«L’intervention des Etats et de l’Europe est décisive», a-t-il dit, soulignant que les Etats-Unis avaient accordé plus de 10 milliards d'euros à leur industrie et que les dispositifs européens restaient insuffisants.
L'année dernière, son entreprise cotée au CAC 40 a tout de même dégagé un résultat net de 1,6 milliard d’€ tandis que sa rentabilité financière a été évaluée à 12,3%. A ce titre, M. Ghosn aura le plaisir de verser au bas mot plus de 800 millions d’€ de dividendes à ses actionnaires — dont l'Etat — tandis que sa rémunération annuelle s'est élevée à 3,4 millions => LIRE ICI...
La compétitivité imbécile
L'automobile européenne serait surcapacitaire de «25 à 30%», selon Laurent Burelle, directeur général de l’équipementier Plastic Omnium. En clair, il n'y a plus d'acheteurs et les voitures flambant neuves s'entassent. Pour Christian Streiff, PDG de PSA, «la réduction de la dimension des sites» est un moyen de retrouver de la compétitivité. Ce «tueur de coûts salariaux», qui initia autrefois le plan Power8 chez Airbus, croit toujours qu'en grossissant le nombre de chômeurs, de précaires et de pauvres, il élargira ainsi sa clientèle. Pire : à l'heure du réchauffement climatique et de la fin du pétrole, aucune ébauche de véritables stratégies d'avenir ne se dessine ! Cela s'appelle «scier la branche».
Le plan Ghosn, avec ses 6.000 suppressions de postes, a entraîné, dans les usines Renault, le renvoi des intérimaires, la fin des contrats des prestataires dans les bureaux d'études, la suppression de chaînes de production et un chômage technique à grande échelle avec perte de salaire à la clé. Chômage partiel dont on rappelle que l'Etat vient d'en élargir les modalités et le financement. De surcroît, à l'instar du plan de sauvetage des banques, le gouvernement compte mettre encore la main à la poche en injectant 5 à 6 milliards d'€ pour «sauver» la filière automobile.
Les salariés et l'argent public, éternels pigeons
S'ils n'ont pas perdu leur emploi et rejoint le bataillon des allocataires de l'Unedic (qui ne mérite aucun coup de pouce), dans tous les cas les salariés de Renault sont les premiers financeurs de «l’activité partielle». Pour ce faire, fin 2008, la direction a ranimé un accord de 1986 — signé par la CFDT, la CFTC et la CGC — qui instaure un prélèvement obligatoire de 0,15% sur tous les salaires de novembre et décembre 2008 afin d'améliorer leur régime d'indemnisation : «Au total, ces mesures devraient permettre d’indemniser le chômage partiel à hauteur de 75% environ du salaire net, contre 60% pour le minimum légal», ont assuré ses signataires. La CGT et FO, qui ont rejeté l'accord, ont crié au scandale, estimant que le milliard d'euros reversé en dividendes pour l'année 2008 aurait pu servir à financer cette solidarité. Ou à maintenir des emplois...
Patriotisme économique
La production des constructeurs français en France a reculé de 10% au cours des neuf premiers mois de 2008 alors que leur production mondiale a augmenté de 1,8%. D'accord pour «mobiliser beaucoup d'argent» en faveur de la filière automobile, a prévenu Nicolas Sarkozy, mais à condition que les constructeurs «gardent la production d'automobiles en France». Ce à quoi Renault a rétorqué que 44% de ses voitures vendues dans l'Hexagone y sont également fabriquées. Et de mettre en avant ce beau sacrifice : «Entre une voiture produite à Flins et une autre produite en Europe de l’Est, il y a une différence de coût de 1.400 €, a évalué M. Ghosn. Sur cette somme, 400 € sont imputables aux salaires, 750 € aux charges sociales et 250 € à la taxe professionnelle.» Ah, dommage que la France ne soit pas encore un «paradis social» : si seulement on pouvait supprimer la Sécu et les payer avec un bol de riz... Mais qui aurait encore les moyens de se payer une bagnole ?
Ne perdant pas le nord, le patron de Renault s’est prononcé pour une «suspension» de la taxe professionnelle. Christian Streiff de PSA lui faisant écho : «Il faut baisser les coûts salariaux en allégeant les charges typiquement françaises, comme la taxe professionnelle.» Vidons, vidons les caisses de l'Etat. Ruinons, ruinons la protection sociale.
Encore une question de «morale»
Autre contrepartie exigée par Nicolas Sarkozy : la suppression des bonus et des dividendes pour les dirigeants et actionnaires... Et là, on se marre puisque l'argent de 2008, qui aurait pu servir à amortir les effets de la crise — maintenir des emplois, financer la solidarité — et envisager son issue — élaborer et mettre en œuvre de nouvelles politiques industrielles — a très certainement déjà été reversé. A moins que l'Etat-actionnaire décide, en plus de ses cadeaux, de renoncer à sa part ?
S'il s'agit d'attendre les résultats de l'exercice 2009 afin de respecter cette condition en 2010, non seulement il sera trop tard mais, entre temps, l'Etat et la collectivité auront, plus que jamais, servi de vaches à lait à ces affairistes peu scrupuleux qui, après avoir longtemps privatisé leurs profits, souhaitent ardemment mutualiser leurs pertes sans que personne n'y trouve à redire.
Gageons que, malgré «la crise», à nouveau l'année prochaine ils n'hésiteront pas à s'offrir une petite croisière de quinze jours aux Caraïbes à un million d’€ pendant que ceux et celles qu'ils ont sacrifié sur l'autel de la compétitivité iront se les geler au Pôle… Emploi.
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