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L'auto-entrepreneur, ou les dérives d'un statut

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De petites PME imposent à de jeunes diplômés de travailler sous le statut d'auto-entrepreneur plutôt que de les embaucher. Moins cher et moins risqué pour elles. Mais beaucoup moins avantageux pour les travailleurs.

Manon (1) a 24 ans. Sortie en 2008 d'une formation en communication, elle galérait depuis cinq mois. "C'est la crise". Alors, quand une petite boîte lui propose de travailler pendant l'été sous le statut ultra-simplifié d’auto-entrepreneur, elle dit oui. "C'était auto-entrepreneuse ou chômeuse", résume-t-elle. Manon fait partie des quelques 200.000 auto-entrepreneurs qui devraient voir le jour en 2009, selon le gouvernement. Un statut créé pour les travailleurs saisonniers, ou les personnes salariées, par exemple, ayant une activité annexe.

"Pas les moyens". Le cas de Manon est différent. "La société, qui ne compte qu'un salarié, n'avait pas les moyens pour m'embaucher en CDD et le patron trouvait indécent de me prendre en stage, à 300 € par mois. Il m'a donc proposé ce statut", raconte la jeune femme.

En échange du travail fourni, l'entreprise verse à Manon une somme fixe de 1.700 € par mois. La jeune femme doit en retirer 23% de charges. Elle gagne donc 1.300 € net. A première vue, la sécurité de revenu d’un salarié avec les avantages d'un indépendant : "Comme je ne suis pas en CDD, je suis libre de travailler de chez moi. Il faut juste que le boulot soit fait", se satisfait Manon.

Moins de coûts. L'intérêt pour son patron, ou plutôt son "client" ? Pas de charges à payer, pas de prime de précarité à verser, pas de paperasserie. "Le régime de l'auto-entrepreneur permet à l'entreprise de bénéficier des services d'un salarié sans supporter les coûts et les risques d'un contrat de travail", explique Marilyn Hagège, avocate spécialisée en droit du travail du cabinet MH.

Ces mêmes arguments ont aussi convaincu une petite galerie d'art de proposer à Claire (1), 24 ans et fraîchement diplômée, de la faire travailler sous le même statut. "La gérante m'a fait comprendre que c'est une petite structure, avec deux employées, dont elle-même", raconte Claire. "Or, elle a besoin de quelqu'un cet été pour tenir un stand dans les salons et travailler à la galerie, sans avoir les moyens de m'embaucher en CDD. Les charges sont trop lourdes, m'a-t-elle expliqué."

Claire n'a pas encore dit oui à la galeriste. Elle veut d'abord se renseigner. Le côté positif ? "Cela me donne un statut et me permet de me concentrer sur une activité". A ce jour, Claire totalise cinq contrats de travail : des piges pour un magazine d'art, des nocturnes dans un grand musée parisien, des cours d'italien, etc. Le côté négatif, selon elle ? "D'après ce que me propose la galeriste, je me trouve plus dans une position de salariée que de prestataire car ce sera ma seule cliente", analyse-t-elle.

Pas de congé. Et c'est bien là le problème. Dans les cas de Claire et de Manon, le statut d'auto-entrepreneur semble se substituer tout simplement à un contrat de travail. Les deux jeunes filles se retrouvent donc quasi-salariées, mais sans congé payé ni cotisation chômage. "J'ai moins de 25 ans, je n'ai pas travaillé avant, je n'ai donc droit à rien, ni au RMI, ni aux indemnisation chômage", ajoute Manon, qui se satisfait néanmoins de la situation.

"Si ce statut est utilisé de façon systématique pour éviter d'avoir recours à un contrat de travail, c'est clairement un abus", estime Marilyn Hagège. "Les boîtes qui n'ont pas les moyens de payer les charges liées à un contrat de travail privent en effet l'individu d'un certain nombre d'avantages salariaux".

Promesses… Les deux jeunes filles espèrent tout de même des contreparties à ce statut précaire, qu'elles n'envisagent toutes les deux que sur le "court terme". La société de communication a signé avec Manon une lettre indiquant qu'elle l'embaucherait en septembre en CDI. La galeriste a pour sa part fait entrevoir à Claire une embauche à la fin de l'année. Dans les deux cas, la période d'autoentreprenariat ferait office de période d'essai.

Prud'hommes. Et si ces promesses de contrat de travail ne se réalisaient pas ? Claire et Manon auraient quelques arguments à faire valoir devant les Prud'hommes. "Ce qui qualifie le contrat de travail, c'est le lien de subordination entre l'individu et l'entreprise", rappelle Maître Hagège. Les deux petites entreprises, seules donneur d’ordres des deux jeunes femmes, risquent donc gros : une requalification du contrat de prestation en contrat de travail. "Financièrement, cela a des conséquences très lourdes pour les sociétés..." Autoentrepreneur, ce n’est au final peut-être pas un si bon calcul pour ces dernières.

(1) Les prénoms ont été modifiés à la demande des interviewées.

(Source : E24)

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Mis à jour ( Samedi, 21 Août 2010 04:47 )  

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