Nicolas Sarkozy l'a rappelé, lors de sa prestation télévisée du 10 février sur TF1 : «C’qu’est pénible, c’est d’être au chômage». Un postulat tout à fait contestable à l'aune des solutions proposées...
On ne vous présente plus les contrats aidés ou CUI, «réservés aux personnes éloignées de l'emploi depuis très longtemps». Cette année, le gouvernement a prévu d'en financer 440.000. Rarement à temps complet et mal payés, ils sont une aubaine pour les employeurs — publics, privés ou associatifs — que l'Etat subventionne à 70% à hauteur du Smic en échange de leur dévouement. C'est pourquoi leur impact en matière de réinsertion reste insuffisant. Par contre, leur impact statistique sur les chiffres du chômage est, lui, avéré.
L'autre idée, c'est d'orienter jeunes et "seniors" vers des contrats de professionnalisation. Là aussi, sous prétexte d'apporter au chômeur jugé "inemployable" une qualification, l'employeur qui se dévoue bénéficie de largesses, puisqu'il est exonéré des cotisations patronales de Sécurité sociale ainsi que des cotisations d'allocations familiales et d'accident du travail sur la partie du salaire ne dépassant pas le Smic (ce qui, là non plus, n'incite pas à payer plus). Comme pour les CUI, l'indemnité de précarité versée habituellement en fin de CDD n'est pas due. Et à la fin, rebelote : l'employeur peut reprendre aux mêmes conditions un autre pigeon pour 6 à 24 mois.
Des jobs qui ne permettent pas de vivre avec, à la clé, une hypothétique (ré)insertion professionnelle : voilà ce que l'Etat a sous la main pour ceux que le marché du travail rejette le plus, finançant à grands coups d'argent public (plusieurs milliards qui profitent directement aux employeurs) la précarisation structurelle de l'emploi.
Même chose pour le service civique
Créé en mars 2010 sous la houlette de Martin Hirsch, grand spécialiste de l'emploi bradé, ce dispositif consiste à proposer à des jeunes âgés de 16 à 25 ans, diplômés ou non, désœuvrés mais «volontaires» (quand on n'a pas le choix, on le devient), de travailler de 6 à 24 mois, entre 24 et 48 heures par semaine, dans une association ou une collectivité publique contre un pécule de… 542 € par mois : un fixe de 442 € versé par l'Etat + 100 € versés par la "structure d'accueil" pour les frais de transport, logement et nourriture. Le service civique n'étant pas un emploi salarié, il n'ouvre pas droit au chômage. Par contre, il ouvre des droits à la sécurité sociale et valide des trimestres pour la retraite, c'est déjà ça.
Un «engagement» non réciproque
Le dessein du service civique est de faire émerger «une jeunesse qui s'engage, une génération solidaire», et d'être «vecteur de lien social»… à durée déterminée. Car à ce tarif, si le jeune est fier de «s'engager» «de façon désintéressée», la réciproque n'est pas vraie.
La majorité des entreprises — dont on connaît le degré de citoyenneté — demande aussi à leurs jeunes stagiaires ou intérimaires de «s'engager» à fond, agitant la sempiternelle carotte du CDD ou du CDI pour, au final, les mettre dehors. Stage amélioré, censé ne pas se substituer à un emploi de fonctionnement (tu parles !), le service civique ne vaudra pas mieux : vu l'avantage procuré — seulement 100 €/mois de frais à sortir pendant un an —, il semble évident que les collectivités, au lieu d'embaucher, vont allègrement en user, le dispositif permettant, à moindre frais, de colmater les trous laissés par les destructions d'emplois publics programmées par le gouvernement. Quant aux associations désargentées, «missionner» un jeune en service civique est encore plus alléchant que recruter quelqu'un en CUI-CAE.
Coût pour l'Etat : «à peu près 9.000 euros par an en année pleine», selon Martin Hirsch qui en gagne autant chaque mois. Les 97 millions budgétés pour 2011 doivent permettre de couvrir un maximum de 15.000 contrats. Même à ce prix, l'opération demeure rentable. Et d'un point de vue statistique, elle le sera aussi : à l'horizon 2014, le gouvernement souhaite que le dispositif touche 75.000 jeunes citoyens rêvant de s'intégrer enfin dans une société qui les exploite et les méprise.
SH
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