La passion soudaine de Nicolas Sarkozy pour le respect et la mise en place d’une «règle d’or» via un nouveau traité européen est pour le moins surprenante, étant donné qu’il a largement participé à l’aggravation des déficits. Comme nous le verrons, ce n’est pas innocent et correspond au premier coup de pioche d’une longue série dans les avantages sociaux européens.
Lundi 5 décembre 2011, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont annoncé vouloir un «nouveau traité» de l'Union européenne à 27 ou à 17. Son point saillant sera la mise en place de «sanctions automatiques en cas de non-respect de la règle du déficit inférieur à 3% du produit intérieur brut (PIB)». Pour d’éviter que le déficit ne soit caché, Nicolas Sarkozy indique la nécessité de l'instauration d'une «règle d'or renforcée et harmonisée au niveau européen» afin que les cours constitutionnelles de chaque pays puissent vérifier que les budgets vont «vers le retour à l'équilibre». La Cour de justice européenne devra dire si «les règles d'or nationales correspondent à un vrai engagement de retour à l'équilibre budgétaire», a affirmé la chancelière allemande, approuvée par Nicolas Sarkozy.
Cette déclaration est étonnante à plus d’un titre, comme nous allons le détailler
• La crise actuelle est mondiale et certainement pas limitée à 17 ou même 27 pays européens. Cette proposition ne pourrait répondre qu’à une toute petite partie du problème, la face cachée de l’iceberg relevant de décisions structurelles planifiées de longue date.
• La crise actuelle en Europe n’est pas limitée à la question des déficits. Ainsi, la proposition ne règle pas des sujets important comme le chômage, les délocalisations, la définition d’une stratégie économique claire et de long terme, le traitement des dérives de la finance, etc…
• L’intérêt soudain de Nicolas Sarkozy pour l’équilibre budgétaire de la France est étonnant à plus d’un titre. D’abord, depuis que la droite est au pouvoir, et en particulier depuis que Nicolas Sarkozy est président, des réductions massives d’impôts ont eu lieu pour tous les ménages (mais principalement les riches) ainsi que pour les entreprises (mais principalement les grosses). La Cour des comptes chiffrait ces cadeaux à plus de 172 milliards, comme je l’indiquais dans «Mon troisième plan et dernier plan d’austérité indolore». Ce décompte ahurissant ne tenait pas compte de la réforme de la taxe professionnelle qui, à elle seule, aggrave le manque à gagner de 7 milliards d’euros par an. Encore une fois, ce sont les grosses entreprises qui en bénéficient : 850.000 petites et très petites figurent parmi les perdantes de cette réforme pourtant hyper-généreuse qui aura permis aux entreprises, toutes tailles confondues, de réduire en moyenne leur fiscalité de 31% au détriment des collectivités locales.
Cette annonce n’est qu’une réponse inadaptée et étrange à la crise économique que le monde subit. Elle ressemble davantage à une réponse à l’agence de notation S&P qui indiquait une possible dégradation des notations des pays européens. Dégradation qui ne changerait pas grand-chose pour la France, étant donné que les marchés ont déjà intégré le fait que les notes allemande et française, bien qu’identiques sur le papier, aient en réalité des taux d’intérêt très différents (1,77% pour l’une, 3,75% pour l’autre).
Alors, quel est le véritable but ?
Pourquoi ce nouveau traité est si urgent et doit être ratifié au mois de mars ? Pourquoi Nicolas Sarkozy déclare qu'«il nous faut aller vite et les ratifications auront lieu après ces rendez-vous politiques français importants que sont les présidentielles et législatives» ? Pourquoi les origines de la crise ne sont plus le capitalisme, qu'il faudrait «moraliser», et la dérégulation financière dont la population ressent les ravages, pas plus que les agences de notations accusées de ne pas avoir vu venir la tempête, mais le fait que l'Europe soit coupable de ne pas imposer «le travail, l'effort et la maitrise de nos dépenses», comme l’a indiqué Nicolas Sarkozy lors de son discours de Toulon le 1er décembre dernier ?
La réponse est triste et simple. L’état pitoyable des finances publiques ne peut plus être ignoré, Nicolas Sarkozy le sait. Il sait donc que s’il est réélu, il devra gérer ce dossier. Comme il ne pourra pas se défaire tous les cadeaux fiscaux qu’il a accordés ces 5 dernières années, il faudra faire payer les classes moyennes et les pauvres. Et comme ce ne sera pas facile, il faudra un prétexte pour raboter fortement les avantages sociaux (droit du travail, assurance chômage, retraite, assurance maladie…) : la règle de 3% surveillée par l’Europe sera le prétexte idéal. Chaque rognage sera demandé par l’Europe au nom du respect des 3%, et non à cause du président...
La preuve ?
Elle est dans la suite du discours de Nicolas Sarkozy à Toulon : «La retraite à 60 ans et les 35 heures ont été des fautes graves dont nous payons aujourd'hui lourdement les conséquences et qu'il nous a fallu réparer», a-t-il martelé. Évidemment, nous ne payons pas les presque 180 milliards d’euros de cadeaux fiscaux fait par le même Nicolas Sarkozy !
Évidemment, la solution des euro-obligations n'est en aucun cas une solution à la crise : «L'Allemagne et la France, nous sommes tout à fait d'accord pour dire que les eurobonds ne sont en aucun cas une solution à la crise, en aucun cas», a dit le chef de l'État. «Comment convaincre les autres de faire les efforts que nous sommes en train de faire nous-mêmes si on mutualise les dettes dès maintenant ? Tout ceci n'a guère de sens», a-t-il ajouté.
Maintenant, les choses sont claires. Le social va trinquer, et quant au chômage qui ne cesse de grimper, il faut se dire que la seule solution (sic !) sera de faire travailler plus les Français et bien sûr, en aucun cas, le partage du travail devenu plus rare grâce aux gains de productivité des entreprises et des délocalisations : «Ce n'est pas en choisissant une politique de partage du travail qui a échoué partout dans le monde que la France tirera le meilleur parti de ses ressources» ! Du grand Sarkozy.
Conclusion
Ce nouveau traité est un piège social pour la France, mais également pour l’Europe. L’accepter, c’est accepter que les cadeaux fiscaux faits aux plus riches soient compensés — ou plutôt payés — par une annulation généralisée de tous les avantages sociaux acquis pendant le dernier siècle. La durée du travail augmentera et le chômage explosera. Ce bilan catastrophique sera uniquement de la faute des "erreurs socialistes" (d’il y a 20 ans, donc !) qui ont conduit aux déficits abyssaux que nous connaissons, mais pas du tout à la gestion des dix dernières années de la droite !
(Source : Blog économique et social)
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