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L'EID, ou «Entretien d'Inscription et de Diagnostic»

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C'est l'ultime étape, la cerise sur le gâteau imposée par la Direction de Pôle Emploi à ses agents afin de rentabiliser leur tâche. Et un énième recul de la qualité du service pour les chômeurs.

Deux ans après la fonte de l'ANPE et de l'Assedic voulue par Nicolas Sarkozy, le projet de «mise en œuvre de l’entretien d’inscription et de diagnostic avec le demandeur d’emploi» finalise une fusion à marche forcée dans un contexte socio-économique difficile, où l'activité des salariés de Pôle Emploi a connu de profonds changements : mise en place des sites mixtes, intégration de nouveaux collègues aux missions (placement ou indemnisation) et aux statuts (privé ou public) très différents, changement des lignes managériales (politique du chiffre), restrictions budgétaires, surcharge de travail et tensions... Au cœur du malaise — actuellement, des grèves sporadiques ont eu lieu dans plusieurs agences, notamment à Pauillac, Toulouse, Herblay, Gennevilliers, Sarcelles, Bois-Colombes… —, on note un fort questionnement sur l'évolution du métier ainsi que sa reconnaissance.

L'Entretien d'Inscription et de Diagnostic ou EID, qui sera généralisé d'ici fin juin, doit se substituer aux deux entretiens jusqu'ici pratiqués et qui faisaient suite à la préinscription, en ligne ou par téléphone, du chômeur : d'abord l'inscription du demandeur d'emploi (ou IDE) reçu par un agent de l'indemnisation; puis, dans un second temps, l'élaboration du Projet Personnalisé d'Accès à l’Emploi (ou PPAE) avec un agent du placement.

Un entretien "deux en un"

L'EID, qui ne devra pas excéder 50 minutes, doit servir quatre objectifs : réaliser l'inscription du demandeur d'emploi (vérification d'identité, information sur ses droits et devoirs), instruire sa demande d'allocation (examen du dossier, validation, simulation des droits), contractualiser son PPAE (définition de son profil, évaluation de sa distance à l'emploi, diagnostic et orientation vers l'offre de service de Pôle Emploi), effectuer la première recherche d'offres d'emplois et sa mise en relation avec des entreprises. Comme vendu lors de la création du nouvel organisme, l'ambition est «d'offrir un interlocuteur unique», une «simplification des démarches» et «une lisibilité immédiate». En réalité, pallier le sous-effectif et satisfaire des tableaux de bord en accélérant les cadences...

L'EID devra être mené par tous les agents ayant un «portefeuille SMP» (suivi mensuel personnalisé) actif, à une nuance près. Ceux qui sont issus du placement, même s'ils n'ont pas correctement intégré les subtilités de l'indemnisation pour cause de formation expéditive — 7 jours seulement, alors qu'il faut plusieurs années d'expérience pour en maîtriser tous les rouages —, devront obligatoirement s'y plier. Tandis que ceux issus de l'indemnisation et qui auront suivi une formation de «conseiller personnel» pourront, sur la base du volontariat, «évoluer vers la double compétence» : les ex-Assedic "non volontaires" seront dirigés vers l'accueil téléphonique et physique, ainsi qu'à la liquidation des dossiers.

La formation à l'EID — modalités, logiciels… — sera de 4 jours + 2 jours de renforcement sur l'indemnisation si nécessaire. Tout cela, fut-ce avec «tutorat» (car il est question que des ex-Assedic "supervisent" leurs collègues à l'EID), ne permettra pas aux ex-ANPE de mener sereinement une étude de droits — gérer les reprises et les rejets — sans risque d'erreur. Mis en difficulté sur la première partie de l'entretien, ils verront sa dimension "conseil" réduite à un enchaînement de formalités administratives avant envoi expéditif vers un opérateur privé. De plus, les sessions de formation tombent en plein "plan Sarko" (680.000 chômeurs de longue durée à recevoir, entre autre), ce qui est proprement hallucinant.

Enfin, il va sans dire que les directeurs et personnels d'encadrement seront aussi sensibilisés à ces «enjeux», question de les persuader que l'EID est utile et ne fera pas un flop.

