Alors que le Contrat Première Embauche provoque la colère conjointe des étudiants, des syndicats et de la gauche réunis, le quotidien britannique Times se demande "Qui peut encore oser essayer de réformer la France ?". Vue de Grande-Bretagne, la mobilisation anti-CPE suscite "des sourires entendus : on s'attend à ce qu'il y ait en France régulièrement des grèves ou des soulèvements d'étudiants, ça fait partie du fonctionnement du pays", commente Tony Travers de la London School of Economics and Political Science.
A cela Nicolas Tenzer, le président du CERAP (Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique) répond que le Premier ministre Dominique de Villepin s'est surtout "trompé de méthode" en croyant pouvoir imposer "dans l'urgence" le CPE au nom de la lutte contre le chômage. "Dans son élan optimiste, Villepin a mal apprécié la situation de la jeunesse. On touche au plus délicat parce qu'il s'agit des jeunes, de l'avenir, mais les jeunes et leur angoisse sont toujours sous-estimés par les hommes politiques", dit-il. Selon lui, la France souffre "d'un défaut de stratégie à 5 ou 10 ans, parce qu'il y a un déficit d'idées" des dirigeants politiques, lié entre autres à un manque de centres de réflexion indépendants à l'image des fameux "think-tanks" anglo-saxons.
Le politologue Dominique Reynié, chercheur au CEVIPOF (Centre d'études de la vie politique française) et professeur à Sciences Po, estime que CPE est apparu aux Français "comme la réforme de trop alors qu'approchent les élections présidentielles de 2007". De plus, "le projet a été mal présenté : on a parlé d'un dispositif visant les étudiants, alors que le coeur de cible était les jeunes sans diplôme". Il souligne que la vive opposition au CPE ne doit pas faire oublier que la France "a réussi un certain nombre de réformes récemment", dont celle des retraites en 2003.
"Il faut lutter contre cette image qu'on ne peut pas faire de réformes en France : on peut, mais à condition de dire la vérité. Il faut assumer un discours churchillien", explique Jean-Luc Parodi, directeur de recherche au CEVIPOF et politologue à l'IFOP. Or le gouvernement a fait exactement le contraire avec le CPE en présentant "comme une amélioration une mesure qui est en fait clairement une mesure d'austérité et un recul par rapport à la situation précédente".
Plus largement, le politologue Stéphane Rozès, de l'institut de sondages CSA, juge que "ces dernières années", la France n'a plus de "projet national" et que "les politiques ont fait de Bruxelles le bouc émissaire de nos problèmes". Ce qui a pour grave conséquence que "le pays n'arrive pas à se projeter" dans un avenir européen qui passe par des réformes.
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