Un des gourous américains du marketing disait, il y a quelques années : "Il faut arrêter de réfléchir en termes de marges mais plutôt en termes de prix que le consommateur est prêt à payer". Ce qui s'est avéré, puisque le grand public est prêt à payer des sommes disproportionnées pour le dernier smarphone à la mode et que les plus riches d'entre nous sont capables d'attendre des années pour se faire livrer une voiture d'exception.
Dans l'industrie électronique, on sait depuis longtemps faire travailler des sous-traitants asiatiques pratiquant de très bas salaires en investissant dans la communication et la publicité. Tout comme l'industrie textile sportive, par exemple, où le moindre maillot se négocie à 75 € et la dernière paire de basket à 140 €. Dans le monde du luxe, on entend très peu de plaintes de la part des dirigeants de LVMH, Hermes, Breitling, Rolex, Ferrari, Rolls ou Aston Martin, au sujet de la compétitivité. Dans les deux cas, des marges juteuses sont dégagées sur des produits pour lesquels les consommateurs ne discutent pas le prix, puisque la passion fait place à la raison.
Et puis, il a les achats de raison, les plus nombreux, qui sont soumis à la plus féroce concurrence. Dans ce cas le consommateur, pour des motifs bien souvent budgétaires, va faire jouer la concurrence et s'orienter vers les prix les plus avantageux ou les plus bas.
Comment les industriels français peuvent-ils répondre à cette demande de "raison" ? Pour certains, en délocalisant la production dans des pays de main d'œuvre à bas coût, et pour d'autres, en envisageant de faire participer leurs salariés à la baisse des prix de leurs produits.
Comment y parviennent-ils ? Hé bien tout simplement au travers d’"accords compétitivité-emploi" et de flexibilité accrue. Ce qui signifie que les salariés accepteraient de baisser temporairement (ce qui reste à prouver) leurs salaires, ne plus avoir d'horaire légal de travail ou, éventuellement, travailler gratis au delà des 35 heures légales.
Admettons que cette "participation" des salariés à la compétitivité de leurs entreprises permette de faire baisser le prix des produits qu'ils fabriquent. Il est plus que probable que leurs concurrents étrangers, de peur de perdre des parts de marché, demanderont des efforts identiques à leurs salariés ou chercheront tout simplement un pays encore plus accueillant au niveau des salaires et des conditions de travail. L'entreprise française se verra donc obligée de demander un nouvel effort à ses salariés, ce qui déclenchera une réaction identique des ses concurrents étrangers. Ce petit jeu pourrait continuer jusqu'au jour où les entreprises ne verseraient plus de salaire. Mais il aurait longtemps qu'il n'y aurait plus d'acheteur pour leurs produits !
Ce raisonnement qui peut paraître absurde est pourtant celui que l'on essaie de faire croire à l'ensemble des salariés. Salariés à qui on répète en boucle que ces mesures n'ont pour but que de préserver les emplois, alors que nul ne sait si les sacrifices qu'ils auront consentis donnera un avenir à leurs usines.
La réalité, c'est que le libre échange a atteint ses limites. Lorsqu'on sait que la Chine, par transferts technologiques, dispose aujourd'hui de tous les moyens intellectuels et techniques pour noyer le reste du monde de produits "achat de raison" et qu'elle est le premier sous-traitant des fabricants des produits "achat de passion", il est clair que mettre en place la spirale de baisse des salaires des ouvriers français n'a aucun sens !
En clair, Il serait nécessaire :
De revoir de fond en comble la nature des accords d'échanges entre pays adhérents à l'OMC,
De se pencher sur les trous de la passoire européenne,
D'exiger que pour exporter en Europe, les normes définies par l'Organisation Internationales du Travail (OIT) soient clairement appliquées.
C'est pas demain la veille, direz-vous ? Et c'est bien dommage, car si ces exigences ne sont pas appliquées, ce sont les seuls salariés qui payeront la folie de la compétitivité. Et, par richochet, l'économie toute entière.
Mais n'ayez crainte, cet appauvrissement progressif des salariés ne profitera pas uniquement aux éventuels consommateurs. Une partie de ce qu'ils auront cédé intégrera la poche des actionnaires qui, de toute façon, n'ont aucune envie de participer à la compétitivité des entreprises.
Quand on vous dit que la compétitivité est un leurre !
(Source : SLOVAR)
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