Une mascarade d'entretien

L'agent, après avoir contrôlé la validité de la pièce d'identité du demandeur selon les règles de la Direction de la prévention des fraudes, vérifié «la complétude du dossier» et sa «cohérence» entre les éléments saisis par téléphone ou via Internet et les informations fournies sur place, procèdera à l'examen de la demande d'allocation. Il devra acter les reprises et les rejets dits simples; sinon, procéder à une simulation des droits qui sera validée ultérieurement en "back-office" par un ex-Assedic. Et si le demandeur d'emploi éprouve des difficultés à remplir son formulaire, l'agent pourra «l'accompagner», mais en aucun cas remplir quoi que ce soit ni même cocher une case afin de gagner du temps ou limiter les erreurs. Chômeur, démerde-toi.

La contractualisation du PPAE devient plus directive : après lui avoir rappelé ses "droits" et ses "devoirs", «l'agent confrontera le demandeur d'emploi à son marché» et devra, avec lui, «explorer d'autres possibilités». Si les offres d'emploi dénichées n'aboutissent à aucune «mise en relation», l'agent devra lui proposer aussitôt «un service favorisant son placement (prestation, formation, envoi vers une autre structure de suivi…)». Emballé, c'est pesé.

Qu'ils soient issus de l'indemnisation ou du placement, les agents appréhendent cette ultime étape, mission «intangible» de Pôle Emploi dans le cadre la fusion ANPE-Assedic, dixit son DG Christian Charpy. Outre leur crainte à ne pas tout maîtriser (ils dénoncent les formations superficielles, pour ne pas dire bidon, qu'on leur a prescrites jusqu'à présent) et l'obligation de travailler selon une logique qui ne répond plus, voire s'oppose aux besoins des personnes qu'ils reçoivent, ils déplorent le fait que les victimes de ces changements seront, une fois de plus, les chômeurs. Car au lieu d'être reçus par deux personnes compétentes dans chacune de leur spécialité, ils n'auront affaire qu'à une seule, compétente dans un seul domaine et formée à la va-vite sur le second. De plus, ils estiment qu'avant d'élaborer sereinement un PPAE, le demandeur d'emploi a besoin de savoir combien il va toucher à la fin du mois : si ce point n'est pas éclairci, le chômeur ne peut se projeter. Les conditions de l'entretien ainsi parasité sont non seulement déloyales, mais source de conflit.

Un nouveau risque psycho-social

L'EID a d'abord été testé dans quelques régions, notamment en Basse-Normandie où un rapport d'expertise vient d'être rendu. Lui aussi se demande en quoi un entretien unique vaut-il mieux que deux entretiens successifs, sachant que, dans le premier cas, le chômeur aura affaire à un "généraliste" simplement capable d'appréhender les problématiques sans avoir forcément toutes les réponses, alors que, dans le second, il avait affaire à deux "spécialistes" réellement compétents chacun dans leur partie.

Il note que 80% des questions posées à l'accueil portent sur l'indemnisation : pour les ex-ANPE, le sentiment de moindre efficacité lié au manque de connaissances techniques est lourd à porter. De plus, le manque de temps génère du stress et de la frustration quant à la qualité du service rendu. Surtout, la relation de service qui s'appuyait sur un collectif de travail disparaît au profit d'une polyvalence individualisée qui, outre l'anxiété, génère un sentiment d'isolement.

D'un point de vue pratique, il est noté que le nouveau logiciel AUDE, conçu pour l'EID, est plus contraignant et moins performant qu'ALADIN, système expert de prise de décisions. Encore un recul du "bien-être".

Le rapport conclut que les impacts de l'EID sur la performance et la santé des agents sont cumulatifs. Dans l'état actuel des choses, sa mise en place est estimée inopportune, voire suicidaire : il ne s'agit pas de "résistance au changement" de la part des salariés, mais de consternation et d'angoisse face aux consignes irréalistes qui sont imposées, toujours dans la précipitation et dans un contexte défavorable, par la Direction et l'Etat. Dans ces conditions, il est absurde de vouloir obtenir l'adhésion et la motivation des troupes (surtout que, depuis deux ans, la "conduite du changement" se traduit par un profond mépris de leur travail quotidien).

L'expertise sera, bien sûr, ignorée de ces hiérarques bornés et fort peu soucieux des réalités du terrain. Et le Titanic de poursuivre sa route...

SH

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Mis à jour ( Samedi, 14 Mai 2011 00:08 )  

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