Les derniers chiffres du chômage en Allemagne sont tombés, et ils sont époustouflants. Avec officiellement 2,8 millions de chômeurs, soit 6,9% de sa population active, l’Allemagne a battu un nouveau record depuis la réunification. Une baisse spectaculaire depuis le pic historique atteint en janvier 2005, quand le nombre de demandeurs d’emplois atteignait 5,1 millions. Mieux encore : Frank Weise, le directeur général de la Bundesagentur für Arbeit (l'équivalent de Christian Charpy de notre Pôle Emploi), assure que le marché du travail ne montre pas de signes d’essoufflement : «Le niveau du chômage est à son plus bas niveau depuis 1992, (…) la demande de main d’œuvre reste forte».
Au sens du Bureau international du travail (BIT), ce taux s'inscrivait même à 6,1% en juillet (dernier mois disponible pour des comparaisons) contre 9,9% en France ou 9,1% aux Etats-Unis. [...]
9 millions de précaires ?
Pourtant, à l’instar de Brigite Lestrade, auteure d’une étude sur les réformes Hartz parue en juin 2010, certains pointent la mise en place d’un système qui, par vases communicants, aurait progressivement fait passer plusieurs millions d’Allemands des listes de chômeurs à ceux de "quasi-chômeurs" ou travailleurs pauvres.
La chercheuse estime les bénéficiaires d’Hartz IV à 6,6 millions de personnes, dont 1,7 millions d’enfants. Les 4,9 millions d’adultes sont en fait des chômeurs, des "quasi-chômeurs" qui travaillent moins de 15 heures par semaine, ou des précaires. Les plus touchés sont les familles monoparentales et les seniors.
Ils ne figurent pourtant pas dans les chiffres du chômage qui ne prennent en compte que les bénéficiaires de l’Arbeitsolsengeld I ou Alg1, l'équivalent de l'ARE en France… mais limitée à 12 mois (après un an de chômage, l'Alg2 ou "Hartz IV", l'équivalent de notre RSA, lui succède, fusionnée à la Sozialhilfe ou aide sociale. Ces chômeurs de longue durée sont appelés "Hartzis").
Une responsable de l’Arbeitsagentur d’Hambourg, souhaitant garder l’anonymat, ne cache pas sa colère : «Qu’on arrête de parler de miracle économique. Aujourd’hui, le gouvernement répète que nous sommes aux alentours de 3 millions de chômeurs, ce qui serait effectivement historique. La réalité est toute autre : 6 millions de personnes touchent Hartz IV, ce sont tous des chômeurs ou des grands précaires. Le vrai chiffre n’est pas 3 millions de chômeurs mais 9 millions de précaires».
Le chômage des seniors à la hausse
Intarissable, cette responsable évoque également l’arrivée d’un million de chômeurs supplémentaires dans les années à venir. Suite à la dernière réforme des retraites, l’âge légal de départ a été relevé de 65 à 67 ans. Or, près d’un million de salariés disposent d'un contrat qui leur assure un départ à la retraite à leur 65e année. Ils vont donc mécaniquement venir grossir les rangs des chômeurs. S’il s’agit d’un ajustement technique, les chiffres du chômage et les comptes sociaux pourraient se retrouver bouleversés pour une période de deux à trois années.
La question des chômeurs âgés est d’ailleurs le point le plus sensible de la réforme Hartz. Alors que le nombre de bénéficiaires de Hartz IV a officiellement reculé de 9,5% entre 2006 et 2009, la part des plus de 55 ans a, elle, augmenté de 17,7%.
Chiffres «truqués»
Récemment, la polémique a été relancée après que le quotidien Die Welt a rapporté, dans son édition du 27 septembre, que les chiffres du chômage des séniors sont «truqués». D’après le journal conservateur, un chômeur de plus de 58 ans sur deux n’est plus répertorié dans les chiffres de la Bundesagentur für Arbeit.
Par une magouille comptable et dialectique, le Pôle Emploi allemand aurait fait sortir 211.000 chômeurs seniors des listes. Le crédo du «Silberschatz» (littéralement, le "trésor de l’expérience" des seniors), chanté par la ministre du Travail Urula Van der Leyen qui répète que «les principaux bénéficiaires du redressement du marché du travail allemand sont les 58 ans et plus», a depuis pris du plomb dans l’aile.
Interpelé sur la question par le chef de file du parti Die Linke Klaus Ernst, le porte-parole ministère du Travail a d’ailleurs dû reconnaître que «début 2011, seulement 43% des seniors bénéficiaires du chômage étaient enregistrés sur les listes». [...]
(Source : Myeurop.info)
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