Quel coup de maître ! Comment offrir l'équivalent d'un bouclier fiscal invisible à une partie de vos électeurs sans éveiller l'attention des médias ? En réformant la taxe professionnelle !
En effet, dans le cadre de l'instauration de la Contribution économique territoriale (CET) qui remplace la TP, le gouvernement s'apprête à accorder un cadeau fiscal de plus de 500 millions d'euros par an — soit l'équivalent du fameux bouclier fiscal — aux professions libérales (médecins, avocats, notaires, etc.) qui votent traditionnellement à droite. Une mesure qui a échappé à une grande partie de la presse.
[...] Comme le rappelle un article des Echos publié le 26 août, ce cadeau fiscal est né d'une censure du Conseil constitutionnel. Tout est parti de la réforme de la taxe professionnelle où, depuis le 1er janvier, les 518.000 individus titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC) ont basculé dans le droit commun. Officiellement, la réforme ne devait aboutir à aucun allègement de charges, ni augmentation d'impôts pour ces professions. Dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, le parlement avait décidé que "les professions libérales employant moins de 5 salariés étaient censées être imposées sur leur valeur locative, plus 5,5% de leurs recettes" afin de conserver un niveau d'imposition identique au système précédent. Sauf que cette taxe de 5,5% a été censurée par le Conseil constitutionnel fin 2009 pour rupture d'égalité entre les entreprises de moins de 5 salariés et celles de plus de 5 salariés.
En février 2009 déjà, Le Figaro expliquait que les libéraux étaient "les grands perdants" de la réforme (traduisez : ils n'y gagnaient rien, alors que les entreprises de plus de cinq salariés y gagnaient). Logique, puisque cette réforme devait bénéficier aux entreprises qui investissent, et pas aux professions libérales.
Eviter "tout acharnement"
A l'époque, la décision du Conseil constitutionnel était largement passée inaperçue sur ce sujet puisque le même jour, le Conseil avait retoqué la taxe carbone. Dans un article intitulé "La suppression de la taxe professionnelle est validée", Le Monde du 31 décembre 2009 avait furtivement évoqué cette censure, sans en mesurer l'impact budgétaire. Début janvier 2010, Le Figaro expliquait brièvement que "Bercy ne veut pas accepter telle quelle la décision du Conseil constitutionnel, qui se traduirait par un coût de 530 millions pour l'État".
Depuis, le gouvernement étudiait donc la mise en place d'un nouveau dispositif pour maintenir au même niveau la pression fiscale sur les professions libérales qui déclarent des BNC. Mais, après plusieurs semaines d'expertises, "le gouvernement estime n'avoir trouvé aucune solution satisfaisante pour répondre aux critiques du Conseil constitutionnel, précise Les Echos. Les plus solides juridiquement n'auraient apporté que de 100 à 200 millions d'euros annuels, un niveau insuffisant pour prendre le risque d'une fronde des professionnels. Et elles auraient impliqué, pour le coup, des inégalités non justifiées entre les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et les professions libérales".
Finalement, ce travail minutieux que nécessitait l'écriture d'un nouveau texte a été présenté par Fillon le 30 août sur France Inter comme un possible "acharnement" contre les professions libérales. Pour l'éviter, Fillon préfère donc leur accorder en catimini un cadeau fiscal, renonçant ainsi à environ 530 millions d'euros de taxes.
Cette ristourne n'est pas du goût de tout le monde, notamment à l'UMP : "C'est une décision purement politique pour ne pas s'aliéner les professions libérales. Il existait des voies de passage pour conserver un régime fiscal qui soit adapté à leur modèle économique", regrette par exemple Gilles Carrez, rapporteur UMP du budget à l'Assemblée nationale. Et, compte tenu du nombre de médecins dans l'Assemblée, il y a peu de chances que les députés cherchent à revenir sur cette censure.
[...] Mais pas de panique pour les collectivités territoriales (qui reçoivent les recettes de la CET) : l'Etat compensera l'intégralité des pertes. En revanche, cette compensation creusera le déficif public (Etat + collectivités + comptes de la Sécu) puisque l'Etat devra dépenser 500 millions d'euros supplémentaires afin que les collectivités conservent un même niveau de recettes.
(Source : Arrêt sur Images)
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