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Or, ce chiffre de l'Insee correspond à l'évolution de la population active dans cette tranche d'âge (55-64 ans). Et Nicolas Sarkozy semble ignorer que les notions de "population active" [1] ou de "taux d'activité" intègrent autant les personnes en emploi que celles en recherche d'emploi... Donc, lorsqu'il avance qu'il y aurait «520.000 seniors de plus au travail», il ment comme un arracheur de dents puisque, parmi ces 520.000 nouveaux actifs de plus de 55 ans, plus de 40% pointe au chômage ! Comme d'habitude, aucun prétendu journaliste n'a relevé l'imposture.
Mais ce n'est pas tout. Figurez-vous que sa proposition d'un «zéro charges seniors» n'est que la resucée d'un dispositif annoncé le 1er mars 2011, puis annulé pour être remplacé par des aides versées aux entreprises acceptant d'accueillir des demandeurs d'emploi de plus de 45 ans en contrat de professionnalisation.
Cette fumisterie n'a pas échappé à l'économiste Emmanuel Lechypre, également rédacteur en chef de L'Expansion, dont je vous laisse savourer la chronique sur BFM Business : Chômage des seniors, quand Sarkozy propose une mesure déjà en place…
“ Invité de l'émission Capital sur M6, Nicolas Sarkozy a annoncé qu’en cas de réélection, il s’attaquerait au chômage des seniors. Pour le réduire, le président candidat propose de mettre en place "l’exonération de charges sociales pour l’embauche de chômeurs de plus de 55 ans qui obtiennent un CDI ou un CDD de plus de six mois". Une annonce que n’a pas manqué de relever François Hollande : il affirme que cette mesure est déjà en place.
Le candidat socialiste a raison : elle figure déjà dans la réforme des retraites [2]. Il est étonnant de voir que François Hollande connaît presque mieux que Nicolas Sarkozy les lois qui ont pourtant été votées par son propre gouvernement…
Outre l'allongement de la durée de cotisation, le financement des retraites passe inévitablement par une hausse du taux d'emploi des 55-64 ans. Qui est ridiculement bas en France : seulement 38,3% de cette classe d’âge travaillaient en 2007 (presque deux fois moins qu'en 1970 !) contre 46,6% dans l'Europe des Quinze. Or, il ne sert à rien de repousser l'âge théorique du départ à la retraite si moins de quatre salariés sur dix sont concernés.
Et les chiffres ont peu progressé. Actuellement, 42% seulement des plus de 55 ans sont en emploi, contre 70% en Suède et en Norvège. De même, seulement 6% des entreprises ont recruté des seniors ces six derniers mois.
Quels seraient les effets d’une telle mesure ? A la marge, cette exonération profitera bien à quelques salariés. Mais se tenir à des seules contingences financières ne suffira pas à résoudre le problème du chômage des seniors. Car certaines habitudes sont bien ancrées dans les entreprises et perdurent depuis les débuts du chômage de masse, il y a trente ans. Les préretraites sont encore utilisées comme un outil de lutte contre le chômage. Les salariés "âgés" restent une variable d'ajustement et les premières victimes — souvent consentantes (un sur deux ne souhaite pas allonger sa carrière) — des restructurations. Plus souvent à tort qu'à raison, cette catégorie de salariés est toujours considérée comme moins mobile et moins polyvalente, moins malléable aussi. Leur intégration poserait également problème dans des équipes plus jeunes.
Enfin, cette exonération des "charges" à l’embauche vise la mauvaise catégorie des salariés âgés, celle des plus de 55 ans. Car ce sont les 50-55 ans qui sont bien plus touchés par le chômage. ”
Au lendemain de cette annonce, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, a répété sur Europe1 que la mesure ne coûterait «pas grand chose aux finances publiques»… ce dont nous pouvons être certains !
Et pour finir, je vous invite à lire ce billet de l'économiste Michel Abhervé, qui revient sur le "succès" du contrat de professionnalisation élargi aux seniors de plus de 45 ans : 4.330 bénéficiaires en 2011 malgré les carottes financières accordées aux employeurs. Désopilant, non ?
SH
[1] La population active se définit comme l'ensemble des personnes en âge de travailler — fixé en général entre 15 et 64 ans — qui sont disponibles sur le marché du travail, qu'elles aient un emploi (population active occupée) ou qu'elles soient au chômage (population active inoccupée) à l'exclusion de celles ne cherchant pas d'emploi, comme les personnes au foyer ou les rentiers.
[2] Elle était inscrite à l'article 103 de la loi sur les retraites de novembre 2010. Michel Abhervé confirme, et rappelle qu'une autre exonération de cotisations prévue pour "les chômeurs âgés de plus de 50 ans et de moins de 65 ans, demandeurs d'emploi depuis plus d'un an" dans le cadre des Contrats Initiative Emploi a été drastiquement supprimée à partir du 1er janvier 2011 par la loi de finances.
