Un an après le rejet de la Constitution européenne par 54,67% des Français, que reste-t-il des clameurs de la campagne ? Après des mois de débat passionné entre «ouistes» et «nonistes», un grand silence s'est abattu sur l'Union : au bout d'une année censément consacrée à la «réflexion», aucune idée de relance n'a émergé au sein des Vingt-Cinq et «il n'existe pas encore de consensus sur les prochaines étapes», constate même la Commission européenne. De même, le clivage du oui et du non reste solidement ancré dans l'Hexagone : s'il fallait revoter demain, le résultat serait à peu près le même, comme le montre le sondage Libération-LH2.
Pour la plupart des dirigeants européens, de Barroso à Blair, en passant par Merkel et Chirac, la leçon à tirer du choc du 29 mai est la nécessité de «remettre le citoyen au centre» du projet européen, comme l'a déclaré jeudi dernier la chancelière allemande. Mais comment refonder l'Europe, c'est là que les choses se corsent.
Profil bas. Premier constat, un an après le non français, il n'y avait pas de plan B. Le fossé reste entier entre les seize pays qui ont déjà ratifié le texte ou vont bientôt le faire et ceux qui ne veulent plus en entendre parler. Se ralliant au profil bas de la France, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, propose de reporter maintenant toute décision sur la Constitution à 2008. Le temps de laisser passer les élections en France et aux Pays-Bas, l'autre pays du non.
Deuxième constat, l'Union européenne n'a pas explosé mais le rejet du nouveau traité constitutionnel par deux des peuples fondateurs de l'Union a ouvert une crise de confiance sans précédent, qui remet en cause soixante ans de construction communautaire. Dans la foulée, les Etats membres se sont livrés à une bataille budgétaire dont l'âpreté a montré que la solidarité avait atteint ses limites.
Examen. Le choc s'avère-t-il «salutaire» ? Ceux qui espéraient une rupture avec le modèle économique libéral porté par l'Union en sont pour leurs frais. Rares sont les pays qui contestent la nécessaire adaptation des modèles sociaux à la nouvelle donne mondiale. L'UE continue à tourner, sur ses dogmes de concurrence «libre et non faussée» et d'ouverture des marchés. En revanche, le non français a bien eu pour effet de remettre le social en haut de l'agenda. Des preuves ? La création d'un fonds d'adaptation à la mondialisation, la réécriture de la fameuse directive Bolkestein sur les services, ou l'annonce par la Commission, le 10 mai, d'un audit social du marché unique.
Interprétés aussi comme le reflet d'un malaise quasi général de la vieille Europe vis-à-vis d'un processus d'élargissement sans fin, les non français et néerlandais ont une autre conséquence : une prudence accrue face aux futurs adhérents, dont la Roumanie et la Bulgarie ont fait hier les frais. Le feu vert à leur arrivée en 2007 a été conditionné à un nouvel examen de passage, en octobre. Après l'entrée promise à la Croatie, vers 2009, toute nouvelle adhésion sera soumise à référendum en France, ce qui menace les futurs élargissements, notamment à la Turquie.
Aujourd'hui, le dilemme n'est pas tranché entre les deux visions divergentes, celle de l'Europe-puissance rêvée par Paris et celle du grand marché libre-échangiste que l'Anglais Gordon Brown est bien déterminé à faire triompher si Tony Blair lui passe la main avant 2008. Pour l'heure, discrédité, le gouvernement français n'a à proposer aucune sortie de crise acceptable par tous.
(Source : Libération)
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