les marchés, ils nous cachent une vérité que les Français découvrent peu à peu, et qui va profondément les affecter.
Yves Barraud
(1) L’hortator est le chef des rameurs… dans une galère. Répondre | Répondre avec citation |