Mittal est un prédateur qui n'a jamais tenu ses promesses : trois ans après son OPA hostile sur Arcelor en juin 2006, les 575 salariés de Gandrange sont allés pointer au chômage [1]; quant aux 629 salariés de Florange qui luttent depuis 18 mois pour sauver leurs emplois, ils n'ont jamais vu la couleur des 330 millions que Mittal devait mettre sur la table pour rénover le site. Alors que Mittal fait de nouvelles promesses — non seulement insuffisantes, mais qu'il ne tiendra pas —, réclamant de nouvelles aides publiques en sus de celles qui a déjà perçues, alors que son groupe a distribué 2 milliards de dividendes l'année dernière, des rumeurs courent comme quoi il devrait plus d'un milliard d'euros au fisc français [2].
Nicolas Sarkozy s'est déjà fait entuber avec Gandrange. Jean-Marc Ayrault s'est fait, lui aussi, entuber avec Florange. Et les salariés avec. «Errare humanum est, perseverare diabolicum.»
Pire, l'affaire nous révèle à quel point ce gouvernement n'a aucune politique industrielle en vue. Pourtant, en attendant que «la gauche» revienne enfin aux affaires, le clan «socialiste» a eu tout le temps d'élaborer un projet novateur et ambitieux. Or, c'est comme si cette confrérie issue d'HEC et de l'ENA n'avait rien préparé. Depuis six mois, nos «socialistes» nagent en eaux troubles, donnant dans l'improvisation ou dans l'amateurisme, et appliquant des recettes éculées qui ne les distinguent pas de leur prédécesseurs.
Dans le cas de Florange, Jean-Marc Ayrault s'est donc contenté d'appliquer les principes du plan Gallois — miser sur le privé et la politique de l'offre; octroyer subventions, niches fiscales et autres effets d'aubaine en pure perte — et de céder une fois de plus aux lobbys patronaux.
Mais il n'y a pas que Jean-Marc Ayrault pour trahir les classes populaires et les idéaux du socialisme. A sa droite, on trouve des sbires comme Manuel Valls, Pierre Moscovi ou Jérôme Cahuzac, des sociaux-libéraux pur jus inspirés par le FMI et l'OCDE, qui nous dupent et nous mènent dans l'impasse. Les électeurs qui ont cru élire un gouverment «de gauche» il y a sept mois en seront pour leurs frais.
L'arnaque du CICE
Voyez un peu ce qu'il se décide autour du fameux «crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi» (le CICE, ce nouveau cadeau fiscal aux entreprises censé générer l'hypothétique création de 300.000 emplois à l'horizon 2017)... Après avoir dit le contraire, le gouvernement confirme qu'il n'y aura pas de conditions posées à son utilisation alors que les 20 milliards qu'il va coûter seront payés par tous les ménages, y compris les plus pauvres, via une augmentation de la TVA. Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, a indiqué hier qu'il était favorable à la mise en place de simples "critères d'appréciation" (et non de "conditions légales") pour évaluer après coup de son utilisation [3]. «De quoi rassurer un peu plus les entreprises qui s'inquiétaient d'éventuelle contreparties rendant le dispositif trop complexe», écrit L'Expansion.
Alors qu'entre niches fiscales, sociales et autres «dispositifs dérogatoires», l'Etat offre plus de 170 milliards d'euros par an aux entreprises — surtout les plus grosses — soit 9% du PIB sans réelles contreparties sur l'emploi et l'investissement, l'impact de ces aides publiques étant pour la plupart inévalué ! A titre de comparaison, pour mériter ses 400 euros mensuels, le chômeur en fin de droits qui touche le RSA doit, lui, constamment justifier ses ressources et son train de vie.
Où est passée la volonté du candidat Hollande de rétablir une justice fiscale et sociale qui mettrait à nouveau les plus riches à contribution ? Qu'est devenu l'homme qui disait «Mon ennemi, c’est la finance» et refusait l'austérité ? Flamby/Holllandréou va de reculades en reniements et à ce rythme, la moitié de son programme initial va passer à la trappe : une vaste duperie qu'il finira par payer.
