Car le revenu universel, ou revenu de base, ou revenu d'existence, a deux visages. Celui du libéralisme bon teint, comme exposé dans le film-essai suisse réalisé par Daniel Häni et Enno Schmidt, très convaincant quand il s'agit de justifier le bien-fondé de ce «droit civique» novateur dans un contexte de chômage de masse et d'exclusion sociale persistants, où croissance ne rime plus avec créations d'emplois et où les machines remplacent les humains. On sourit quand, à la question : «Et si vous disposiez d'un revenu de base suffisant, iriez-vous quand même travailler ?», environ 60% répondent : «Oui, comme avant», environ 30% : «Oui, mais pas à plein temps» et 10% «Non». Alors qu'à la question : «Et si les gens touchaient un revenu de base leur permettant de vivre sans travailler, pensez-vous qu'ils continueraient à aller bosser ?», 90% des sondés soupçonnent les autres d'être des fainéants qui préfèreraient rester chez eux. Comme quoi il est nécessaire de rompre avec nos vieux schémas de pensée.
Mais le doute surgit quand on comprend qu'à travers ce modèle dit «bâlois», l'individu reste cantonné au rôle du consommateur qui doit continuer à faire tourner l'économie de marché et dont le pouvoir démocratique se situe «à la caisse»... Sous le prétexte louable de libérer l'homme du travail, et surtout du travail qui n'a pas de sens, sous le principe de déconnecter le travail du revenu, on assiste à l'élaboration d'un mode de financement qui propose une fusion de l'impôt sur le revenu et des cotisations salariales, sous forme d'un impôt unique sur la consommation géré par l'Etat via le fisc. On pense à la fameuse «TVA sociale» chère à Jean-François Copé, et on tique... Car la pression fiscale des entreprises sera transférée sur le consommateur, et on s'aperçoit que le montant de ce revenu — non défini — ne sera peut-être pas suffisant pour la compenser, donc «nous libérer [véritablement] de la dépendance salariale». Et du fait de ce revenu, contrairement à ce qu'on pourrait croire, les employeurs, bien que considérablement allégés de leurs cotisations sociales, ne seront pas forcément incités à mieux rémunérer leurs collaborateurs : on voit ce que ça donne avec la baisse de la TVA dans la restauration… et c'est pareil avec toutes les niches dont bénéficient les entreprises.
Bernard Friot nous donne sa version
Les mots sont importants et ceux qui nous dirigent le savent, eux qui les dévoient et pratiquent la manipulation sémantique pour formater nos esprits. Par exemple, il est usuel de parler de «charges», si pesantes pour les employeurs, au lieu des «cotisations patronales» (qui sont du salaire socialisé), alors que les véritables charges patronales pour l'entreprise sont les dividendes distribués aux actionnaires. De même, on a tendance à dire : «Je n'ai pas de travail», alors que c'est «Je n'ai pas d'emploi» qui est approprié.
D'abord, distinguons le revenu du salaire, et le poste de travail de la qualification :
Ensuite, distinguons le travail de l'emploi.
Bernard Friot propose d'en finir avec l'emploi et son «marché du travail», de mutualiser les cotisations salariales + une cotisation économique (question de rétablir ce que les actionnaires ont volé au salariat depuis les années 80) sur la valeur ajoutée, et de confier la gestion du Salaire à vie à la Sécurité sociale :
A vous de vous faire une idée, et n'hésitez pas à poster un commentaire.
Enfin, pour ceux/celles qui s'imaginent encore que ce salaire universel les empêchera de "travailler" et nuira à la productivité du pays, répétons que rien n'est plus faux : chacun aura, simplement, le choix et la maîtrise de son travail, qui ne sera plus subi et/ou dévalorisé. Au contraire, avec un salaire universel, le travail redeviendra motivant.
SH/PS
Post-scriptum :
• Si vous en redemandez, lisez cette interview de Bernard Friot parue en novembre dernier.
• Sinon, courant mars, nous allons rencontrer Jacques Berthillier et Yoland Bresson, de l'Association pour l'Instauration d'un Revenu d'Existence (AIRE). De quoi confronter les points de vue. À suivre...
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