On savait qu’elle manquait de moyens, d’effectifs, de pouvoirs. Voilà que l’Inspection du travail est menacée par un projet de réforme qui mettrait à mal sa dimension de service public, son rôle de recours, de rempart, de bouée de sauvetage, pour les salariés et les syndicalistes qui la saisissent. C’est ce qui ressort de la lecture d’une note interne de la hiérarchie que le syndicat CGT de Gironde a récupérée et diffusée début février, provoquant un grand émoi parmi ses agents qui y voient confirmées, noir sur blanc, leurs craintes d’une casse de leur métier. Alors que le ministre du Travail, Michel Sapin, a annoncé, l’été dernier, une réforme du «système» d’inspection, prétendant la construire par un grand dialogue avec les agents à coups de séminaires et de groupes de travail toujours en cours, l’affaire révèle que les grands axes du projet — le plus réactionnaire de ces dernières années — sont fixés depuis longtemps.
Rédigé dans un style cash
Intitulé «Éléments de réflexion sur la réforme de l’Inspection du travail», le document de quatre pages a été rédigé en juin dernier par la direction régionale (Direccte) d’Aquitaine, et distribué fin janvier aux directeurs locaux. Dans un style cash, puisque destinée à un usage interne à la hiérarchie, la note établit un diagnostic des difficultés des services liées aux restructurations et au manque d’effectifs, avant d’avancer des «propositions» qui bouleverseraient à la fois son organisation et sa finalité. L’objectif est résumé en une formule : la direction générale du travail (DGT) doit «assumer l’aspect descendant», terme sibyllin qui renvoie à un conflit traversant l’institution depuis plusieurs années.
Traditionnellement, l’activité des agents est guidée par la réalité du terrain. Compétents sur un secteur géographique, un inspecteur et deux contrôleurs en connaissent les entreprises, reçoivent les salariés et les syndicalistes qui les alertent sur des situations rencontrées au travail, ce qui oriente leurs choix de contrôles et d’interventions. Mais, depuis 2006, le ministère a introduit une logique tout autre, «descendante» donc, dans laquelle il impose aux agents des campagnes de contrôle ciblé sur des secteurs ou des thèmes avec, en outre, des objectifs chiffrés qui vont déterminer l’attribution de parts de primes pour chaque agent. Si ce fonctionnement a été largement boycotté par les intéressés, qui le jugent inefficace pour améliorer la situation des salariés et pathogène pour eux-mêmes, le projet de réforme veut le pousser jusqu’au bout. La note précise ainsi que l’activité serait organisée «en fonction d’un plan de contrôle prévisionnel» fait de campagnes qui «devront représenter au minimum 50% de l’activité des agents, voire 75%», au détriment de la réponse à la demande des usagers. La note prévoit aussi la création d’inspecteurs spécialisés dans des domaines jugés prioritaires ou sensibles comme l’amiante, les transports, mais aussi les conflits et les plans sociaux.
Une manière de mettre fin à l’autonomie des agents
En lien avec cette réorientation, la note préconise la «disparition du découpage actuel des sections d’inspection» au profit d’un «périmètre départemental». Une manière de résoudre le problème de la pénurie de moyens et d’effectifs, notamment de secrétaires, en les mutualisant au niveau départemental. Mais il s’agit aussi de mettre fin à l’autonomie des agents dans leur section pour les placer directement sous la coupe des directeurs, qui pourraient plus facilement leur imposer des axes de travail, leur donner ou leur retirer des dossiers, avec le risque de porter atteinte à leur indépendance, garantie par la convention 81 de l’OIT.
(Source : L'Humanité)
Pour en savoir plus...
• Le cri d'alarme de Gérard Filoche
«Il s’agit tout simplement de l’assassinat de l’Inspection du travail indépendante telle qu’elle existe depuis la seconde guerre mondiale. Et le coup vient d’un gouvernement de gauche», dénonce-t-il.
• Qui défendra l'Inspection du travail ? (Le Monde diplomatique)
Une histoire de cette institution et des attaques qu'elle a subies, de sa création à aujourd'hui.
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