Avec Hollande, la seule chose que les chômeurs et les pauvres ont gagné, c'est un répit dans la stigmatisation et l'insulte. Mais c'est tout.
SH
[1] Même topo en Ukraine où Mittal licencie à tout va. Sans oublier la Belgique, le Luxembourg et l'Espagne où Mittal a fait des ravages. Lakshmi Mittal, c'est un peu Attila, roi des Huns : là où passe son cheval, l'herbe ne repousse pas.
[2] Un peu comme Amazon : contre une poignée d'emplois précaires et/ou mal payés, le groupe américain va largement bénéficier des subsides de l'Etat vache-à-lait et des collectivités locales alors que son chiffre d'affaires est en progression constante… et que l'administration fiscale lui réclame près de 200 millions d'euros, à l'instar d'autres multinationales championnes de l'optimisation fiscale présentes sur le territoire français.
[3] Deux autres choses à savoir sur le CICE :
• ce crédit d'impôt, qui est fonction de la masse salariale donc bénéficiera aux plus grosses, arrosera sans discernement l'ensemble des entreprises françaises : pour 1% de celles qui exportent réellement (et pour les 2% espérées demain), un chèque en blanc de 20 milliards sera signé aux 98% qui n'exportent pas (et n'exporteront sans doute jamais);
• de plus, l'impact du CICE sera le plus favorable au secteur des services aux particuliers, dont les emplois, eux aussi précaires et mal payés, sont pourtant peu délocalisables et relativement bien protégés de la concurrence internationale...
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Commentaires
L'homme politique préféré de la bien-pensance n'est ni François Fillon, ni Jean-François Copé, ni Jean-Louis Borloo, ni Nicolas Sarkozy. Non, celui qui est devenu la référence obligée, c'est Gerhard Schröder, l'ex-chancelier social-démocrate d'Allemagne.
Franz-Olivier Giesbert, le patron du Point, s'en inspire chaque semaine pour affirmer que François Hollande, au mieux, n'en sera que la pâle copie. Dans Les Echos, Bruno Le Maire, ancien ministre UMP, dit du pacte de compétitivité : «Le compte n'y est pas… François Hollande ne sera pas le Gerhard Schröder français.»
Un autre ex-ministre, le député UMP Pierre Lellouche, affirme dans La Croix : «François Hollande pourrait être le Schröder français, celui qui poursuit les réformes structurelles partiellement engagées par la droite et, finalement, réalise enfin l'aggiornamento idéologique de la gauche française.» Quant à Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L'Express, il a trouvé un autre héros en la personne de… Tony Blair, dont il rapporte cette docte pensée : «La gestion de l'économie n'est ni de gauche ni de droite. Ce qui compte, c'est ce qui marche.» Pour ceux qui l'auraient oublié, cette complainte était déjà en vogue à l'époque du sarkozysme triomphant.
Tony Blair ou Gerhard Schröder, c'est rose bonnet et bonnet rose. Nonobstant leurs différences, tous les deux viennent de la gauche sociale-démocrate ; tous les deux ont mis en place des politiques inspirées de l'orthodoxie néolibérale ; tous les deux ont mené leurs partis respectifs à la déroute électorale ; enfin, tous les deux ont été récompensés de leurs louables efforts en se recyclant, l'un (Blair) dans le conseil aux grands de la finance et les conférences à prix d'or, l'autre (Schröder), en entrant à la direction du groupe Gazprom, qui est à la transparence ce que Vladimir Poutine est à l'éthique.
Ces itinéraires postpolitiques devraient prémunir contre tout hommage appuyé à ces deux astres perdus de la social-démocratie européenne. Mais ceux qui les encensent ne font pas dans le détail moral. L'important, à leurs yeux, est que les deux hommes aient fait le «sale boulot» en achevant ce que les conservateurs dorés sur tranche avaient initié.
