Ce n’est pas la première fois que j’aborde ce sujet tant l’évidence saute aux yeux. Mais je voudrais tracer ici quelques nouvelles lignes de repères pour le nouveau monde qui, inéluctablement, remplacera un jour ce vieux système en train de rendre l’âme.
Un état de dépendance injustifié
En réalité, les tenants du vieux système ont déjà dû eux-mêmes, à leur corps archi-défendant, entamer cette transition qui leur arrache le cœur. L’indemnisation du chômage, le RSA, que croyez-vous que ce soit ? Et les bons d’alimentation (foodstamps) qui permettent aujourd’hui à 46 millions d’Américains (15% de la population) de se nourrir ?
Oh bien sûr, ils freinent des quatre fers. S’accrochent à des “minima sociaux” assortis de contreparties. Maintiennent les populations précarisées dans un état de dépendance dont ils espèrent tirer pouvoir, profit et salut. Essaient même de leur inculquer le venin de la culpabilité.
Mais c’est peine perdue. Leurs carcans mentaux machiavéliques lâchent les uns après les autres. Avez-vous remarqué que la tranche des jeunes de moins de 25 ans n’est plus guère vraiment demandeuse d’emplois ? Qu’en fait elle s’en fout et commence peu à peu à s’en arranger ? Qu’elle se réalise désormais très bien sans plan de carrière bétonné, sans même de carrière du tout ? Que, depuis 2008, 40 millions de chômeurs découragés ne cherchent plus d’emploi ?
La valeur-travail a du plomb dans l’aile et c’est parfait ainsi. Depuis des siècles, l’homme cherche à se soulager de la contrainte du travail par le progrès technique. Il est en train d’y parvenir. Bravo. Et tant pis pour les pisse-vinaigre nostalgiques d’une époque révolue beaucoup moins enthousiasmante qu’ils cherchent à nous le faire croire.
Du fric pour se la couler douce ?
Article 23 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen (1948) : «Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.»
Les formidables progrès en matière de gains de productivité, qui font heureusement qu’aujourd’hui le travail se raréfie, amèneront nécessairement à adapter cet article datant d’après guerre. Je suggère : «Toute personne membre d’une collectivité a le droit de bénéficier équitablement des richesses produites par cette collectivité, avec ou sans travail.»
Dans mon petit programme de gouvernement, j’avais insisté sur la nécessité d’instaurer un revenu minimum vital décent, c’est-à-dire un revenu de base permettant à tous les citoyens, travailleurs ou non, d’assurer l’intendance minimum : se loger, se nourrir, se vêtir, se procurer un minimum de confort d’existence. Mais il s’agit d’un minimum. Et je pense que celui-ci sera un jour forcément dépassé. Une nouvelle échelle des revenus devra être repensée, incluant les revenus du non-travail selon divers critères qui feront que le non-travail ne sera pas forcément cantonné à ce revenu minimal de base.
Partage des tâches
Mais, me diront les derniers accros du boulot, qui pour assurer les tâches essentielles restantes si tout le monde peut être payé à rien foutre ? Sur ce point, bien des possibilités s’offrent à nous que le temps se chargera de décanter :
— rémunérations incitatives ;
— partage du temps de travail par réduction individuelle de celui-ci ;
— service national civique pour assurer les tâches les plus ingrates et les moins spécialisées…
Quoi qu’il en soit, on notera que si l’argent est la rémunération du travail proprement dit, il n’est pas forcément celui de la fonction sociale :
— une grande partie des tâches sociales sont assurées par des associations sans but lucratif, animées souvent par des bénévoles ;
— aucun village n’a jamais vraiment éprouvé de mal à recruter son corps de pompiers volontaires ;
— les Compagnons d’autrefois, les mineurs de fond, parlaient beaucoup plus de la noblesse de leur tâche que de la rémunération qu’ils en tiraient ;
— des milliers de personnes participent aujourd’hui à la création de logiciels libres gratuits sans autre rémunération que l’usage qu’ils en auront eux-mêmes.
Une évolution naturelle
Si aujourd’hui certaines professions manquent cruellement de main d’œuvre, c’est sans doute bien plus parce qu’elles offrent un travail (de surcroît sous-payé) et non une fonction sociale. Aujourd’hui, il n’est plus demandé à l’ouvrier maçon de participer en conscience à la construction d’une maison mais d’assurer des heures de travail (du latin tripaliare, torturer) et de gâcher du mortier.
Le véritable problème d’aujourd’hui, n’est pas tant la répartition de l’argent que la mise à disposition pour tous des vraies richesses produites. Gageons qu’avec la chute du vieux modèle perverti, la question viendra inéluctablement sur le tapis.
Les acharnés du boulot-c’est-la-santé tenteront une dernière manœuvre en hurlant à l’utopie. Alors qu’il ne s’agit en fait que d’une inexorable évolution naturelle. À moins de supprimer tous ceux qui vont être privés d’emplois dans les années à venir...
Mais dans une société regorgeant de richesses, on ne réduit pas longtemps une population entière à la disette. C’est elle qui vous tue. Demandez à Louis XVI et à Marie-Antoinette.
(Source : Les chroniques du Yéti)
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