Depuis la création d'Actuchomage, nous avons beaucoup rouspété contre les syndicats. Aujourd'hui, nous constatons que les grandes centrales ont peut-être amorcé un premier revirement. En effet, lors des dernières mobilisations, les thèmes du chômage, de la précarité et des inégalités étaient occultés par des revendications plus «corporatistes» (mais pas moins légitimes), comme la défense des «statuts» ou des «régimes spéciaux». Nous avons dénoncé ici le peu de considération des grandes centrales syndicales pour les chômeurs et les précaires, cette masse d’Actifs avec ou sans emploi qui se compte par millions (au moins 7 : 4 millions de chômeurs de catégories 1 à 8, et 3 millions de travailleurs précarisés, soumis à des temps partiels subis et autres contrats de travail au rabais).
À maintes reprises, nous avons rédigé des articles incendiaires contre cette marginalisation institutionnalisée des sans-emploi et précaires qui, faute de représentants «officiels» (à part à la CGT qui dispose d’une «antenne chômeurs»), se tournent vers des associations et collectifs pleins de bonne volonté mais sans moyens pour les défendre. Ainsi, AC! Agir ensemble contre le chômage, le MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires), l’APEIS et quelques autres, tous crient famine, ne disposant que de moyens dérisoires pour accompagner le flot grossissant des chômeurs et précaires.
Cette démission des syndicats vis-à-vis des plus fragiles constitue une erreur historique ; plutôt que de s’ouvrir largement aux «intermittents du travail», ils se recroquevillent désespérément sur leurs bastions de militants et sympathisants, qui s'amenuisent, concentrés dans la fonction publique, les entreprises publiques et apparentées (SNCF, La Poste, RATP…) et dans quelques grands secteurs industriels (métallurgie, automobile…).
En étudiant l’Appel à la grève générale du 29 janvier signé par les organisations suivantes : CGT, CFDT, CFTC, FO, Solidaires, CFE-CGC, Unsa, FSU…, on relève une avancée notable dans leur discours revendicatif. Trois mots, qui constituent le creuset de notre engagement militant, y sont insérés : «Chômeurs», «Précarité» et «Inégalités», comme on peut le constater à la lecture de leur plateforme :
• Pour la défense de l’emploi privé ou public.
• Pour lutter contre la précarité et les déréglementations économiques et sociales.
• Pour exiger des politiques de rémunérations qui assurent le maintien du Pouvoir d’achat des salariés, chômeurs et retraités, et réduisent les inégalités.
• Pour défendre le cadre collectif et solidaire de la protection sociale.
• Pour des services publics de qualité qui assurent en particulier tous leurs rôles de réponses aux besoins sociaux et de solidarités.
Nous nous félicitons de voir ces trois mots apparaître dans cet appel, auquel nous souscrivons. C’est la raison pour laquelle nous invitons officiellement tous les Chômeurs et Précaires à se joindre aux défilés.
Mais cette prise en compte correspond-elle à un «repositionnement» des grandes centrales en direction des «intermittents du travail» et des sans-emploi ? Sans doute est-il trop tôt pour le dire ! Et nous ne sommes pas de ceux qui croient au Père Noël (1), notamment à l’égard de la CFDT qui est, depuis des années, dans tous les mauvais coups portés aux chômeurs et précaires en acceptant, lors des négociations sur l’assurance-chômage, une régression systématique de leurs droits.
Mais, bon, quand un texte ou un appel va dans le bon sens, ne le boudons pas. Il y a des moments où il faut aussi parler des trains qui partent (et arrivent) à l’heure, et pas toujours de ceux qui déraillent.
Yves Barraud
(1) Tout le monde sait que le Père Noël est passé il y a moins d'un mois et que son prochain passage n'est pas annoncé avant fin décembre 2009. Alors, hein, on ne nous la fait pas !
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