Il y a un an et demi, je bénéficiais de l’effet Sarkozy, le «Monsieur PLUS» d’une droite enfin décomplexée après des années d’apathie chiraquienne. «Avec moi, ce sera plus de travail, plus d’heures sup', plus de pouvoir d’achat, plus de consommation, plus d’emplois, plus de croissance !», nous assurait le candidat du «Tout devient possible».
Si je n’ai pas voté pour lui, j’ai été soulagé qu’il soit élu parce que, au fond de moi, je m’interrogeais : «Et si le Saint Homme disait la vérité ?» Effectivement, dans le sillage de son élection, j’ai senti comme un frémissement : J’ai retrouvé un vrai travail en octobre 2007 après plusieurs années de galère. Pas bien payé ce taf, pas valorisé ni valorisant au regard de mes compétences, il me permettait néanmoins de sortir de la précarité à 430 € par mois, le montant de l’ASS (équivalent du RMI) que je percevais alors.
Et me voilà bossant pour un patron «bling-bling» : Salariés payés au lance-pierre (pour la plupart jamais augmentés depuis 5 ans), lui, roulant en 4x4 BMW et passant ses week-ends à l’île Maurice à jouer au golfe avec ses potes, petits et grands patrons eux-mêmes. Malgré tout, aucune raison valable de me plaindre car, dans sa grande mansuétude, Saint-Nicolas avait pris des dispositions pour m’aider à boucler mes fins de mois étriquées : Des heures sup’ défiscalisées (et exemptées de cotisations sociales) que j’ai dévorées à belles dents pour ne pas me retrouver dans le rouge malgré mon train de vie plus tortillard que TGV.
Les mois ont passé jusqu’à ce 6 janvier 2009 où mon patron nous a convoqués, moi et mon collègue de bureau : «J’vous expose la situation : Ralentissement de l’activité fin 2008, mais on gagne encore un peu d’argent. En 2009, je ne veux pas en perdre donc je suis obligé de licencier l’un de vous. Choisissez lequel !» Ambiance… Avec Patrick, c’est comme ça qu’il s’appelle mon collègue, on est repartis dans notre bureau sous le choc ; lui et moi n’en avons pas dormi de la nuit. Ah oui, j’oubliais, notre patron a tenu à préciser : «J’attends votre réponse pour demain ou après-demain. C’est pour un départ de l’entreprise fin janvier !» Forcément, il faut faire vite, y’a urgence avec la crise !
Nous, solidaires, on n’a pas choisi lequel serait sacrifié. Le patron a pris sa décision et moi… la porte «préventivement». L’entretien de licenciement a eu lieu le 21 janvier, juste avant que mon ex-employeur ne s’envole pour une semaine de vacances luxueuses (le connaissant), «pour fêter les 40 ans de ma femme» qu'il a dit mon boss. Pas belle la vie ?
Et voilà comment certains patrons alimentent la crise, en se débarrassant à titre «préventif» de leurs salariés ; pas pour sauver leur boîte mais pour préserver leur standing et leur marge bénéficiaire. Si cette procédure devait se généraliser à toutes les entreprises françaises, et plus particulièrement aux PME/PMI, notre «Monsieur PLUS» a du souci à se faire ; d’ici à ce qu’il se métamorphose en «Monsieur MOINS», il n’y a qu’une équation sans inconnues :
Un chômeur de plus, c’est du pouvoir d’achat en moins ; du pouvoir d’achat en moins, c’est moins de consommation ; moins de consommation, c’est moins d’emplois ; moins d’emplois, c’est plus de chômage. La boucle est bouclée. Enfin, la spirale infernale de la récession…
Combien de chômeurs en plus déjà ? 64.000 pour le seul mois de novembre, c’est bien ça ? Ça nous donne quoi sur un an : 700.000 chômeurs supplémentaires en 2009 ? Moi, si j’étais «Monsieur Plus», j’interdirais «préventivement» les licenciements.
Paul Emploi chez Actuchomage
• Une histoire vraie, forcément (dont je vous épargne les détails absurdes et mesquins).
• Enfin, 2 millions, c'est le nombre de chômeurs de catégorie 1 (le taux officiel du chômage). La France compte 4 millions de chômeurs (de catégories 1 à 8) et des millions de travailleurs précaires soumis à des temps partiels subis et autres contrats de travail au rabais.
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