En ces temps de crise systémique et de chamboule-tout idéologique, il est logique de s'inspirer de personnages ayant marqué l'histoire de leur empreinte. On pourrait, par exemple, se réclamer d'un Roosevelt, qui sut affronter les puissances de l'argent pour initier le New Deal, ou du général de Gaulle, qui sut dire non quand l'élite de l'époque sombrait dans le «lâche soulagement» évoqué par Léon Blum après la signature des accords de Munich.
Il est significatif qu'à ces deux noms on préfère désormais un Schröder qui symbolise la prééminence du surmoi néolibéral imprimant l'inconscient social-démocrate. Que les petits télégraphistes de la droite en fassent leur nouveau dieu, cela peut se comprendre. Que certains, à gauche, aillent parfois jusqu'à s'en réclamer, c'est plus étrange, sauf à penser que la tactique suprême consiste à crier victoire après avoir marqué un but contre son camp.
www.marianne.net/La-gauche-telle-qu-ils-la-revent_a224651.html Répondre | Répondre avec citation |
Surprise : un laborieux épluchage de chiffres par le New York Times démontre que les preneurs d’otages ne sont pas les vilains syndicalistes mais les gentils «créateurs de richesse», vous savez, les entreprises… Le NYT a mené l’enquête pendant 10 mois et fait les comptes : les États, les comtés et les villes accordent 80 milliards par an en avantages fiscaux aux entreprises qui menacent de se délocaliser à l’étranger. Tous les secteurs en bénéficient, y compris les conglomérats pétroliers, les entreprises high-tech, l’industrie du spectacle, les banques et les grandes chaînes de restauration. Le coût de ces aides est impossible à estimer car elles proviennent de milliers de collectivités, et on ne sait pas combien d’emplois sont vraiment créés, et combien l’auraient été sans elles.
cafemusique.wordpress.com/2012/12/02/createurs-de-richesse/
Ça se passe aux USA mais en France, c'est pareil ! Répondre | Répondre avec citation |
Elle résume tout. Répondre | Répondre avec citation |
Ces 2 écoles (science po aussi) n'acceptent en leur sein – parmi les prétendants économiquement et socialement « éligibles » évidemment – que ceux qui, s'ils étaient capables d'imagination et de créativité avant d'y postuler, renient leur intelligence et acceptent la lobotomie que constitue l'"enseignement" qui y est prodigué. En sortie, ce sont d'authentiques pantins chargés d'appliquer des schémas et process politiques et économiques "clé en main".
Les uns à la suite des autres, ils font tourner les packages de mesures mis à leur disposition, tel un manager de grande surface qui exécute les protocoles qu'on lui a inculqués.
Tout ce beau monde se refuse tout simplement à penser, réfléchir, ce qui impliquerait de prendre ses responsabilités . La politique est un métier ingrat par nature, or on en a fait un secteur très rentable. Les politiciens et les journaleux font une bien belle paire. Répondre | Répondre avec citation |
Donc ils soignent les riches et ils les ménagent.
Par ailleurs, le politicien professionnel a surtout un rôle de représentation : ils ne décident plus de grand chose.
Ma proposition pour "rénover" la vie politique est de plus en plus d'actualité:
Parisot premier ministre, présidente de la république et virons tous les autres (supprimons l'assemblée nationale, le Sénat… et trouvons un poste à Ayrault dans une banque pour le remercier pour services rendus au patronat)
Au final, on ne verra pas la différence et si Parisot distribue des bons cadeaux à nos concitoyens ils l'applaudiront et ne penseront plus à lui demander comment cela se fait-il qu'elle dirige le pays avec ses amis sans avoir été élue. Répondre | Répondre avec citation |
tempsreel.nouvelobs.com/france-la-crise-sociale/20121206.OBS1720/mittal-vient-de-prouver-au-gouvernement-qu-il-est-dans-le-mensonge.html
Ayrault est une fois de plus discrédité, et les syndicats l'attendent au tournant.. Répondre | Répondre avec citation |
alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2012/12/09/bilan-premier-semestre-desastreux-mais-coherent/ Répondre | Répondre avec citation |