A l'Assemblée nationale comme le soir sur le plateau de TF1, lorsqu'Eric Woerth prenait la parole, on ne pouvait s'empêcher d'entendre en écho les délicieuses conversations de Mme Bettencourt, l'univers de combines, de fraudes et de privilèges de son entourage, et les petits mensonges entre amis dans lesquels le ministre du Travail est empêtré. Il a beau se plaindre, comme il l'a fait mardi, d'une «campagne», d'être «dénigré» et «jeté en pâture» : il n'est plus audible.
« Je n'ai jamais menti »
Le ministre que Nicolas Sarkozy lance en première ligne parle de la nécessaire réforme des retraites ou de la «pénibilité au travail», mais on voit surtout un homme qui a perdu toute crédibilité, obligé de jurer, devant les téléspectateurs et une Laurence Ferrari — disons-le — pugnace, que jamais il n'a menti. Mais cette Légion d'honneur, ce Patrice de Maistre qu'il «connaissait à peine», ces lettres aux mains de la justice ?
La situation est tellement irréelle qu'à l'Assemblée, c'est à François Fillon que s'adresse l'opposition, pas au ministre concerné, et que sur TF1 le patron de la CGT, Bernard Thibault, a préféré venir enregistrer son interview d'après-manif avant 20 heures plutôt que de risquer de croiser le ministre pestiféré, pourtant son interlocuteur théorique sur la réforme.
Cela serait anecdotique si l'enjeu n'était si grave. Car Nicolas Sarkozy s'apprête à faire passer en force une réforme qu'il est incapable de «vendre» aux Français. Le paradoxe est énorme. Les Français sont convaincus, dans leur grande majorité, qu'une réforme des retraites est indispensable. Mais ils sont plus nombreux aujourd'hui qu'il y a trois mois à penser que celle que propose le gouvernement est inéquitable. Ce n'est pas Eric Woerth qui les aura fait changer d'avis mardi soir.
Le passage en force
Nicolas Sarkozy a aujourd'hui les moyens institutionnels de faire passer sa réforme — il dispose d'une majorité parlementaire —, mais il est incapable de convaincre les Français de son bien fondé. Et ce ne sont pas les concessions qui seront annoncées mercredi en Conseil des ministres — des mesures prévues d'avance et gardées sous le coude pour avoir l'air d'entendre les «préoccupations» des manifestants de mardi — qui changeront quelque chose à l'affaire.
Un ministre discrédité, un Président dans les affres de l'impopularité… Quel contexte catastrophique pour faire LA réforme du quinquennat. Et comme Nicolas Sarkozy a de la vie politique une conception proche du ring de boxe, il veut remporter une victoire totale pour préparer le rebond nécessaire pour 2012, pour montrer à ses électeurs qu'il «en a». A un moment aussi crucial, au moment où chacun en France s'interroge sur son avenir, individuel et collectif, dans un pays en crise, le gouvernement envoie le plus mauvais des signaux : celui du mépris.
(Source : Rue89)
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