Partout on ne parle que du Contrat Première Embauche. C'est mieux que rien, me direz-vous… Pourtant le CPE, réservé aux jeunes et à tous les types d'entreprises - y compris celles qui ne sont absolument pas en difficulté -, n'est que l'extension du CNE.
Le Contrat Nouvelle Embauche est, lui, réservé à tous les âges, et même s'il ne se destine qu'aux entreprises de moins de 20 salariés, celles-ci représentent 96% des employeurs français. D'ailleurs, les premiers résultats du CNE depuis août dernier démontrent que ses bénéficiaires sont étonnamment jeunes - 44% ont moins de 25 ans - et ont de bas niveaux de qualification - 78% n'ont pas le Bac - selon un sondage IFOP-Fiducial publié le 15 février, où seuls 29% des dirigeants des très petites entreprises interrogés affirment qu'ils ont créé de l'emploi grâce à ce nouveau contrat. Dans leur récente évaluation économétrique, les économistes Pierre Cahuc (Paris I, CREST) et Stéphane Carcillo (Paris I, CNRS) ont même estimé que le CNE ne va générer qu'un maximum de 70.000 créations nettes d'emplois d'ici à fin 2008, ce qui est dérisoire au regard des quelque 303.900 intentions d'embauches répertoriées jusqu'ici par l'ACOSS (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale).
Mais le CNE est passé comme une lettre à La Poste ! Bien molle et dispersée fut la riposte : une journée nationale d'action le 4 octobre dont on connaît le glorieux impact, des recours devant le Conseil d'Etat et le BIT… et basta.
Il est heureux qu'aujourd'hui, à travers le CPE, on pointe enfin l'inconstitutionnalité de ce type de contrat : discriminatoire, illégal, anti-républicain… et instrument prétexte de lutte contre le chômage. Mais pourquoi les politiques et - surtout - les syndicats ont-ils mis tant de temps pour réagir face à cette escroquerie intellectuelle ? Car c'est bien contre le CNE qu'il fallait d'abord, fortement, unanimement, se dresser ! Maintenant que la brèche est largement ouverte, bien malin est celui qui prétend qu'on pourra, d'un claquement de doigts, revenir en arrière...
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Commentaires
Cela fait toujours plaisir de voir que la "France qui rampe" a parfois quelques petits sursauts de fierté à l'entrée de l'abattoir !
BAROUD (d se prononce) n. m. XXe siècle. Mot chleuh, dialecte berbère du Maroc.
Argot militaire. Combat. Aller au baroud. Un baroud d'honneur, combat qu'on livre sans espoir de vaincre, mais pour témoigner de sa fidélité à une cause ou à soi-même.
Dictionnaire de l'Académie, 9ème édition.
Chaque fois que des personnes décident de lutter contre des lois injustes qui, au lieu de les protéger, les placent délibérément en position de faiblesse, je me réjouis. Car cela va dans le sens d'une politique citoyenne. Même si cela signifie précisément que les voies d'expression démocratiques normales ne sont plus pratiquables et que cela est préoccupant. Mais tout est fondamentalemen t mieux que la résignation moutonnante, que l'abominable : "C'est toujours mieux que rien".
C'est toujours mieux que rien !
Des petits malins pourraient toujours répondre que le mieux est l'ennemi du bien, sauf que ce mieux-là ne s'oppose pas au moins mais surtout au néant. A ce jeu là, tout est toujours mieux que rien. Mieux vaut un demi-SMIC que faire la manche. Mieux vaut une tente sur les trottoirs de Paris qu'un carton sous un pont. Mieux vaut un petit chef frustré et insultant qu'un référent RMI. Mieux vaut prostituer sa fille à Manille que de la laisser crever de faim chez soi. Mieux vaut un bol de riz pour salaire qu'un coup de pied au cul. Mieux vaut être esclave mal logé, mal nourri et mal blanchi qu'agonisant sur son tas de fumier.
Logique de merde qu'appliquent ceux qui n'ont jamais assez de luxe et de superflu à ceux qui grattent pour gagner l'essentiel et le vital.
(…)
"Dès que quelqu'un comprend qu'il est contraire à sa dignité d'homme d'obéir à des lois injustes, aucune tyrannie ne peut l'asservir" (Gandhi)
C'est pour tout cela que la bataille du CPE me fait plus penser à un baroud d'honneur qu'à une véritable tentative de reconquête sociale. Parce qu'on a déjà bien trop accepté, bien trop reculé, bien trop courbé l'échine ! Parce que lutter contre le CPE tout en oubliant son frère jumeau le CNE, applicable dans TOUTES les boites de moins de 20 salariés, et leur condition nécessaire d'application, à savoir la dégradation des conditions de vie des chômeurs, ça revient à pisser dans un violon.
Deux ans à vivre comme un oiseau sur la branche n'est pas plus tolérable pour un salarié de TPE que pour un jeune sorbonnard fraîchement entré sur le marché du non-travail. Seulement voilà, le premier est abandonné à son sort depuis des lustres quand le second a encore quelques moyens de mobilisation avant le grand saut dans le néant. Il y a des syndicats dans les facs, pas dans les TPE. On lutte donc contre le CPE, mais on laisse le CNE faire son oeuvre destructrice dans l'indifférence générale. Quand bien même le gouvernement reculerait sur le CPE[1], il resterait toujours possible d'étendre le CNE à tout le monde, ni vu ni connu, une nuit d'août prochain, par exemple.
