«On a vu dans le passé que les créations d'entreprises avaient tendance à augmenter lors de périodes de chômage de masse», rappelle Eric Heyer, économiste à l'OFCE. Si certains se réjouissent des 622.039 nouvelles structures recensées par l'Insee en 2010 — un "boom" de 7,2% par rapport à 2009 qualifié de "nouveau record" —, celui-ci n'est ni synonyme d'activité, ni de regain de vitalité de l'emploi, mais de bricolage...
Car derrière la quantité, c'est la qualité qu'il faut observer. Or, dans le détail, l'Insee signale que 359.699 d'entre elles — soit près de 60% du total — furent des auto-entreprises, dont on connaît les limites et les dérives. L'Institut confirme qu’«environ la moitié des auto-entrepreneurs ne réalise pas de chiffre d'affaires l'année de la création» et que la plupart d'entre eux (qui sont chômeurs, retraités ou salariés) se lancent dans l'aventure afin de dégager un complément de revenu dont la moyenne s'élève, s'ils ont déjà vendu ou facturé, à… 738 €/mois.
Et de rajouter qu’«en dehors des auto-entreprises, 87% des créations se font également sans salarié». On sort la calculette : 622.000 — 359.700 = 262.300 créations "normales", où seules quelque 31.000 se seraient dotées d'au moins un employé. Dans ces structures, précise l'Institut, on compte en moyenne trois salariés. Un chiffre dramatiquement bas et stable depuis plus de dix ans. Puis de conclure : «Du fait de la part importante d'auto-entrepreneurs parmi les créateurs de 2010, la proportion de créations sans salarié reste, comme en 2009, très élevée (95%)».
On refait le compte : 5% de 622.000 égale bien 31.100. Multiplié par une moyenne de 3 salariés, cela donne 93.300 emplois.
Les entreprises françaises naissent donc faméliques, avec un nombre total d'emplois salariés créés qui avoisine les 100.000. Une maigre performance ne pouvant, de toute évidence, résorber le retard en emplois marchands qui contribue à creuser nos mauvais chiffres du chômage et à affaiblir notre protection sociale.
Vouloir s'en sortir est une chose (et, dans un contexte de crise, se découvrir une "fibre entrepreneuriale" relève plus de l'obligation que de la vocation). Avoir les épaules solides pour offrir à l'économie nationale des entreprises fortes et pérennes en est une autre. «Plus on crée des entreprises, surtout petites, plus le risque de faillites est fort», estime Alexander Law, analyste de l'institut d'études économiques Xerfi. Même si leur nombre a reculé de 4,9% après deux années d'hécatombe, «en 2010, près de la moitié des 60.000 entreprises défaillantes sont des micro-entreprises sans salariés», confirme l'institut Altares.
Small is beautiful, pense notre gouvernement qui préfère se gargariser de miettes d'entreprises, de la même façon qu'il favorise et fait la promotion de miettes d'emplois sous-payés après avoir "fait la peau" des 35 heures. Une stratégie non seulement incohérente, mais minable et totalement néfaste à tout point de vue.
SH
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