L'agence de notation Moody's vient d'annoncer qu'elle se donnait trois mois pour évaluer le caractère "stable" de la perspective de notre cher "AAA", au vu de notre endettement et de la dégradation de la situation économique (alors que, pas plus tard que la semaine dernière, elle avait pourtant confirmé la solidité de la note française après l'annonce du plan de restructuration de la banque Dexia…).
Moody's prend bien soin de préciser que cet examen entre dans le cadre de son étude annuelle sur les comptes de la France et qu'il ne s'agit pas encore, à ce stade, d'une décision sur la note du pays. «La poursuite de l’engagement à mettre en œuvre les mesures de réforme économique et budgétaire, ainsi que des progrès visibles dans les objectifs visés» en matière de réduction de la dette — comprenez, de nouvelles mesures d'austérité et de destructions sociales — «seront importants pour maintenir la perspective stable» de la note du pays, prévient-elle.
On ne va pas vous faire un dessin : à quelques encablures des élections présidentielles, c'est bien de chantage politique qu'il s'agit là. Pour bien comprendre son enjeu, quelques points à rappeler :
• Entre 1981 et 2011, la dette publique de la France est passée de 21% à 85% du PIB (selon la doxa en vigueur et son étrange mode de calcul…) et les trois quarts de cette hausse vertigineuse sont imputables à des gouvernances de droite, Balladur, Raffarin et Sarkozy en tête, à grands coups de cadeaux fiscaux accordés aux plus riches : ainsi va le néolibéralisme.
Pour éponger ce déficit qui a servi depuis trente ans à engraisser une frange de la population qui n'en a pas vraiment besoin au détriment de la satisfaction de besoins collectifs fondamentaux, la France s'est, de plus en plus, tournée vers des investisseurs étrangers. Pour accorder leurs prêts, y compris à l'Unedic ou à nos collectivités locales, ces investisseurs se fient à l'expertise d'une poignée d'agences de notation (Moody's, Fitch et Standard & Poor's en tête) dont le pouvoir est aussi absolu qu'incontesté.
• Nous voici donc happés dans la spirale de l'endettement, sorte de nouvelle religion mondiale issue du modèle américain, et source de crises à répétition. La sacro-sainte note "AAA", qui est la plus élevée, nous permet d'emprunter sur les marchés dans des conditions très favorables. Une note abaissée impliquerait non seulement une "perte de confiance", mais plus de difficultés à contracter des prêts pour financer nos déficits ainsi qu'un coût accru du service de la dette (qui nous coûte déjà 50 milliards/an).
En contrepartie, les agences de notation exigent des "gages" de "saine gestion", essentiellement des mesures de réduction des dépenses qui rognent sur les acquis sociaux et le fonctionnement de nos services publics... A l'instar de la BCE, ces agences avancent masquées : elles prétendent ne pas faire de politique alors que leurs préconisations — qui sont en réalité des ordres — sont éminemment politiques, et idéologiques. La manipulation est totale et va de pair avec leur emprise sur des gouvernements qui, en sous-main, cautionnent ce système.
• En première ligne la droite, qui travaille au service de la finance, du grand patronat et des plus riches, ravie de pouvoir mettre en pratique une panoplie de mesures antisociales. Ainsi s'est-elle toujours arrangée pour endetter le pays afin de mieux servir ces impératifs, se défaussant sur les injonctions de la finance (la BCE ou les agences de notation) car “There is no alternative”, n'est-ce pas, disait Margaret Thatcher...
En deuxième ligne, les sociaux démocrates et autres "gauches molles" qui ne valent pas mieux. S'ils sont, certainement, meilleurs gestionnaires que la droite, ils ne sont pas prêts à remettre en question le système et à lutter contre la dictature des marchés.
Petit à petit, l'oiseau fait son nid. Ce ne sont plus nos politiques (élus "démocratiquement") qui décident — en tous cas le font-ils croire… —, mais les organismes financiers (que les peuples n'ont pas élus). Ainsi, la "dettocratie" a remplacé la "démocratie".
Ce totalitarisme larvé poursuit son œuvre via sa "stratégie du choc" imposée aux peuples depuis des décennies. Quelles que soient les décisions prises, qu'elles aillent dans le sens d'une réforme fiscale ambitieuse qui rétablisse un meilleur partage des richesses ou d'une aggravation suicidaire de la rigueur, la dictature financière trouvera toujours matière à harceler/sanctionner les Etats.
A l'occasion du grand rendez-vous "démocratique" de 2012, pas question que les futurs élus de la République oublient qui commande. Le carton jaune de Moody's ne dit pas autre chose. C'est pourquoi nous allons assister à des revirements et autres capitulations côté PS, et à un durcissement du discours UMPiste. Tenez-vous prêts, et sortez vos sacs à vomir ! Avant qu'on réussisse à se débarrasser de toute cette chienlit, nous allons souffrir.
SH
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