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Accueil Social, économie et politique «Je ne sais pas» n'est pas français

«Je ne sais pas» n'est pas français

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Avec la désorganisation et la précarisation des services publics, les renseignements erronés pullulent. Pour un nombre croissant d'usagers, les conséquences sont désastreuses.

Une chose est sûre : plus que jamais, il faut connaître ses droits et s'informer soi-même avant d'avoir affaire aux administrations et organismes sociaux dont nous dépendons. En cas de pépin, de changement de situation ou de décision importante à prendre, plus ça va, plus obtenir des renseignements relève du parcours du combattant.

Il faut prendre son téléphone en s'armant de patience. Par exemple, pour avoir la Sécu (le 3646, constamment saturé), une douzaine d'appels à 11 centimes est nécessaire avant de tomber enfin sur un "conseiller". Sinon, il est probable qu'on vous balade («Ce n'est pas moi, je vous passe le service machin» ou «Ce n'est pas le bon numéro, appelez celui-ci»…) : un phénomène courant quand on cherche à obtenir le tarif social de l'énergie, ou qu'on envisage de suivre une formation afin de sortir de l'impasse. Et quand vous tenez enfin un interlocuteur au bout du fil, que ce soit à Pôle Emploi, à la CAF ou ailleurs, rien ne vous garantit que les renseignements délivrés seront fiables.

En effet, quand vous vous déplacez ensuite, vous réalisez que les informations fournies étaient incomplètes ou contradictoires : il manque des documents; pire, ce que vous envisagiez s'avère finalement impossible… et chacun se renvoie la balle ! Conséquence : l'usager est non seulement déboussolé, mais il perd un temps parfois précieux. Soit il reste dans l'ignorance et passe à côté de dispositifs qui auraient pu lui sauver la mise, soit il renonce à ses droits.

Bref ! Le citoyen moderne se doit d'être mieux renseigné que ceux qui le renseignent — pour cela, internet reste actuellement le meilleur outil — et, surtout, faire preuve d'une grande pugnacité.

La confiance ne règne plus

Les déboires de Valérie sont un cas parmi tant d'autres, que nous recueillons régulièrement sur nos forums. A l'instar de bon nombre de personnes qui se lancent en ignorant les règles ou la législation en vigueur ainsi que les arcanes de l'administration, elle a fait confiance à ses interlocuteurs. Elle s'est retrouvée devant un puzzle dont certaines pièces, du fait de son ignorance, n'étaient à la base pas placées au bon endroit. Puis, au final, du fait de l'ignorance ou de l'incompétence de professionnels qui étaient censés l'éclairer, son puzzle, non seulement bancal mais comportant de multiples pièces manquantes, ne ressemble plus à rien. Résultat : son projet n'est pas viable et pour couronner le tout, la voilà sans ressources !

Pourquoi ce qui devrait être simple devient-il inextricable ? Les derniers rapports du Médiateur de Pôle Emploi, Jean-Louis Walter, et du Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, ne disent pas autre chose : la désorganisation de nos services publics et la précarisation de leurs personnels sont responsables de ces situations coûteuses et usantes, pour ne pas dire dramatiques quand elles touchent des personnes particulièrement fragilisées.

L'heure est grave. Des deux côtés du guichet, l'animosité et le désespoir guettent. C'est pourquoi des agents et fonctionnaires lucides sont entrés en résistance : ils ont lancé L'Appel de Toulouse afin de continuer à alerter la population sur ces dysfonctionnements qui, en accord avec le proverbe «Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage», ne visent qu'à démanteler notre bien public. Malheureusement, dans un contexte d'apathie générale — la crise, jumelée à la politique 100% anti-sociale menée par le gouvernement, ont mis les gens sur les rotules — et l'expectative illusoire d'un scrutin électoral, cette initiative, pourtant légitime, a peu de chance de faire boule de neige alors qu'il le faudrait.

Et l'honnêteté, là-dedans ?

Si la faute relève essentiellement de l'Etat qui, à son plus haut niveau, orchestre depuis des lustres ce démantèlement progressif, il n'en demeure pas moins que la responsabilité de chacun fait parfois défaut.

Oui, il est indéniable que les personnels qui sont censés nous renseigner, nous orienter ou nous épauler exercent leurs missions dans des conditions de plus en plus difficiles. Subissant un sous-effectif chronique, bombardés de consignes leur énonçant de nouvelles procédures/informations qu'ils n'arrivent plus à digérer, formés à la va-vite et soumis à une polyvalence au final contreproductive, certains sont eux-mêmes précaires et sous-payés. De guerre lasse, pour ne pas faillir devant leur hiérarchie ou se débarrasser de la patate chaude, certains bâclent leur travail. Pour se protéger, d'autres intègrent l'indifférence.

Et puis en France, il est vrai qu'il ne faut pas perdre la face, un relent de virilisme qui persiste dans notre éducation. Dire «Je ne sais pas» et présenter ses excuses quand on s'est trompé est exclu car c'est considéré comme un signe de faiblesse. Pôle Emploi, même quand il est en tort et finit par vous rétablir dans vos droits à l'issue d'un fastidieux bras de fer, en offre des exemples flagrants dans ses courriers lapidaires et déshumanisés.

Cette fierté mal placée, hautement préjudiciable, on la trouve même dans la rue quand un passant vous demande son chemin et qu'on l'envoie à l'opposé, que ce soit de bonne foi, ou parce qu'il est tellement plus important de faire croire que l'on sait.

Dire «Je ne sais pas» demande un minimum d'honnêteté, et se renseigner ensuite pour fournir une bonne réponse demande du courage, surtout quand on est déjà débordé. A force de désorganisation et de fatigue, le courage et l'honnêteté ont tendance à se faire la malle...

Le contexte est tel que chacun finit par se murer derrière ses problèmes et à perdre la conscience d'autrui. L'usager victime de ces mauvaises pratiques devient agressif, tandis que l'agent se blinde en les perpétuant. L'autre est désormais l'ennemi, ce qui nourrit le mépris et la haine. Ainsi sommes-nous happés dans un cercle vicieux dont le mécanisme nous échappe et auquel il est de plus en plus difficile de résister, symptomatique d'un dangereux délitement de notre société où triomphe le «diviser pour mieux régner». Tandis que ceux qui l'ont orchestré s'en frottent les mains.

SH

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Mis à jour ( Jeudi, 13 Octobre 2011 14:55 )  

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