Le ministre délégué à l'emploi souhaite "donner de nouveaux moyens" à l'Inspection du Travail, aujourd'hui composée de 1.400 inspecteurs et contrôleurs pour 2,5 millions d'entreprises employant 15 millions de salariés…
Ce plan - un peu dérisoire - comporte "trois axes principaux d'intervention" :
• La mise en place d'un "travail en réseau" avec la création d'un "service central de l'animation territoriale" qui dotera les sections de l'Inspection du Travail d’"un appui documentaire, juridique et méthodologique". Est également prévue "la généralisation de cellules d'appui spécialisées en santé au travail" et "une expérimentation pilote" départementale visant à coordonner l'action des Inspecteurs du Travail et des inspecteurs du ministère de l'Agriculture.
• L'organisation une "programmation pluriannuelle des contrôles s'attachant à cibler les priorités nationales de l'action publique" et un "renforcement des sanctions administratives (...) afin de donner aux agents les moyens d'action et de dissuasion nécessaires dans l'exercice de leurs missions".
• La création de "700 postes d'ici 2010 à l'Inspection du Travail" : 240 postes d'inspecteurs, 420 de contrôleurs et 40 d'ingénieurs et médecins, ce qui est très insuffisant. Est promis un "effort particulier" pour la formation initiale et continue de ces inspecteurs et contrôleurs.
Malgré toute la bonne volonté, le combat demeure inégal. C'est, comme d'habitude, l'investissement humain qu'on néglige...
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Commentaires
par Stéphanie PLATAT pour Libération.
La sculpture sur bois représente deux mains serrées : l'une avec une manchette et l'autre portée par un bras nu. La main du patron et celle de l'ouvrier. Un symbole incrusté dans la barre du conseil des prud'hommes de Toulouse. Lionel, la quarantaine, s'avance vers le tableau et les quatre conseillers prud'homaux. Les juges tirent vers les 60 ans. Ils portent le costume, la cravate pour certains, et fièrement la médaille à la Marianne dorée avec le ruban bicolore rouge et bleu. Deux représentants employeurs, et deux salariés. Le président ce jour-là est issu du monde salarié. Lionel demande l'annulation de son licenciement et les indemnités qui vont avec. Embauché en 1997 dans une entreprise de sous-traitance informatique, il en a été viré en septembre 2000. Cela fait six ans. Six ans de procédure et renvois. Et il n'aura la décision que fin avril.
Le conseil des prud'hommes fête ses 200 ans d'existence (le premier a été créé à Lyon le 18 mars 1806) ; ils sont actuellement 270 dans toute la France. «C'est une juridiction qui a montré sa nécessité et continue de prouver sa pertinence», affirme Philippe Masson, responsable du secteur droits et libertés à la CGT. Sauf qu'aujourd'hui la prud'homie est une vieille dame désargentée. Elle ne court plus, elle déambule, au ralenti.
13,6 mois par affaire. Brigitte Munoz-Perez, expert démographe, responsable de la cellule études et recherches à la direction des affaires civiles et du sceau, et Evelyne Serverin, directrice de recherches au CNRS, ont étudié les évolutions de la justice prud'homale de 1993 à 2003. 215.000 demandes ont été formulées en 2003 contre 224.000 en 1993. Un démenti du refrain patronal sur la judiciarisation des relations de travail. Problème, les conseillers prennent davantage de temps pour prendre une décision au fond. En moyenne, quinze jours de plus par an, ce qui monte les délais à 13,6 mois par affaire. D'où l'engorgement des conseils, certains même au bord de l'explosion. «On ne peut pas sortir de jugement. On est à la rue !» tonne Gérard Saint-Aubain, le président du conseil de Toulouse. Ce sixième conseil de France a connu 25% d'affaires en plus depuis 1995, expansion économique oblige. «C'est un peu lourd, explique Gérard Saint-Aubain, d'autant plus que le nombre de nos fonctionnaires n'a pas bougé depuis vingt ans !» Alors que l'organisme gérant les affectations leur a accordé 19 postes, ils ne sont que 17 greffiers à Toulouse, chiffre qui pourrait