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Car voici ce qu'on ne vous dit pas :
• Le dispositif CRP (convention de reclassement personnalisée) compte à ce jour 45.639 stagiaires de la formation professionnelle selon la CGT, 54.000 selon Eric Besson et Alain Vidalies, secrétaires nationaux du Parti socialiste - respectivement à l'économie et aux entreprises -, non comptabilisés comme demandeurs d'emploi.
• Pire : Eric Besson et Alain Vidalies notent également que "les chiffres communiqués par le gouvernement sont contradictoires, dès lors qu'il apparaît que les sorties pour reprise d'emploi sont en recul de 7,4% par rapport au mois précédent" !!!
Ils notent que "l'emploi marchand, lui, continue de tourner au ralenti, avec moins de 6.000 créations nettes par mois". Effectivement, l'INSEE confirme que seulement 15.400 emplois ont été créés de janvier à mars dans le secteur concurrentiel.
• AC! dénonce 36.190 radiations. Elles ont augmenté de 8,7% sur les trois derniers mois par rapport à la même période de l'année précédente.
• La CGT dénonce plus de 411.000 licenciés par les entreprises qui sont dispensés de recherche d'emploi à 57 ans, donc non comptabilisés.
• La CGT rappelle également que depuis la dernière convention Unedic, "du fait de la réduction des durées d'indemnisation du régime d'assurance chômage, chaque mois, 70.000 chômeurs sont exclus de l'indemnisation".
• AC! et la CFTC dénoncent la précarisation de l'emploi et le développement des emplois aidés, "qui sont des mi-temps au demi-Smic".
"Les emplois créés aujourd'hui sont majoritairement des emplois de services à la personne promus par le ministère de l'emploi", dont le "succès, comparé à celui des emplois issus de CNE, prouve que la solution du chômage ne réside pas dans un accroissement de la flexibilité", estime la CFTC. "Reste que les nouveaux emplois de service à la personne sont souvent des emplois à temps partiel contraint", "acceptés faute de mieux" par des femmes, contre une rémunération qui "ne leur permet pas de subvenir à tous leurs besoins". Celles-ci ont souvent "la responsabilité d'une famille monoparentale et alimentent le nombre, sans cesse croissant, de travailleurs pauvres".
• L'ACOSS constate de son côté une tendance à "une très forte rotation" des salariés : en 2005, la moitié des embauches concernait des CDD dont un tiers avaient une durée de moins d'une semaine. Selon elle, le marché évoluerait ainsi vers un type de relation qui fait porter le risque sur le salarié, alors que le CDI fait porter le risque sur l'employeur.
• Pour l'économiste Philippe Waechter (Natexis), "une grande partie du taux de chômage est piloté" et son niveau actuel, à 9,1% de la population active en mai, "est un chiffre qui ne traduit pas la réalité économique". Il rappelle qu'un taux de chômage à 9% nous ramènerait à son niveau… de juin 2002.
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Commentaires
La réinsertion des chômeurs de longue durée demande du temps mais peut avoir un effet immédiat sur la statistique du chômage. Christian Charpy, directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) depuis le 6 avril, l'a bien compris. En mobilisant les services de l'agence, cet énarque de 45 ans, qui fut d'octobre 2003 à avril 2004 le conseiller social de Jean-Pierre Raffarin, vient d'obtenir un premier résultat tangible sur la courbe du chômage.
Solution. L'effet est particulièremen t net sur le chômage des jeunes. Le 8 juin, dans sa déclaration de politique générale, Dominique de Villepin avait demandé à l'ANPE de «recevoir individuellemen t les 57.000 jeunes au chômage depuis plus d'un an pour leur proposer une solution adaptée». C'est chose faite pour 27.500 d'entre eux, a précisé vendredi le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo.
Personne ne se plaindra de l'amélioration de ce suivi. Mais cette initiative a aussi un intérêt statistique direct : quand l'ANPE convoque des demandeurs d'emploi, 10% d'entre eux en général ne se manifestent pas et sont de fait rayés des listes.
