Tels sont les résultats du Baromètre 2012 de la cohésion sociale commandé par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), réalisé par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) et paru ce mardi. Comment expliquer un tel décalage ?
Les hauts revenus, «très bien intégrés»
Huit personnes interrogées sur dix considèrent que la cohésion sociale n’est «pas très forte», voire «pas du tout forte». L’image d’une société fragmentée, individualiste et où les rapports sociaux se délitent, domine les représentations d’un bout à l’autre du corps social. La crise économique a tendance à amplifier ce sentiment.
Pourtant, lorsqu’on les interroge sur leur situation personnelle, 88% des individus déclarent se sentir «bien intégrés» dans la société française, 51% disent même être «très bien» intégrés.
Le Crédoc avance trois éléments d’explication :
• il est plus aisé de dénoncer les lignes de failles de la société dans son ensemble que d’avouer une situation personnelle insatisfaisante ;
• chacun a sa propre définition de l’intégration et juge l’autre en fonction de cette définition ;
• surtout, le sentiment d’intégration est très inégalement réparti : les personnes touchant de bas revenus et les chômeurs sont beaucoup moins nombreux — à peine plus de 30% — à se sentir «très bien intégrés» que les cadres ou les personnes qui perçoivent de hauts revenus (plus de 60%).
On reçoit moins ses amis
Parmi les 88% de ceux qui «se sentent intégrés», un quart déclarent l’être parce qu’ils «ont un réseau relationnel». Cela concerne particulièrement les amis, les voisins, une communauté… avant la famille. Même si ce lien social se trouve affecté cette année : la proportion d’individus (74%) recevant régulièrement des amis a ainsi baissé de 4 points en un an.
La participation associative, autre marqueur de l’investissement social, diminue elle aussi (39%, moins 3 points en un an).
«Les Français attendent beaucoup du travail»
Un quart déclarent aussi se sentir intégrés parce qu’ils «ont un travail». En cause :
• la stabilité que cela apporte,
• l’assise financière,
• le réseau social,
• l’épanouissement personnel, etc.
Ce dernier élément reste une spécificité française. Les sociologues Dominique Méda et Lucie Davoine ont mené une étude européenne sur le rapport au travail et les Français se montrent particulièrement attachés à leur emploi. Parce qu’ils craignent de le perdre, le taux de chômage étant élevé en France et l’emploi précaire répandu, mais surtout, répond Dominique Méda, «les Français attendent beaucoup du travail, plus que dans les autres pays européens. Ils veulent s’y accomplir, y exprimer leurs compétences, et pouvoir être fiers de leur métier. C’est pourquoi ils s’y investissent tant. Les Anglais ne sont pas du même avis, par exemple. Ils considèrent davantage le travail comme une “routine”, moins comme une possibilité de s’épanouir».
Une «obligation subie» pour les ouvriers
Tous les métiers ne sont cependant pas concernés de la même manière, poursuit la sociologue : «Travailler permet d’occuper une place dans la société, d’y jouer un rôle en participant à la fabrication d’un produit, à la vente d’un service, au soin d’un patient, etc. C’est l’une des raisons invoquées par les Français pour expliquer leur attachement au travail, mais surtout dans certaines professions. Les enseignants, les travailleurs sociaux et les personnels soignants sont les plus nombreux à considérer leur métier comme utile, et comme une vocation, tandis que les ouvriers et les employés du privé le vivent plus comme une obligation subie.»
L’enquête du Crédoc le confirme : les ouvriers — pas ou peu représentés en politique ou dans les médias alors qu'ils constituent, avec les employés, plus de la moitié du corps social — se sentent plus souvent à l’écart de la société que les cadres et les professions intellectuelles supérieures.
Les 60-69 ans, au top
Interrogés sur ce qui contribue à leur sentiment d’intégration, les jeunes citent beaucoup moins l’emploi que le reste de la population (seuls 17% y font référence, contre 26% en moyenne dans la population). Et pour cause : 48,7% des 15 à 24 ans qui travaillent occupent un emploi précaire (intérim, CDD, stage ou apprentissage) contre 11,7% en moyenne dans la population active, selon l’Insee. Résultat : les 18-24 ans se sentent ainsi nettement moins bien insérés (seuls 39% se disent «très bien intégrés») que l’ensemble de la population.
En revanche, après une vie active, le sentiment d’intégration culmine entre 60 et 69 ans, selon le Crédoc.
(Source : Rue89)
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