En dépit de son expérience jusqu'alors limitée en matière économique et sociale, ou peut-être grâce à elle, Dominique de Villepin confirme mois après mois combien il aborde ces sujets sans tabous et sans préjugés. Avec l'obsession d'avoir des «résultats», et d'abord sur l'emploi. Il l'avait montré dès son arrivée à Matignon avec l'annonce du contrat nouvelles embauches (CNE), mesure phare de son premier plan emploi. Après l'été, il en a fourni une nouvelle preuve avec sa réforme de l'impôt sur le revenu et l'instauration du bouclier fiscal pour les contribuables fortunés. Et, à l'automne, il l'a encore confirmé avec l'ouverture du capital d'EDF et l'apprentissage à quatorze ans. A chaque fois, des ajustements ? Non, des petites révolutions !
Le second plan pour l'emploi présenté hier n'a pas à rougir de ces précédents. Le Premier ministre a annoncé des mesures audacieuses pour s'attaquer aux deux maux dont souffrent les jeunes : un taux de chômage élevé ; une situation qui fait qu'à force d'enchaîner les stages, les petits boulots et les CDD, un jeune ne l'est plus depuis longtemps quand il trouve un poste stable. La principale disposition est évidemment le «contrat première embauche» qui permettra aux entreprises de toute taille d'embaucher des moins de 26 ans avec une période d'essai de deux ans.
Hormis quelques protections supplémentaires, ce contrat ressemble comme un frère au CNE. La rupture est donc réelle avec la longue série de plans pour les jeunes qui se sont succédé depuis celui de Raymond Barre en 1977. Lesquels ont toujours été caractérisés par des coups de pouce financiers aux entreprises quand la droite gouvernait et des emplois publics quand la gauche était au pouvoir. Cette fois, il n'est pas question d'un emploi subventionné. Il s'agit d'un assouplissement conséquent du droit du travail dont le but est de lever les verrous psychologiques à l'embauche.
Dès hier, les syndicats ont dénoncé ce projet, au motif qu'il «généralisera la précarité» en ouvrant une nouvelle brèche dans le contrat à durée indéterminée. Sur la forme, ils ont raison de protester : les partenaires sociaux auraient dû être consultés. Sur le fond, leur appréciation est quelque peu hypocrite. Le CPE n'est certainement pas l'idéal auquel peut rêver un jeune et il sera moins avantageux que le CDI. Mais cette comparaison n'a pas de sens puisque l'accès à celui-ci est totalement virtuel. Le nouveau contrat représentera peut-être à l'inverse une avancée par rapport à la situation actuelle. A une condition : que les entreprises fassent, elles aussi, un pas en avant et corrigent certaines de leurs pratiques abusives.
Si l'on ajoute la création du CDD seniors et l'annonce par Dominique de Villepin d'une réflexion globale sur le contrat de travail et même les 35 heures, le droit social apparaît en tout cas bel et bien en chantier. Jusqu'où celui-ci ira-t-il ? Le chef du gouvernement espère sans doute que les messages envoyés aux syndicats ces derniers jours sur la sécurité sociale professionnelle et la réforme des cotisations patronales - au risque que l'ensemble ne soit pas très lisible - lui épargneront des tracas. Il surveillera en revanche de plus près les réactions des étudiants. Parce que ce sont eux qui, en 1994, avaient obtenu le retrait du CIP, un contrat spécifique pour les jeunes proposé par Edouard Balladur. Et parce qu'ils seront des électeurs bientôt courtisés.
Articles les plus récents :
- 23/01/2006 20:42 - Renforcer les sanctions contre le travail illégal
- 23/01/2006 18:01 - Baisser la TVA dans la restauration est un non-sens économique
- 23/01/2006 17:50 - Précarité : le "modèle espagnol"
- 22/01/2006 16:58 - Plan social SEB : l'angoisse et la colère
- 20/01/2006 17:27 - Sarkozy veut des maires "patrons" de la lutte anti-délinquance
Articles les plus anciens :
- 16/01/2006 17:36 - La Justice autorise les licenciements préventifs
- 16/01/2006 17:13 - Les coulisses du «miracle britannique»
- 15/01/2006 16:38 - De Villepin veut étendre le CNE aux moins de 26 ans
- 12/01/2006 19:38 - Baisse du chômage : les raisons d'y croire du DG de l'ANPE
- 12/01/2006 03:57 - Chacun se renvoie la balle sur la dette publique