Le procédé n'a en soi rien de choquant. Le plus souvent, c'est qu'ils viennent de trouver un emploi et ont omis d'en avertir l'ANPE. Ils auraient de toute façon été radiés quelques semaines plus tard. On anticipe juste la mise à jour des fichiers, et cela permet d'afficher, un mois plus tôt, une baisse apparente du chômage. «En aucun cas nous ne changeons les règles du jeu», se défend Christian Charpy. Peut-être. Mais le chômage des moins de 25 ans, qui était en progression constante depuis 2003, a chuté soudainement de 2,6% (- 1.700 personnes) entre mai et juin.
Fort de ce succès, Jean-Louis Borloo a demandé vendredi à l'ANPE de convoquer avant la fin de l'année tous les bénéficiaires de l'ASS (Allocation spécifique de solidarité). Cela représente 437.000 personnes (463.800 au 31 mai 2006, selon les derniers chiffres de l'Unedic - ndlr). Combien parmi elles ne répondront pas à la convocation ? Combien accepteront, par crainte d'une sanction, une solution (formation, stage, emploi aidé…) qu'elles avaient jusqu'ici refusée ?
Pression. L'effet sur la courbe du chômage risque d'être d'autant plus net que le décret sur le contrôle de la recherche d'emploi, qui doit entrer en application d'ici à la fin août, va permettre à l'ANPE de mettre la pression, lorsqu'un chômeur manifeste trop peu d'empressement dans sa prospection. «Jusqu'ici, on ne disposait que de la bombe atomique de la radiation, heureusement peu utilisée», souligne Christian Charpy. Désormais, les agences pour l'emploi pourront réduire de 20% le montant de l'allocation chômage. Moins irréversible, cette sanction risque d'être beaucoup plus utilisée. Ou simplement brandie, par exemple pour convaincre un chômeur de longue durée d'accepter un contrat d'avenir, un contrat d'accompagnement dans l'emploi ou un autre dispositif d'emploi aidé prévu par la loi de Cohésion sociale, et dont la montée en charge reste lente.
(Source : Libération)
A lire également : Brigitte Bazerque, 49 ans, demandeuse d'emploi à Toulouse, radiée pour deux mois… Répondre | Répondre avec citation |
A la Bourse du Travail, rue du Château-d'Eau (Paris, Xe), ce lundi, pas un radié. L'association de chômeurs AC! tient une permanence mensuelle pour accueillir et conseiller, avec un avocat de la Ligue des droits de l'homme, les chômeurs radiés ou menacés de l'être. Les militants de l'association en accompagnent pourtant de plus en plus : une vingtaine en trois mois sur Paris. «Toute la difficulté tient à informer les chômeurs sur leurs droits, sur leurs recours. Quand ils reçoivent une lettre de radiation, ils ne discutent pas. Ils obéissent», explique Sylvie Szabo, bénévole à Inter-emploi.org et AC!
C'est tout le débat de ces derniers mois, qui accompagne l'effritement des chiffres du chômage. Celui-ci est-il en partie dû aux radiations ? L'ANPE, et les syndicats d'agents de l'Agence, expliquent au contraire que les radiations administratives ont (très) légèrement baissé : elles sont passées de 422.073 en 2004 à 417.685 en 2005. Près de 95% d'entre elles ont été infligées à des chômeurs n'ayant pas répondu à des convocations, sans se justifier. Les sanctions pour «insuffisance de recherche d'emploi» représentent 3,1% des radiations administratives , les «refus d'emploi» 1,8%. L'écrasante majorité de ces radiations (97,5%) portent sur une durée inférieure à trois mois. Mais c'est alors au radié de se réinscrire, ce qui ne va pas forcément de soi. Et le chiffre des demandeurs d'emploi diminue mécaniquement.
«Qu'elles baissent ou non, les radiations sont encore très nombreuses», tranche François De Santi de la CGT-Chômeurs. Les radiations administratives représentaient en effet près d'une sortie des statistiques de l'ANPE sur dix en avril 2006. Et les pressions sur les chômeurs ne se limitent pas aux radiations.
