Alors que les conseillers doivent en même temps se former à l'EID (entretien d'inscription et de diagnostic avec le demandeur d'emploi), ils viennent de recevoir les instructions de leur direction, assortie d'une "extraction" de leurs DELD (demandeur d'emploi de longue durée) à recevoir d'ici fin juin. Dans ces listes, pêle mêle, des chômeurs déjà en formation ou sous prestation, certains toujours suivis par l'APEC; d'autres en attente de reconnaissance TH, sinon des personnes qui ne pourront plus jamais retravailler de leur vie mais qu'on oblige à s'inscrire, quand bien même ne sont-elles plus indemnisées par le régime ou allocataires du RSA.
A tous ces chômeurs "n’ayant pas déclaré d’activité depuis 1 an", les conseillers doivent faire :
- une proposition d’emploi (merdique, cela va de soi)
- d’un contrat aidé (encore plus merdique)
- d’une formation (soi-disant 15.000 places en plus, rapprochement des régions et des OPCA, POE et AFPR)
- d’une action d’accompagnement (les prestations CIBLE ou Trajectoire du privé, pour la plupart occupationnelles)
Comme l'a dit mardi le médiateur national de Pôle Emploi Jean-Louis Walter, successeur de Benoît Genuini, réagissant au fiasco du "plan rebond" : «Dans les agences, s'il y avait des tas de choses à proposer, nos agents n'attendraient pas que les gens deviennent chômeurs de longue durée». Hélas, alors que les conseillers en agence attendent toujours le "retour des contrats aidés", les "nouvelles formations" et les places en accompagnement promises, il s'agit à nouveau de caser 680.000 personnes en un temps record pour des motifs purement électoralistes.
Se réinsérer… dans une usine de déchets
Pierre (1) n'a pas échappé au rouleau compresseur. Privé d'emploi depuis 2002, il a reçu une convocation avec "votre conseiller MR MOBILE 1". Dans cette lettre, il est précisé que "cet entretien se déroulera de manière collective", et il est mentionné qu'il doit "apporter [son] CV à jour, ainsi que tout élément permettant d'attester de [ses] recherches d'emploi". Puis, la veille, il a reçu un e-mail de Pôle Emploi pour lui rappeler ce rendez-vous : "Merci de vous munir des pièces demandées dans votre convocation".
Pierre a perdu son travail suite à un licenciement litigieux et douloureux qui s'est soldé par une longue procédure judiciaire. Quinqua à l'ASS, il a aussi perdu son logement en 2008 et est depuis domicilié dans un CCAS. Il ne reçoit même plus de réponses aux offres d'emploi pour lesquelles il se porte candidat. D'où sa crainte de subir des représailles parce qu'il se présenterait sans preuves suffisantes de recherche d'emploi.
Il nous raconte comment s'est déroulé l'entretien...
« La réunion n'était pas animée par un "prestataire", comme je le supposais au départ, mais par du personnel Pôle emploi : deux de mon agence, et une conseillère d'une agence voisine qui était là en observatrice. Plus une représentante d'une organisation d'insertion.
30 personnes avaient été convoquées. 18 étaient présentes.
On nous a dit qu'on nous avait fait venir pour nous faire une "offre de service", plus concrètement une offre d'emploi (jamais il a été question d'une formation). Que "les minimas sociaux ne sont pas une fin en soi" : j'ai entendu ça 50 fois, tout est basé là-dessus. Qu'on allait avoir un accompagnement social et une aide pour avoir un logement. A ce propos, prenant la parole pour leur faire part de ma situation, je leur ai dit que même ma demande de "droit au logement opposable" avait été rejetée sans motif et que je ne voyais pas comment ils allaient me trouver un toit, à moins que des budgets aient été crées pour cela. On m'a répondu "Si, puisqu'on va vous proposer un poste qui vous permettra de trouver un logement"...
Alors maintenant, le poste proposé est géré par une structure d'insertion. Il s'agit de trier des ordures dans une usine de déchets ménagers. Horaires : 6h30 à 13h30 ou 14h30 à 21h30 - 9 € de l'heure - CDD 4 mois à 2 ans maxi. Cette proposition nous est faite pour nous permettre de nous "stabiliser financièrement" et "nous projeter, construire quelque chose afin de trouver un emploi stable".
