Quelle misère ! Rendez-vous compte : sur 12 ans, seulement 5% d'augmentation nette — c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation —, et seulement 10% en moyenne grâce à ces artifices que sont la prime pour l'emploi (crédit d'impôt créé par Lionel Jospin en 2001, réservé aux plus faibles rémunérations) et le RSA "activité" (complément de revenu créé en 2009, réservé aux travailleurs pauvres).
Conséquence, écrivent Les Echos : le Trésor note une diminution de la part du revenu d'activité dans le revenu disponible — qui comprend l'ensemble des prestations sociales et des autres revenus — de ces ménages. Exemples : le salaire net ne représente plus que 56% du revenu disponible pour un célibataire au Smic à mi-temps contre 73% en 1999, et 93% pour un célibataire à temps plein; pour un couple mono-actif à temps plein avec deux enfants, le ratio est tombé à 58%. Imaginez l'impact de ce déséquilibre sur les recettes de la protection sociale...
L'emploi sous perfusion
On le savait : il est impossible de vivre avec un Smic. Sans ces béquilles que sont la PPE et le RSA "activité", ce serait la catastrophe. Mais qui y gagne ? Certainement pas les Smicards qui, malgré ces miettes, ont toujours la tête sous l'eau, sachant que leur taux de prélèvement global est supérieur à 50%.
Chaque année, l'Etat se déleste de plus de 20 milliards d'euros pour subventionner les bas salaires via les «allégements Fillon». (Rappelons en passant que depuis 2007, aucun coup de pouce n'a été donné au Smic.) La prime pour l'emploi — que Nicolas Sarkozy veut supprimer, estimant qu'elle fait doublon avec le RSA "activité" — coûte 3,5 milliards et le RSA "activité" 1,5 milliard. Tel est le montant de la facture pour toutes ces perfusions qui visent, d'un côté, à rendre soi-disant les entreprises plus compétitives et de l'autre, à soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes.
Qui profite vraiment de ces dispositifs ? Les employeurs, et doublement : non seulement on les soulage de cotisations patronales (ces assistés qu'on ne désigne pas disent "charges") mais on les désincite à revaloriser les salaires, puisque la PPE et le RSA "activité" sont là pour compenser. Le tout, bien sûr, à grand renfort d'argent public...
Des "experts" contre le Smic
Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Ainsi, en été 2008, le rapport Cahuc, Cette et Zylbenberg, commandé par Matignon, concluait que le Smic n'est pas «un moyen efficace pour réduire la pauvreté et les inégalités» et suggérait de «s'appuyer sur des mesures fiscales et des prestations sociales ciblées plutôt que sur un salaire minimum élevé et uniforme» (nos 2,6 millions de Smicards apprécieront le caractère "élevé" de leur 1.096 € mensuels pour un boulot à plein-temps)...
Voyez un peu la schizophrénie du tableau : pour une part grandissante de la population salariée, à lui seul le travail, tellement encensé par nos dirigeants, ne permet pas de vivre s'il n'est pas soutenu par un "assistanat" pourtant décrié en permanence. Or, depuis plusieurs années, ce même cercle d’"experts" à la solde du gouvernement dénigre la PPE et encense le RSA en tant que substitut au salaire minimum, avec pour objectif de transférer toujours davantage la part du coût du travail, assumé par les entreprises, vers la collectivité. L'étude du Trésor confirme la tendance.
Le Smic, un salaire féminin
Pour finir, le Trésor note que la population des Smicards est très hétérogène en raison de parcours professionnels heurtés — plus de périodes de chômage, de temps partiels : seuls 45% des Smicards sont en emploi à taux plein toute l'année —, et surtout de l'apport ou non de revenus par un conjoint (car, faut-il le rappeler, 80% des Smicards sont des femmes). Ainsi, grâce au conjoint, 30% des salarié-e-s au Smic appartiennent aux 50% de ménages ayant le plus haut niveau de vie. Les 25% les plus modestes ont un niveau de vie inférieur à 12.000 euros par an, contre 19.400 euros pour les 25% les plus "aisés".
La France, 5e puissance économique mondiale, est championne du salaire minimum (notre taux de Smicards est le plus élevé des pays de l'OCDE), et la moitié de ses salariés gagne moins de 1.600 euros nets par mois. C'est une honte.
SH
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