tomber à 14, selon le président, au vu des départs annoncés. «J'ai parfois l'impression d'aller négocier comme dans ma taule, explique Gérard Saint-Aubain, de devoir tendre la main.» Il a fait les comptes, sa section «commerce» tient 42 sessions dans l'année, il lui en faudrait au moins 52. Et encore, le conseil dispose de deux chambres pour le commerce. Il a reçu l'autorisation d'ouvrir une nouvelle salle pour les activités diverses en 2002, mais il n'en a pas eu les moyens. Trois salles d'audience en tout à Toulouse, les salles des Lois, des Arts et du Capitole. «C'est comme dans une grande surface, explique le président toulousain, où il y aurait 30 caisses mais seulement 3 d'ouvertes. C'est la file d'attente, et les caissières font le boulot comme elles peuvent.» La prud'homie est la dernière roue du carrosse de la justice en France. «Depuis début 2006, la répartition du budget entre les juridictions a été confiée au premier président de la cour d'appel, détaille Philippe Masson, et vu l'air du temps ce sont les juridictions répressives qui touchent le plus, pas la prud'homie.» Résultat : «Tu es obligé de faire en fonction du personnel et tu fais attendre les gens», reprend Gérard Saint-Aubain. Les délais nationaux, sans compter la possibilité de départage (en cas de désaccord entre les conseillers), d'appel et de cassation dépassent un an.
Déni de justice. Le conseil de Bourgoin-Jallieu (Isère) est dans les clous avec un an d'attente. «Nous sommes un petit conseil, justifie Marie-Jeanne Goze, syndiquée CFDT, vice-présidente, ce n'est pas le même rythme à Lyon ou Grenoble.» A Toulouse, le salarié attend en moyenne seize mois. Et l'Etat vient de se voir condamné par le tribunal de grande instance de Nanterre pour déni de justice, en ayant fait poireauter vingt-cinq mois un employé au conseil de Nanterre. Du côté des avocats, le temps laissé «permet de faire mûrir l'affaire et d'étudier toutes les pistes», explique Christine Vaysse-Lacoste, avocate au barreau de Toulouse. Mais, pour le président du conseil, ce n'est pas acceptable. «Suivant le pays où l'on est, on doit avoir le même service. Elle est où l'égalité entre tous les hommes là ?» A Toulouse, 70% des décisions donnent gain de cause aux salariés. «Et on est confirmé en appel, ce qui prouve que les types ont raison d'attaquer.» Raison de plus aussi pour essayer de réduire l'attente de ces mêmes salariés. Le conseil de Bourgoin-Jallieu a dédié une journée complète à l'audience de conciliation, «pour discuter vraiment et essayer de trouver un accord pour ne pas passer en jugement», explique Marie-Jeanne Goze. Ailleurs, la conciliation est souvent réduite à une chambre d'enrôlement. «Près de la moitié des instances ne se terminent pas par des jugements», note Philippe Masson, qui pointe le découragement des salariés comme explication à cet échappement. Et ça ne risque pas de s'arranger avec les nouveaux contrats de travail de Villepin, attaquables eux aussi. Des abus ont déjà été condamnés. «On commence à voir des saisines en conciliation, explique le président toulousain. Le principe d'exigence d'un motif de licenciement est établi par l'Organisation internationale du travail et la charte sociale révisée du Conseil de l'Europe. En dernier ressort, les salariés peuvent plaider que les hommes naissent libres et égaux en droit. Dans le CNE et le CPE, le principe d'égalité a disparu.» Pas de risque donc de voir les conseils prud'homaux se vider pour cause de généralisation de CNE-CPE. «Il faut penser qu'un avocat a une imagination telle qu'il peut tout attaquer. C'est une occasion nouvelle de gamberger», confirme Jean-Louis Matheu, bâtonnier à Toulouse, avocat spécialisé dans le droit social, côté patronat. «En vingt ans, le juge prud'homal a fait avancer le droit. Il ne faudrait pas que ça régresse, prévient Gérard Saint-Aubain, c'est une justice du milieu faite par le milieu, c'est en ça que c'est irremplaçable. Si on avait en plus les moyens, ce serait un outil formidable.» Répondre | Répondre avec citation |