On s'inquiète pour un nouveau contrat de merde et on oublie la bonne trentaine d'autres machines à mettre les gens à genoux qui existent déjà. On décide qu'il s'agit là de la limite à ne plus franchir, mais les limites ont été explosées depuis longtemps.
Les gens en poste dans des emplois qu'ils pensent stables et qui sont encore vaguement bien rémunérés ne se mèlent pas de ce genre d'affaire. Parce qu'ils se croient tout de même à l'abri et ne se sentent pas concernés par les soubressauts qui agitent ceux qu'on leur vend comme un tas de faignasses à longueur de journée. S'ils ont de la chance, ils sont près de la retraite. Mais sinon, combien de temps va-t-on consentir à les maintenir en poste dans ces conditions, alors que dehors, la masse des gueux se déchire la gueule pour des jobs précaires payés sous le seuil de pauvreté ? Combien de temps encore, alors que l'accompagnement des chômeurs ressemble de plus en plus à un flicage vers le travail forcé ?
Pourtant, à force de stigmatisation des chômeurs, la plupart des autres salariés considère qu'il est tout à fait normal et légitime de contraindre un privé d'emploi à reprendre n'importe quel job, n'importe où, dans n'importe quelle condition[2].
Sans même se rendre compte qu'ils se tirent une balle dans le pied en pensant de la sorte.
Qu'après une petite cure de chômage, n'importe qui peut se retrouver à reprendre son job d'avant, pour deux fois moins cher.
Qu'il le veuille ou non.
CPE ou pas.
[1] De la même manière que l'Europe a reculé sur la directive Bolkenstein, qui est sortie par la grande porte pour mieux revenir par la fenêtre !
[2] Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), «le travail forcé ou obligatoire» est un «travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et que l’individu en question n’exécute pas de son plein gré»… Répondre | Répondre avec citation |
Kärchériser le CNE, c'est mieux !
Car comme l'écrit SuperUser Sophie, le VRAI problème (soulevé depuis des mois sur Actuchomage) est celui du CNE.
Les employeurs (entreprises de moins de 20 salariés) embauchent déjà des "jeunes" (et les autres) avec période d'essai de 2 ans et licenciement sans motif. Répondre | Répondre avec citation |
PEUT-ÊTRE A-T-IL RAISON… d'un point de vue stratégique, la pilule serait sûrement passée !
L'industriel Serge Dassault, sénateur-maire UMP de Corbeil-Essonnes (91), estime que "généraliser le Contrat Nouvelle Embauche aurait été la solution" pour flexibiliser le marché du travail, au lieu d'instaurer un nouveau contrat, le Contrat Première Embauche.
"Le Premier ministre a voulu passer par différentes étapes", a-t-il déclaré, mais "en politique, on fait ou on ne fait pas" !
Bien évidemment, M. Dassault a néanmoins salué la politique du gouvernement "pour la flexibilité" de l'emploi, la jugeant indispensable pour inciter les entreprises à embaucher.
"Les jeunes ne comprennent rien. Sans CPE, ils seront au chômage, car nous n'embaucherons pas", a-t-il martelé. Pourtant, il nous semble que le groupe Dassault ne souffre pas de difficultés particulières…
"Flexibilité ne veut pas dire précarité", a-t-il poursuivi (alors qu'il a toujours vécu confortablement , et qu'il élude sans vergogne les conséquences de l'emploi instable quand on veut s'insérer dans la vie). "Quand il y a du travail et que le personnel est bon, on le garde. Un chef d'entreprise ne se lève pas tous les matins en voulant licencier son personnel", a-t-il souligné. Toutefois, "il faut pouvoir licencier si l'on est confronté à une hausse de ses charges ou si le personnel n'est pas celui qu'on attendait", a-t-il conclu.
Qu'un grand patron ne sache toujours pas qu'en France il n'est pas plus difficile qu'ailleurs de licencier, ça laisse pantois…
Pourtant, le président du groupe français de haute technologie Safran, Jean-Paul Béchat, estime de son côté que le CPE ne correspond pas aux besoins "spécifiques" de l'industrie, en particulier dans l'aéronautique. "Nous sommes confrontés dans notre industrie à un problème spécifique : recruter des ingénieurs, que nous embauchons directement en CDI, face à une population étudiante qui s'oriente vers des métiers moins techniques", a-t-il indiqué.
Quel bonimenteur, ce Serge Dassault ! Répondre | Répondre avec citation |
Le président du groupe PS à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, a indiqué mardi que le recours des parlementaires PS devant le Conseil Constitutionnel contre le projet de loi égalité des chances instituant le CPE serait déposé mardi "à 16H30".
"Nous déposerons le recours à 16H30. Je me rendrai moi-même, avec Jean-Pierre Bel (président du groupe PS au Sénat), au Conseil constitutionnel pour faire ce dépôt", a déclaré M. Ayrault à la presse à l'issue de la conférence des présidents de l'Assemblée.
Le chef de file des députés PS n'a pas indiqué les points précis sur lesquels portera le recours. Répondre | Répondre avec citation |
Correctif TRES IMPORTANT:
Les étudiant-es mobilisé-es contre le CPE réclament tous et toutes l'abrogation de la loi d'égalité des chances (comprenant le CPE), du CNE, et de la loi dite "pacte sur la recherche."
Bravo pour ce que vous faites et aller voir les AG étudiantes, elles vous acceuilleront à bras ouverts.
Benoit à Toulouse
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