Augmenter ou réduire la durée du travail d’un salarié sans lui demander son accord est un rêve de patron qui pourrait bien être exaucé. Sous couvert de simplifier le droit des entreprises, le député UMP Jean-Luc Warsmann creuse des brèches dans le Code du Travail. Au détour d’une proposition de loi relative «à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives», l’auteur et député des Ardennes présente, dans l’exposé des motifs, la mesure suivante : permettre à un employeur «d’augmenter le nombre d’heures de travail sur une courte période sans que cette augmentation constitue une modification du contrat de travail».
Sauf que l’article de loi n’est pas tout à fait rédigé dans les mêmes termes : «La mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année, ne constitue pas une modification du contrat de travail».
Outre que la «courte période» peut durer un an, le terme «répartition des horaires» peut aussi bien signifier une hausse qu’une baisse de la durée du travail avec un salaire réduit en conséquence.
Actuellement, ce type de décision constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié. En cas de refus, il court le risque d’être licencié. Si la proposition de loi de M. Warsmann aboutissait, ce serait faire la part belle aux abus de toutes sortes, et un employeur n’aurait même plus à demander l’accord des salariés pour réduire leurs salaires !
En déposant sa proposition de loi le 28 juillet à l’Assemblée nationale, le député a ainsi résumé la philosophie de son texte : «Dans la conjoncture actuelle, il est devenu indispensable de desserrer l’étau législatif et réglementaire qui contraint les acteurs de notre croissance». Missionné en janvier dernier par le chef de l’État pour «rendre notre cadre juridique plus propice à l’initiative économique et à la création de richesses et d’emplois», le député évoque une «prolifération de règles et de procédures qui handicape» les entreprises.
Aussi entend-il «donner à notre économie tous les ressorts juridiques nécessaires pour devenir plus performante». Et freiner les ardeurs d’une justice qui fait parfois «barrage» au plus haut niveau. Ainsi la Cour de Cassation a-t-elle donné gain de cause, en septembre 2010, à un salarié qui contestait l’application (sans que l’employeur lui ait demandé son accord) d’une modulation de son temps de travail, lui faisant perdre le bénéfice de ses heures supplémentaires. Cet article de loi bafoue ouvertement la jurisprudence.
Didier Porte, secrétaire confédéral FO, lors de son audition auprès dudit rapporteur, a insisté sur le recul important et grave pour les droits des salariés que constitue la disposition relative à la répartition de la durée du travail qui ne nécessiterait plus l’accord du salarié et ne constituerait plus une modification du contrat de travail. «C’est non seulement une remise en cause du contrat de travail, a-t-il indiqué, mais également une atteinte à la vie privée. De plus, qu’en est-il du salaire, que le salarié soit en période haute ou en période basse ? La proposition de loi ne le dit pas.»
Pour Didier Porte, en l'état, en cas de refus, le salarié est licencié pour cause économique. Avec cette mesure, si le salarié refuse, on entre dans un régime disciplinaire avec sanction à la clef.
(Source : Miroir Social)
DERNIÈRE MINUTE : La mesure a été votée en première lecture mercredi à l'Assemblée par 38 voix contre 21. La CGT précise à titre d'exemple qu'«un employeur pourrait exiger de son salarié de travailler une semaine durant 48 heures et 10 heures la semaine suivante, sans que celui-ci puisse s'y opposer».
Le texte doit ensuite être examiné par le Sénat.
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