«Ceux qui ont perdu leur emploi doivent être l’objet de toute notre attention. Nous devons changer notre regard sur le chômage. Faire en sorte que la formation des chômeurs devienne la priorité absolue afin que chacun puisse se reconstruire un avenir. Former et pas seulement indemniser, tel doit être notre but. Personne ne doit pouvoir s’exonérer de cette obligation, ni être exclu de cette possiblité.»
En se fixant cet objectif, Nicolas Sarkozy a endossé devant tous les Français un nouveau costume : celui du Président patriarche qui apaise le corps social en retissant ses solidarités. Las, gageons qu’en la matière les incantations d’un chef de l’Etat, handicapé dans la course à la Présidentielle par l’explosion du chômage, ne suffiront plus.
Permettre à toutes et à tous de rebondir dans une économie mondialisée, c’était déjà le cœur de la réforme de 2009 qui a introduit dans l’Hexagone la flexi-sécurité chère aux pays nordiques, en créant conjointement le fond de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et… la rupture conventionnelle du contrat de travail.
Or discrètement, en décembre dernier, le Conseil Economique et social, dans un avis fort instructif que le chef de l’Etat s’est bien gardé de mentionner [à télécharger ci-dessous en pdf], a dressé un bilan plutôt ravageur de cette réforme. Et pour cause. Si le nombre des licenciements «à l’amiable» s’est envolé à plus de 600.000 depuis 2008, pesant lourdement sur les finances de l’Unedic, le FPSPP, lui, est loin d’avoir atteint ses objectifs. Ainsi, alors qu’il devait permettre de former chaque année 500.000 salariés et 200.000 demandeurs d’emploi supplémentaires, l’année de sa création, seulement 8% des chômeurs inscrits à Pôle Emploi ont eu accès à une formation professionnelle ! Par ailleurs, l'Etat a par deux fois, en 2011 et en 2012, ponctionné 300 millions d'euros sur le FPSPP pour financer ses propres actions. Or ce fonds, qui vient appuyer les dispositifs de formation pour les demandeurs d'emploi les moins qualifiés, devrait afficher cette année un déficit de 160 millions d'euros.
Dans la même veine, le nouveau dispositif de Préparation Opérationnelle à l’emploi (POE) — une formation proposée par Pôle Emploi à un chômeur pour qu’il satisfasse une offre de job déjà collectée — a poussivement démarré. De sorte qu’en dépit de 31,3 milliards d’euros consacrés à la formation continue (soit 1,6 point de PIB !), la France reste en 2012, selon le CESE, l’un des pays développés qui forme le moins ses adultes de plus de 25 ans. Et tout particulièrement ceux qui ont le plus besoin : les travailleurs des entreprises de 10 à 20 salariés, les jeunes, les séniors et les femmes les moins diplômés.
Plus accablant encore : relevant du seul pouvoir de gestion des employeurs, la formation professionnelle n’a concerné… que 1,4% des accords conclus en entreprise. C’est dire si la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences passionne les DRH ! (Parce que ces employeurs jugent leurs salariés bien assez qualifiés pour leurs tâches, ou parce que ces dernières sont trop lourdes pour qu’ils puissent s’absenter...)
Conçus pour pallier ces inégalités d’accès des salariés à la formation, les congés et droits individuels à la formation (CIF et DIF) patinent largement. En dépit de la crise, moins d’un dossier déposé sur deux est, au final, financé. De fait, ces dispositifs ne jouent plus suffisamment le rôle d’ascenseur social que leur avaient dévolu les partenaires sociaux. Ainsi, en 2009, en dépit des déclarations de bonnes intentions, moins de 11.200 salariés en CDD sur plusieurs millions ont bénéficié d’un CIF-CDD. Et à ce jour, le droit à la formation initiale différée — un an d’éducation pour ces 25% de salariés qui n’ont aucune qualification reconnue — n’a fait l’objet d’aucune concertation alors que les partenaires sociaux le réclamait...
De ce décollage raté de la flexi-sécurité en France, le gouvernement est donc en partie responsable. Notamment parce qu’il a «fragilisé, notent les experts du CESE, le réseaux des collecteurs de fonds de la formation, les OPCA dont l’expérience était reconnue, en élargissant leurs missions et en les plaçant, en pleine tourmente économique, en concurrence. Cela pour complaire au Conseil de la Concurrence Européen qui considère que la formation professionnelle, bien que d’intérêt général, est une activité économique soumise au droit de la concurrence».
Ce positionnement dogmatique oblige désormais Pôle Emploi et les régions à recourir systématiquement à des procédures d’appel d’offres pour conclure et embaucher des formateurs. Et ces procédures complexifient leurs démarches tout en minant leur réactivité, puisque les délais de réponse peuvent excéder plusieurs mois. Par ailleurs, regrette l’Association des Régions de France (ARF) citée par le CESE, la décentralisation de la formation professionnelle est restée au milieu du gué. Ce qui pénalise l’articulation des politiques de l’emploi aux politiques de développement économiques locales.
Bref, cinq ans après l’élection de Nicolas Sarkozy, non seulement un vrai service public de la formation continue, incluant les universités, reste à construire. Mais encore, il est plus qu’urgent de s’assurer que le chômage partiel que subiront cette année les salariés dans nombre d’entreprises servira aussi à préparer leur rebond. Ce sera l’un des enjeux du «sommet social» convoqué par le chef de l’Etat le 18 janvier.
(Source : Marianne)
Le rapport du CESE en pdf => 40 ans de formation professionnelle : bilan et perspectives
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