Une fois n'est pas coutume, le rapporteur du budget de l'Assemblée nationale Gilles Carrez (UMP) a été pris par surprise vendredi par le gouvernement. A l'occasion de l'examen en séance du dernier projet de loi de finances rectificative de l'année, celui qui doit intégrer une grande partie des mesures du second plan de rigueur, la ministre du Budget, Valérie Pécresse, a présenté un amendement du gouvernement qui consiste à assujettir progressivement les mutuelles et institutions de prévoyance à l'impôt sur les sociétés à partir du 2012.
Aides d'Etat
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission des finances puisque déposé la veille au soir de la séance publique, ce qu'a regretté le rapporteur général. "Cette question est très lourde et j'aurais bien aimé, madame la ministre, que notre commission puisse examiner cet amendement", a ainsi réagi en séance Gilles Carrez. Pourtant, elle ne sort pas du chapeau. Comme l'expose l'amendement gouvernemental, la loi de finances rectificative pour 2006 prévoyait déjà de faire entrer les mutuelles "dans le droit commun de l'impôt sur les sociétés (IS) et de la taxe professionnelle (TP)", cette dernière ayant été remplacée depuis pas la contribution économique territoriale (CET, composée de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Initialement, l'entrée en vigueur était prévue au 1er janvier 2008 mais la loi de 2006 prévoyant des dispositions dérogatoires - contrats solidaires et responsables notamment -, la Commission européenne a souhaité vérifier leur compatibilité avec le droit communautaire.
Après plus de quatre ans, Bruxelles a tranché début 2011 : ces exonération fiscales sont assimilées à des aides d'Etat, elles doivent donc être abrogées et les mutuelles soumises à l'IS en 2014 et à la CET en 2015. "C'est un problème que nous traînons depuis des années. Nous avons gagné quelques années; c'était inévitable", commente Gilles Carrez, favorable à la fiscalisation des mutuelles.
Seulement, alors que plusieurs textes budgétaires sont déjà passés par le parlement, l'amendement du gouvernement est arrivé vendredi devant les députés sans crier gare et a surpris car il prévoit une entrée en vigueur dès 2012. Mais le gouvernement avait au préalable pris soin de consulter la Mutualité française et prévoit une entrée en vigueur progressive : à hauteur de 40% en 2012 et 60% en 2013 pour l'IS et à hauteur de 40% en 2013 et 60% en 2014 pour la CET (respectivement donc 100% en 2014 pour l'IS et en 2015 pour la CET). "Cette entrée en vigueur progressive permettra de limiter l'impact tarifaire de cette décision de la Commission européenne en 2012 et au cours des années suivantes", a ainsi salué dès vendredi la fédération.
Conséquences pour les ménages
Pour autant, cette fiscalisation n'est pas sans poser de problèmes. Tout d'abord, cela peut favoriser les villes présentant une forte concentration d'organismes mutualistes. Gilles Carrez a d'ailleurs alerté Valérie Pécresse sur le cas de Niort, place forte historique du secteur : "Cette ville, tant mieux pour elle, va ainsi bénéficier d'un afflux considérable de recettes au titre de la CET. Lorsque nous avions travaillé sur la fiscalisation de France Télécom, en 2002, nous avions prévu un mécanisme de péréquation. Qu'en sera-t-il s'agissant de ce nouveau régime de fiscalisation des mutuelles ? Cela fait partie des multiples questions que va soulever cet amendement."
Gilles Carrez souhaite donc disposer de simulations et d'études d'impact. Un mécanisme de répartition pourrait donc être envisagé à l'avenir via les dotations ou dans le cadre de la péréquation (redistribution entre communes riches et pauvres) qui va se mettre en place en 2012. L'examen au Sénat du collectif budgétaire, qui débute le 13 décembre, devrait être l'occasion de procéder à de telles projections. Mais la commission des finances de l'Assemblée pourrait également profiter de sa seconde lecture pour "peaufiner" la mesure, comme Valérie Pécresse l'a elle-même suggéré.
Autre conséquence, la hausse des tarifs des mutuelles. A priori, leur fiscalisation étant attendue depuis plusieurs années, elles ont logiquement provisionné. Aussi l'entrée en vigueur progressive devrait limiter l'ampleur de la répercussion. Mais en bout de chaîne, les ménages devraient tout de même payer la facture. A la suite du doublement de la taxe sur les contrats complémentaires de santé décidée dans le cadre du premier plan de rigueur annoncé fin août, les mutuelles ont déjà prévu d'augmenter leurs tarifs 2012 de 4,7%...
(Source : La Tribune)
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