«Ce qu'il faut regarder de très près, ce sont les sorties de l'ANPE pour "absence au contrôle", c'est-à-dire les chômeurs qui ne "pointent" pas», explique Noël Daucé, du SNU-ANPE. En avril, elles représentaient 40% des sorties des statistiques de l'ANPE, contre 28% pour les reprises d'emploi déclarées. «Parmi les chômeurs qui ne pointent plus, 50% ont retrouvé un emploi sans prévenir l'ANPE mais beaucoup sont découragés par ce contexte de durcissement des contrôles», décrypte Noël Daucé. «La moitié des inscrits à l'ANPE ne touchent plus d'allocation chômage. A quoi bon alors venir à chaque rendez-vous si de toute façon, il n'y a pas assez de création d'emploi pour satisfaire tous les chômeurs ?»
Les associations de chômeurs et des syndicats d'agents dénoncent aussi les basculements des chômeurs d'une catégorie à l'autre. «L'ANPE bascule parfois les chômeurs de la catégorie 1 (qui recherchent un CDI à temps plein et ayant travaillé moins de 78 heures dans le mois, ndlr) vers une autre : celle des demandeurs d'emploi saisonniers par exemple (catégorie 3), au motif qu'ils ont fait un petit travail l'été. Ce qui permet de faire disparaître des chiffres officiels les chômeurs, puisque seule la catégorie 1 entre dans le taux officiel du chômage», avertit François De Santi. Une information corroborée par le SNU des agents ANPE. «Les chiffres baissent, mais le chômage se maintient», conclut Noël Daucé du SNU.
(Source : Libération) Répondre | Répondre avec citation |
En plus du binz administratif de plus en plus contraignant (pour la CMU ça atteint le délire : la Sécu demande une dizaine de photocopies de leurs propres documents et même de la carte en plastique "Vitale"). J'imagine que plus d'un RMIste potentiel, mais qui n'est pas un lettré teigneux comme mézigue, y renonce, disparaît des statistiques et va crever dans son coin. Pendant ce temps là l'aristo De Villepin peut parader. Répondre | Répondre avec citation |
Le taux de chômage poursuit sa décrue et à en croire le ministre de l'Emploi, on pourrait passer sous la barre des 9% avant même la fin de l'année 2006 grâce à la politique du gouvernement. Est-ce vrai ? En partie, oui, mais en partie seulement car seules des politiques structurelles pourront durablement faire baisser le chômage en France.
La France comptait environ 2,5 millions de chômeurs en avril 2006 (au sens du BIT), soit 9,3% de la population active. Pour que le taux de chômage diminue jusqu’à, disons, 8,7%, il faudrait à population active constante, créer 164.000 emplois. C’est à la portée de notre économie, puisque d’après l’INSEE les créations nettes d’emploi en 2006 se monteraient à 200.000.
A condition toutefois que la population active reste aussi atone qu’en 2005, voire diminue du fait des départs à la retraite. En effet, plus de population active signifie, à court terme, une concurrence accrue dans le recherche d’emploi et donc moins de sorties du chômage. Inversement, moins de population active augmente les chances de sortir du chômage. Si la population active n’était pas aussi atone, le chômage progresserait à n’en pas douter. Et si le gouvernement n’était pas intervenu, il aurait probablement baissé tout de même, mais moins que ce qui est actuellement observé.
En effet, si ces sorties du chômage sont effectivement permises par des créations d’emplois, c’est parce que notre économie, dont la croissance est bien fragile (1,2% en 2005, 2% avec optimisme en 2006), est incitée à créer plus d’emplois qu’elle ne l’aurait fait spontanément, par des politiques de court terme menées par le gouvernement. Ces politiques sont au nombre de deux principalement : la subvention massive des créations d’emploi et le Contrat nouvelle embauche. Malheureusement , aucune ne permettra seule de ramener le taux de chômage à 5%, comme c’est le cas au Royaume-Uni, à moins de réformes structurelles de grande ampleur associées au retour d’une croissance soutenue.
Parlons d’abord des emplois aidés. L’épisode 1997-2002 a pourtant montré combien ces créations d’emplois, notamment dans le secteur public, sont fragiles et ne règlent en rien le problème du chômage à moyen terme. Après être passé sous la barre de 9% en 2001, le taux de chômage est repassé au-dessus de 10% en 2004. Ces mesures relèvent en effet d’une gestion conjoncturelle du problème du chômage, certes utile afin de maintenir le moral des ménages ou soutenir la consommation au moment de ralentissements , mais qui n’aide pas notre économie à créer plus d’emplois durables lorsque la croissance est au rendez-vous, bien au contraire.