J'ai repris la parole pour leur expliquer que j'ai un projet professionnel, celui de créer une structure d'accueil familiale, sociale et/ou thérapeutique, projet en attente d'une décision de la Cour d'Appel de Rennes qui doit se prononcer entre octobre et décembre pour une question en lien avec la maison que je veux acheter pour le concrétiser. Je vais disposer de l'argent nécessaire, celui que j'ai obtenu par la justice qui a condamné mon ancien employeur pour licenciement abusif (grosse somme, j'étais cadre depuis 10 ans sur un poste à responsabilités).
Une personne de Pôle emploi m'a alors dit qu'en attendant la réponse de la justice, je pouvais prendre ce travail. J'ai alors dit que personnellement je me sentirais très dévalorisé d'accepter une telle offre et qu'au lieu de m'aider, cela m'atteindrait physiquement et psychiquement. (Ce n'est pas le fait que le job soit peu qualifié, mais je ne veux pas trier les emballages d'un système économique et commercial qui détruit la planète et les humains, et que je rejette depuis toujours).
Alors la moins sympa des conseillères m'a sorti la menace que cette offre pouvait être considérée comme une "offre raisonnable d'emploi" et que son refus pouvait mener à une radiation, puis rappelé que "les minimas sociaux ne sont pas une fin en soi"... Alors je lui ai demandé combien de postes (trieurs sélectifs) étaient disponibles. Elle m'a répondu 5, et 24 à terme. Alors je lui ai dit : "Vous nous avez dit que vous aviez convoqué ce matin 30 personnes, nous sommes ici 18, vous avez 5 postes à pourvoir. Et vous laissez entendre que ceux qui refuseraient cette offre pourraient se voir pénalisés alors que vous ne pouvez proposer ces postes qu'à 5 d'entre nous, c'est incohérent. Et puis j'ai tenté de rester calme et gentil. Pour entendre à la fin : "Vous serez reconvoqué".
La plupart des participants n'a rien dit. Une personne était très intéressée, deux autres ont évoqué des problèmes de santé incompatibles avec le poste proposé (7 heures debout devant un tapis roulant). Mais la grande majorité était très effacée, voire accablée, et me semble-t-il pas habituée à prendre la parole en public ou à exprimer quelque chose d'une façon plus générale. »
CONSTERNANT !
Sachez que la menace de radiation pour "refus d'offre raisonnable" dont Pierre a été l'objet est une ruse de débutant : les contours de l'ORE étant définis par le PPAE (type de contrat accepté, salaire demandé, mobilité…), si l'offre ne convient pas, le demandeur d'emploi ne risque rien à la décliner. De plus, la sanction n'est pas applicable au premier refus.
Conclusion : voilà, actuellement, le type de "solutions" que le gouvernement souhaite offrir aux chômeurs de longue durée.
SH
(1) Le prénom a été modifié.
Articles les plus récents :
- 01/04/2011 00:24 - Alléger le coût du travail, ils n'ont que ça à la bouche !
- 31/03/2011 14:56 - Patrick Buisson manque vraiment d'imagination
- 31/03/2011 10:53 - Non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux : Georges Tron propose des "assouplissements"
- 25/03/2011 16:23 - La Sécu recrute des Bac+5
- 25/03/2011 02:02 - Chômage de février : léger recul, sauf pour les seniors et les chômeurs de longue durée
Articles les plus anciens :
- 23/03/2011 14:47 - Le «zéro charges seniors» ne verra pas le jour
- 19/03/2011 12:17 - Comment l'Algérie réprime ses chômeurs
- 18/03/2011 16:06 - Propositions de reclassement low-cost à l'étranger, c'est terminé
- 17/03/2011 15:16 - Taux de chômage record en Irlande et en Grande-Bretagne
- 17/03/2011 12:29 - Le service civique, dernier cache-misère de l'emploi des jeunes