Acadomia, n°1 du travail dissimulé ? Le leader français du soutien scolaire semble avoir abusé d’un régime simplifié lié au statut d’auto-entrepreneur pour rémunérer ses enseignants. S’ils souhaitaient travailler, ceux-ci se voyaient imposer un contrat de «prestataire formateur». Dans le secteur éducatif, le cas Acadomia est loin d’être isolé.
«Aucun lien de subordination n’existe entre le prestataire formateur et la société», stipule le contrat de prestation de services entre Acadomia et les enseignants prestataires recrutés pour assurer des cours particuliers. L’Urssaf de Paris Île-de-France en a décidé autrement. Elle vient d’épingler le leader du soutien scolaire privé en France pour «travail dissimulé» et «salariat déguisé en sous-déclaration» de cotisations sociales, selon le magazine Challenges. Acadomia incitait ses enseignants à travailler en tant qu’auto-entrepreneur, un régime fiscal simplifié de micro-entreprise, comme nous le prouve ce «contrat de prestation de services» signé entre la société Formacad, «exerçant sous l’enseigne Acadomia», et le «prestataire formateur», en région Paca.
Une façon pour l’employeur de s’affranchir d’une partie de ses cotisations sociales patronales. L’auto-entrepreneur s’acquitte d’une TVA de 20,5% sur son chiffre d’affaires — et donc sur la rémunération que lui verse Acadomia — si celui-ci ne dépasse pas 32.000 euros. L’auto-entrepreneur touche plus d’argent à court terme. Mais pas de congés payés, ni d’indemnités chômage en cas de perte de travail. L’auto-entrepreneur s’acquitte de quelques cotisations sociales (retraite, santé), mais le taux de contribution est moins élevé que pour un salarié, et il est indexé sur le chiffre d’affaires déclaré chaque mois ou trimestre. Or, selon l’Insee, le chiffre d’affaires moyen des auto-entrepreneurs s’élève à 1.000 euros par mois.
Interrogé par le journal gratuit 20 Minutes, le directeur général d’Acadomia se défend : «Nous avions juste aidé les professeurs à s’inscrire en tant qu’auto-entrepreneurs au début du programme», a déclaré Philippe Coléon. Et justifie ces pratiques par «l’enthousiasme» suscité par ce nouveau régime.
Des enseignants devenus sous-traitants
En réalité, la société de cours particuliers à domicile faisait signer un mandat à ses «prestataires formateurs» pour qu’elle effectue en son nom l’ensemble des formalités administratives liées à l’auto-entreprenariat. Le faux salarié s’engageait alors à exercer «en franchise de TVA» et à ne pas dépasser le plafond légal des 32.000 euros de rémunération annuelle. «Le prestataire formateur conserve l’entière responsabilité de ses obligations en matière de facturation et de ses conséquences au regard de la TVA», stipule le contrat. L’auto-entrepreneur devait également choisir s’il optait ou non pour le versement libératoire de l’impôt.
«On ne s’occupait de rien, on ne nous parlait pas spécialement de l’auto-entrepreneur», affirme David, qui a dispensé des cours de soutien pour une agence marseillaise. «On nous donnait des papiers en nous disant que c’était la marche à suivre pour travailler chez Acadomia.» L’enseignant devenu sous-traitant «reste libre d’accepter ou de refuser d’effectuer une prestation. Il gère ses disponibilités en toute indépendance». Si un des articles du contrat de prestation prévoit une certaine autonomie, une clause de non-concurrence l’empêche de «proposer ses services directement aux clients présentés par la société».
À quand un contrôle Urssaf dans les universités ?
À la suite des contrôles de l’Urssaf, Acadomia assure avoir requalifié en salariés les professeurs qui assurent les cours collectifs. Soit 4% de ses effectifs estimés à 25.000 enseignants. La société versera un redressement de cotisations, comme le prévoient les articles L.120-3 et L.8221-6 du code du travail. Et la justice pénale devrait instruire le dossier pour travail dissimulé.
Ce n’est pas la première fois que «le n°1 français du soutien scolaire» est pointé du doigt. En avril 2010, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) lui avait lancé un avertissement pour avoir tenu un fichier recensant plusieurs dizaines de milliers d’enseignants et comportant des informations privées, voire des rumeurs, à leur propos. Acadomia a également exercé un intense lobbying contre la suppression de la niche fiscale accordée aux dépenses de soutien parascolaire, pouvant être déduites des impôts.
Le directeur général d’Acadomia, Philippe Coléon, se dit «l’otage» des opérations de lutte contre la fraude lancées récemment suite au boum de l’auto-entreprenariat. Le gouvernement court ainsi derrière les dérives que favorise un régime dont il est l’initiateur. Si Acadomia fait figure d’exemple, le recours abusif aux auto-entrepreneurs concerne tout le secteur de l’éducation [1]. Service public compris. Certaines universités telles que Paris-Sorbonne imposent le statut auto-entrepreneur comme condition au recrutement de certains chargés de cours. Le cas Acadomia est loin d’être isolé.
(Source : Basta!)
[1] Et pas que ça : «Recrute téléopérateur, vendeur, graphiste, livreur de pizzas, coiffeuse, maçon… sous le régime d’auto-entrepreneur.» Ce type d’annonce foisonne sur Internet. Nombre d’employeurs voient dans les deux initiales «AE» un nouveau mode d’emploi. Les avantages sont multiples : baisse des cotisations sociales, qui sont gérées par le prestataire, révocation immédiate sans procédure ni indemnités. LIRE ICI...
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