En avril dernier, François Fillon annonçait la couleur : pour réduire l'abyssal déficit public de la France (7,9% du PIB en 2010 soit un peu moins de 160 milliards d'euros), le gouvernement va s'attaquer aux niches fiscales et sociales, ce serpent de mer qui prive les finances publiques de près de 150 milliards d'euros par an. Et face aux faibles perspectives de croissance de l'économie tricolore dans les années à venir, l'ampleur du "coup de rabot" avait été significativement revue à la hausse : ce ne sont pas 5 milliards d'euros sur deux ans comme annoncé initialement, mais 10 milliards d'économies qui devaient être dégagées grâce à la suppression ou au rabot des niches.
Le rabot se transforme en lime à ongles
Alors que de nombreux parlementaires de la majorité plaident pour un coup de rabot généralisé (le président de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée Pierre Méhaignerie, le rapporteur UMP du budget à l'Assemblée Gilles Carrez ou encore son homologue au Sénat Philippe Marini…) et que d'autres veulent s'attaquer aux niches les plus coûteuses (le président de la commission des Finances au Sénat Jean Arthuis), le gouvernement a tranché : seules 22 niches fiscales — sur près de 500 — seront rabotées de 10%, a annoncé Christine Lagarde le 15 septembre.
Et ce ne sont pas les plus onéreuses, vu leurs spécificités (réductions d'impôt accordées au titre des souscriptions au capital de Sofipeche ou de Sofica, des travaux de conservation d'objets mobiliers classés ou encore l'avantage Scellier). Au-dessus d'un milliard d'euros, seule la coûteuse défiscalisation des investissements réalisés outre-mer (1,2 milliard d'euros par an) entre dans le panier. Au final, le "coup de rabot" de 10% ne rapportera que 440 millions d'euros en 2012.
Les niches les plus coûteuses ont sauvé leur peau
Est-ce le fruit du lobbying du patronat ? En tout cas, certaines des niches les plus coûteuses, comme la TVA réduite à 5,5% dans la restauration (3 milliards d’€) et celle pour les travaux dans les logements (5,1 milliards) sont maintenues. Même chose pour le crédit impôt recherche (4 milliards d’€) ou l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires (3,1 milliards), mesure phare de 2007.
Le relèvement de la taxe sur l'intéressement et la participation, qui pourrait rapporter 400 millions d'euros, est notamment à l'étude. Christine Lagarde y est cependant opposée, alors que le Medef juge qu'une telle hausse serait "incohérente".
Le gouvernement ne touchera pas non plus aux niches censées favoriser l'emploi, comme la prime pour l'emploi (3,2 milliards d'euros).
La réforme des retraites a bon dos
Ce n'est donc pas le "coup de rabot" qui va permettre de dégager 10 milliards d'euros. Mais, comme le rappelle la ministre de l'Economie dans un entretien au Figaro, le rabot n'est "qu'une mesure d'économie parmi d'autres". Désormais, dans le discours gouvernemental, la réforme des retraites adoptée par l'Assemblée nationale mercredi ne vise plus seulement à résoudre un problème supposé démographique et à garantir l'avenir du système par répartition, mais aussi à réduire le déficit public.
Pour atteindre l'équilibre du régime général des retraites à l'horizon 2018, le projet de réforme prévoit en effet un certain nombre de mesures touchant des niches fiscales et sociales : impositions des plus-values de cessions mobilières, hausse de la taxe sur les stock-options, instauration d'une contribution sur les retraites-chapeaux et surtout annualisation (voire diminution) des allègements de cotisations patronales sur les bas salaires. Ces mesures doivent rapporter 3 milliards d'euros en 2011. Trois milliards qui ne sont pas censés rentrer dans les caisses de l'Etat mais dans celles de l'assurance vieillesse. Mais bon, le déficit de la Sécurité sociale est, il est vrai, comptabilisé dans le déficit public.
Dans la même veine, plusieurs nouvelles taxes sur les produits d'assurance-vie, d'un montant global de 3,5 milliards d'euros en 2011 qui seront affectés au financement de la dette sociale (Cades), sont comptés dans l'effort de réduction des niches.
Au-delà du coup de rabot de 10% et de la réforme des retraites, certains secteurs seront quand même nettement mis à contribution, comme l'assurance-vie et l'épargne, les télécoms (via la suppression du taux de TVA réduit sur les forfaits triple play) et l'environnement (division par deux du crédit d'impôt sur les installations photovoltaïques).
Reste encore 1,5 milliard d'euros à trouver pour lequel "les arbitrages n'ont pas été rendus".
(Source : L'Expansion)
Réduction du déficit public : Taxer davantage le capital est la piste la plus sérieuse
(C'est L'Expansion qui le dit !)
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