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Commentaires
Le président-candidat multiplie les annonces non chiffrées. Il s'est évidemment bien gardé — comme d'ailleurs pour l'ensemble de son programme qui n'est toujours pas publié — de divulguer le coût budgétaire de son "zéro charges seniors", ni son mode de financement.
L'Institut de l'Entreprise, think tank qui évalue l'impact budgétaire des programmes des candidats, a évalué le coût annuel de l'exonération permanente de "charges" sociales pour l'embauche d'un chômeur de plus de 55 ans, dont l'effet d'aubaine est évident :
www.latribune.fr/actualites/economie/france/20120322trib000689632/combien-coute-la-mesure-sarkozy-sur-l-emploi-des-seniors-.html Répondre | Répondre avec citation |
A chaque élection présidentielle, on assiste à un match dans le match : qui ravira les vote des vieux, ou dit plus correctement, «les seniors», qui sont la catégorie la plus nombreuse et la plus votante de France. Car, rappelons-le, la France est certes divisée entre gauche et droite, mais elle l'est aussi entre moins de 50 ans (19 millions) et plus de 50 ans (25 millions).
C'était déjà vrai, bien entendu, en 2007, lorsque Ségolène Royal avait écrit une «lettre aux grands-parents» assez étonnante, qui n'avait pas empêché Nicolas Sarkozy de rafler les deux tiers des voix des plus de 67 ans avec ses promesses de protection, de loi, d'ordre, et de baisse des impôts.
Cette fois, le mano a mano électoral se déroule d'abord sur le terrain du travail. François Hollande avance ses «contrats de générations» : déduction fiscale pour une entreprise qui embaucherait un jeune en CDI tout en conservant un senior jusqu'au bout de ses 166 trimestres obligatoires (en 2016) pour obtenir une retraite pleine. Hollande se veut rassembleur : le vieux aide le jeune à entrer dans la vie professionnelle , comme Saint-Christophe prend le petit Jésus sur son épaule pour traverser le fleuve. On nage dans le pathos, pour un coût de 2,3 milliards d'euros.
Nicolas Sarkozy est plus cynique : embauchez un chômeur senior (plus de 55 ans), dit-il, l'Etat vous fera cadeau des charges sociales. 60.000 personnes seraient concernées, pour un coût de 100 millions d'euros la première année. Le président sortant n'est pas regardant sur la qualité de l'emploi : cela pourrait être un CDI ou un CDD de plus de 6 mois. C'est d'une certaine façon vouloir égaliser les conditions entre jeunes et vieux. Les premiers sont déjà précaires, pourquoi les seconds ne le seraient-ils pas? Ah oui, nous dit-on la mesure existe déjà, en partie, sur une période limitée ? Elle ne marche pas ? Pas grave.
Du travail, l'affrontement se déplace vers les inactifs : François Hollande a pris position, lors de son émission «des discours et des actes» sur France 2 pour une cotisation obligatoire universelle finançant la dépendance. Un acte lourd, puisqu'il promet rien moins que la mise en place d'un «cinquième risque» de la sécurité sociale, mais qui prend son adversaire à rebours, qui a remis cette réforme promise en 2010 (Roselyne Bachelot en était chargée) et remise aux calendes grecques, c'est à dire «quand on aura l'argent pour le faire». Peu de commentateurs ont noté que les candidats socialistes semble trancher un débat vif au sein de son camp. Qu'il aurait pu, comme le préconisent la CFDT et la fondation Terra Nova, décider d'amener le taux de CSG sur les retraites (6,6%) au niveau de celle frappant les revenus du travail (7,5%), qui rapporterait au moins 1,5 milliards d'euros. En l'état du dossier, François Hollande, qui se dit pourtant adepte d'un pacte des générations, aurait plutôt pris le parti des vieux contre les jeunes. Il est vrai que 30% des électeurs sont des électeurs âgés et qu'ils votent davantage que leurs petits-enfants.
De son côté, Nicolas Sarkozy a rattrapé in extremis le patronat par le fond de la culotte. Lors des négociations sur la revalorisation des pensions de retraites complémentaires , le Medef refusait de rattraper la perte de pouvoir d'achat due à l'inflation de l'année passée. L'échéance étant le 1er avril, quelques coups de fils ont rappelé aux dirigeants patronaux qu'une telle position contredirait la promesse présidentielle du maintien du niveau des retraites, et qu'il fallait savoir faire des concessions au bon moment. Message entendu, l'Agirc et Arrco augmenteront bien leurs prestations de 2,3%.
Nous en sommes donc à deux coups dans chaque camp. Nul doute qu'il y en aura bien d'autres d'ici le 22 avril.
www.marianne2.fr/hervenathan/Presidentielle-J-32-Nos-si-chers-vieux_a171.html Répondre | Répondre avec citation |