Ne fuyons pas les termes du débat. Car les premiers mois de la présidence de François II ressemblent à la bande-son d’un monde de moins en moins caché où dominent toujours, sans vraie rupture, les heurts d’une société inhumaine, où le chômage de masse et la paupérisation galopante deviennent la marque immanente de cette situation.
L’autre jour, entre la poire et le fromage, un éminent conseiller d’un grand cabinet ministériel se lassait. «L’histoire bégaie», disait-il. En mai dernier, il nous affirmait : «La gauche ne peut pas décevoir encore une fois». Et il précisait : «Nous aurons des marges de manœuvre, c’est une obligation. Quand elle arrive au pouvoir, la gauche doit agir vite». Le même homme montrerait-il – déjà – un début de déception ? «Dans le passé, poursuivait-il, nos prédécesseurs ont toujours cherché à se battre contre la réalité et, au final, ils finissaient plus ou moins par rendre les armes. Mais, au moins, il y avait des tentatives, des bagarres et de vrais plans de relance. Là, que nous reste-t-il ? Je veux dire : que nous reste-t-il vraiment ? Sur le plan sociétal : le mariage des homosexuels. Sur le plan social : rien ou pas grand-chose, en tous les cas, trop peu de volonté de briser le mur du libéralisme en défiant les puissances de l’argent...» L’expression d’un désarroi que nous devons qualifier de sincère, croyez-nous.
Souvenirs. Faut-il prendre au pied de la lettre semblable confession et se dire que les socialistes version 2012 ne chercheront pas à faire bouger les lignes et qu’ils sont rentrés dans le rang sans même chercher le pas de côté ? Feindre l’étonnement diffuserait, pour nous, un parfum de malhonnêteté, car nous savions à quoi nous attendre durant la campagne électorale de François II. À aucun moment, en effet, il n’a promis un «plan de bataille» contre l’austérité. Tout juste avait-il consenti – et c’était important ! – qu’il renégocierait le traité européen. Résultat ? En ce domaine, le président n’a pas honoré la promesse du candidat : comment peut-on affirmer qu’il y a eu «renégociation» lorsque nous devons nous contenter d’ajouter un paragraphe sur la croissance, sans jamais remettre en question l’arsenal anti-souveraineté populaire qui le parcourt ?
Avouons, entre nous, que la scène s’est déjà déroulée à l’identique ou presque et que le scénario ne réserve aucune surprise. Dans les semaines qui viennent, le gouvernement va ainsi tenter de faire adopter par le Parlement le fameux «pacte budgétaire», clef de voûte de l’austérité à perpétuité. Souvenons-nous. Ce pacte, il n’y a pas si longtemps, était qualifié par les leaders socialistes du terme infamant de «traité Merkozy» et certains d’entre eux, devenus depuis ministres, avouaient même qu’ils préféreraient se damner plutôt que d’en accepter l’augure. Qu’en est-il aujourd’hui ? Rien ne semble leur apparaître plus important et plus urgentissime que de le faire accepter à leur électorat et à l’ensemble des Français ! Ayons de la mémoire. Cette histoire ne vous rappelle-t-elle pas Maastricht en 1992 ? Puis Amsterdam en 1997 ? Puis le traité constitutionnel en 2005 ?
Cause. Doit-on parler de dérive ou de crise d’identité du PS ? Comment raisonnablement qualifier un parti de gauche qui, sur des débats majeurs pour notre avenir, semble faire cause commune avec le capitalisme libéral ? Vous avez vu comme nous François II à la télévision, dimanche soir : pas un mot sur le traité budgétaire – et bien sûr pas une seule question de Claire Chazal sur ce sujet. Cet enjeu européen est pourtant celui qui détermine le plus l’orientation future de nos sociétés. Devant ce «courage fuyons», beaucoup parlent de «reniements», d’«accommodements» ou d’«habiletés» pour justifier le choix politique des moindres résistances.
Soyons sérieux. Combien de temps cela peut-il durer ? Réponse : tout dépendra du rapport de forces. Et de l’élan populaire qui nous entraîne tous...
(Source : La roue tourne)
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