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Accueil Social, économie et politique Virée pour abus de courriels ?

Virée pour abus de courriels ?

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Voici l'histoire assez incroyable d'une salariée, licenciée en mai 2007 pour «utilisation abusive d'internet sur son lieu de travail», puis déboutée par le conseil des Prud'hommes.

Cette assistante de gestion, embauchée en 2002, venait de perdre son compagnon et, fort déprimée, «avait besoin de dialoguer avec sa mère». Ce qu'elle a fait durant ses pauses, notamment le midi alors qu'elle restait dans son bureau pour déjeuner. En l'espace de deux mois, elle a ainsi envoyé 156 messages personnels de son poste de travail. Correspondance que son employeur a découverte par hasard en recherchant l'origine d'un virus dans le système informatique. Il a soutenu qu'il n'avait pas ouvert les messages mais seulement constaté leur existence, et plaidé qu'une dizaine de courriers électroniques par jour représentait «une heure de travail négligée»...

L'affaire est relatée, entre autres, dans Ouest-France et sur LCI.
Pas de quoi en faire tout un article ? C'est bien fait pour elle ? Pas si sûr...

Licenciement abusif

Car «le supérieur hiérarchique avait pris la jeune femme en grippe et la harcelait alors qu'elle avait de bonnes évaluations. On aurait pu lui donner un avertissement, mais elle a été licenciée sur le champ», a dénoncé son avocate. Bien que cette correspondance «ne portait pas atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise», la sanction, disproportionnée, montre que l'employeur guettait l'occasion de se débarrasser d'elle.

Ensuite, étant dépressive, plutôt que de venir travailler la tête à l'envers et s'épancher du boulot auprès de sa mère, elle aurait pu choisir de se mettre en arrêt maladie et consulter un psy : ce qu'elle n'a pas fait. Grand tort lui a pris d'être aussi consciencieuse.

Enfin, sortez vos calculettes : 156 mails persos sur deux mois (soit environ 44 jours de présence), ça fait en moyenne... 4 mails par jour. On est loin de la dizaine de courriers électroniques quotidiens avancés par son patron !

Atteinte à la vie privée

La salariée avait saisi les Prud'hommes pour «licenciement injustifié, sans cause réelle et sérieuse» et réclamait 26.000 € à son ex-employeur pour «atteinte à la vie privée». «Le fait de fouiller sur l'ordinateur de la jeune femme sans son avis et de regarder ses destinataires constitue en soi une atteinte à la vie privée», a plaidé son avocate en soulignant le «problème grave de l'immixtion des employeurs dans la vie privée de leurs salariés» (on pense à cet ouvrier de Michelin licencié pour avoir critiqué son entreprise sur internet alors qu'il échangeait avec un camarade de lycée sur le site «Copains d'avant»).

Selon la jurisprudence, tout mail à caractère privé qui n'occasionne aucun «trouble objectif caractérisé» dans l'entreprise est protégé par le secret de la correspondance => Lire en commentaire…

Un verdict surprenant

Les Prud'hommes lui ont pourtant donné tort. Le juge départiteur qui a tranché l'affaire a reconnu qu'on pouvait utiliser occasionnellement la messagerie à des fins personnelles, tout en estimant qu'on pouvait reprocher à cette salariée «la fréquence et l'importance en volume de telles communications» (!!!!!), rappelant qu'elle avait signé, en mars 2003, une charte sur l'utilisation des ressources informatiques de l'entreprise «où elle s'engageait expressément à n'utiliser internet qu'à des fins professionnelles»… mais c'est bien sûr !

Quant à l'atteinte à la vie privée, le juge l'a écartée au motif que «les messages n'ont pas été ouverts par l'employeur». Et de conclure : «Le licenciement pour motif personnel à caractère disciplinaire est pleinement justifié».

Les jugements prud'homaux en défaveur des salariés sont très rares (1 sur 10). Au vu de ces éléments, espérons que la plaignante osera faire appel car si d'aventure cette décision n'était pas contestée et annulée, elle ferait jurisprudence : un mauvais coup de plus pour les travailleurs.

DERNIÈRE MINUTE => La salariée a fait appel. Affaire à suivre...
Mis à jour ( Dimanche, 01 Février 2009 21:00 )  

Commentaires 

 
0 # superuser 2009-02-02 11:40 L’arrêt de référence a été rendu par la Cour de cassation le 2 octobre 2001 (N°99-42942). La Cour rappelle le principe : «Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée. Celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ». Et l’applique au courrier électronique : «L'employeur ne peut prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur».

Problème : comment savoir si le mail relève de la vie privée du salarié ?

La réponse est venue avec un arrêt du 30 mai 2007 (N°05-43102). Les juges doivent «rechercher si les fichiers ouverts sur le matériel mis à sa disposition par l’employeur avaient été identifiés comme personnels par le salarié». L’apparence du fichier, le nom d’un dossier, l’objet d’un mail, seront autant d’indices qui devront conduire l’employeur à mettre de côté sa curiosité.

Une autre affaire, jugée le 6 juin 2007 (N°05-43996), montre l’importance de ces limites. Un salarié avait envoyé à son collègue un courrier électronique qualifié «d’insultant et de méprisant à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques». L’employeur avait procédé alors à son licenciement. Mais le licenciement fut qualifié d’abusif, car ce mail avait un caractère privé. Surtout, il n’avait «causé aucun trouble objectif caractérisé dans l’entreprise». Un mail à caractère privé qui occasionne d’importants troubles sur le lieu de travail ne sera plus protégé par le dogme du secret de la correspondance.

Dans notre affaire, l’employeur n’a pas ouvert les mails mais a estimé que, au vu de leur nombre, la salariée ne se consacrait pas suffisamment à son travail, ce qui constitue une faute disciplinaire. Ainsi, le débat était posé sur le terrain personnel pour ne pas avoir à se prononcer sur le «trouble objectif» causé dans le fonctionnement de l’entreprise. Ici, on peut discuter la sévérité de la mesure – le licenciement – alors que, dans le contexte, une moindre sanction aurait tout aussi bien permis de rappeler la règle.

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