Instabilité du Code du travail, nouvel épisode ? Jusqu'à présent, les entreprises en difficulté n'étaient autorisées à engager des licenciements économiques qu'en dernier recours, une fois confrontées à de réelles difficultés financières. Un arrêt de la Cour de cassation qui doit être rendu public aujourd'hui modifie la donne. Révélé par Le Monde, cet arrêt autorise désormais les entreprises à engager des licenciements «préventifs». Selon la Cour de cassation, des réorganisations pourront ainsi être engagées «pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences pour l'emploi, sans être subordonnées à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement».
Pour comprendre comment la Cour de Cassation a rendu cet arrêt, il faut remonter à 2001. Face à la montée en puissance d'Internet, la société Pages jaunes engage une réorganisation de ses services et propose une baisse de rémunération à 930 de ses commerciaux dont 118 refusent. Bien que rentable, la filiale de France Télécom les licencie. L'affaire est portée devant les tribunaux et c'est avec cet arrêt de la Cour de cassation, appelé à faire jurisprudence, qu'elle s'achève.
Une victoire pour les entreprises ? Pas sûr. A en juger du moins par les avis divergents des spécialistes du droit social sur la portée de cet arrêt. Si certains y voient une plus grande liberté accordée aux entreprises pour licencier, ouvrant la voie aux «licenciements boursiers», d'autres en revanche expriment un avis complètement opposé. Et voient dans cet arrêt une volonté de la Cour de cassation d'inscrire la jurisprudence dans le prolongement du volet licenciement économique de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005.
Pour éviter que les entreprises se retrouvent brutalement confrontées à des difficultés économiques qui les amènent à mettre en place un plan social dans l'urgence, cette loi les oblige à engager des négociations tous les trois ans sur la gestion prévisionnelle des effectifs. Objectif : permettre aux salariés de se reconvertir. La loi a ainsi créé une convention de reclassement personnalisée (CRP) dont peuvent bénéficier tous les salariés des entreprises de moins de 1.000 personnes licenciés pour raison économique. En vigueur depuis le 1er juin dernier, cette CRP prévoit un accompagnement personnalisé du salarié licencié et une indemnisation plus élevée que l'assurance-chômage habituelle.
En rendant son arrêt, la Cour de cassation aurait donc voulu s'inscrire dans cette logique d'anticipation des difficultés pour accompagner la reconversion des salariés menacés.
Reste qu'en autorisant les entreprises à licencier en prévision de difficultés économiques, cet arrêt risque de provoquer la polémique. Et notamment du côté syndical où cette question des licenciements économiques constitue un sujet hautement sensible.
(Source : Le Figaro)
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