Après avoir diminué fortement jusqu’en 2005, du fait de l’éradication annoncée de cette politique (fin des emplois jeunes notamment), ils ont été remis au goût du jour avec le Plan de cohésion sociale de M. Borloo début 2005.
Ce plan a notamment créé des «Contrats d’avenir» dans le secteur non marchand pour les bénéficiaires des minima sociaux, et des nouveaux «Contrats initiative emploi» (CIE) subventionnés dans le secteur marchand ainsi des «Contrats d’accompagnent vers l’emploi» (CAE) dans le secteur non marchand, le tout pour les publics en difficulté, notamment les chômeurs de longue durée. En 2005, la montée en charge de ces nouveaux dispositifs ne faisait que compenser la disparition des anciens. Mais depuis fin 2005, ils montent en puissance. Ainsi, sur les quatre premiers mois de 2006, les emplois aidés dans le secteur marchand ont globalement progressé d’environ 42.000. Et les contrats d’avenir et CAE commencent à compenser pleinement la disparition des emplois jeunes dans le secteur non marchand où les emplois aidés progressent globalement de 6.700 sur la même période. Bref, ce sont presque 50.000 emplois créés sur 4 mois. Autant dire que sur l’année, la majorité sinon l’essentiel des 200.000 emplois supplémentaires prévus par l’INSEE seront des emplois aidés !!!
Est-ce un problème ? A moyen terme oui. En effet, d’une part les emplois créés dans le secteur non marchand, comme le CAE ou le contrat d’avenir du plan de cohésion sociale, doivent être financés par une charge fiscale ou des déficits accrus, ce qui pèse sur les créations d’emplois dans le secteur privé (c’est l’effet d’éviction) et, d’autre part, ces emplois sont souvent stigmatisants pour les bénéficiaires, ce qui ne les aide pas à retrouver un emploi dans le privé par la suite.
Pour ce qui est des grands programmes de subvention aux créations d’emploi dans le secteur marchand, comme le CIE du Plan de cohésion sociale, ils ont généralement des effets nets limités, car beaucoup d’emplois qui en bénéficient auraient été créés de toute manière (effet d’aubaine) et ces emplois ont tendance à se substituer à des emplois non subventionnés dans des entreprises qui n’ont pas accès aux dispositifs (effet de substitution). En outre, les emplois subsistent rarement lorsque la subvention s’arrête. Mais en attendant, ils sont bien là. Bref, pour faire baisser le chômage plus rapidement M. Borloo applique la bonne vieille recette déjà mise en œuvre par le gouvernement Jospin, à coût de milliards d’euros (ces mesures coûtent entre 8 et 10 milliards).
Enfin, concernant le CNE c’est à peu près la même histoire qui se joue, mais cette fois-ci cela ne coûte rien aux finances publiques… Rappelons les faits : 440.000 embauches sur 8 mois, de quoi faire baisser le chômage sous la barre de 8% ! Malheureusement , une embauche en CNE ne correspond pas à une création d’emploi supplémentaire en net, puisque ces contrats se substituent pour une grande partie aux CDD et aux CDI. C’est ce que confirme l’étude publiée récemment par la DARES qui a interrogé des chefs d’entreprise concernés par cette mesure. Dans 70% des cas, l’embauche aurait eu lieu sur un autre type de contrat si le CNE n’avait pas existé.
Mais restent les 30%, soit environ 130.000 emplois : d’après l’enquête, environ 40.000 seraient de «vraies» créations nettes d’emplois, le reste correspondant à des embauches anticipées qui auraient eu lieu plus tard de toute façon. Il faut rester prudent avec ce type de données, car les réponses dépendent fortement du climat ambiant et de la performance des recrues au moment de l’enquête. Mais cela indique tout de même que le CNE, comme les emplois aidés, est une mesure de nature à booster les créations d’emplois à court terme, même si l’effet à moyen et long terme peut s’avérer très décevant.
L’explication est simple. Le supplément de créations d’emplois dû à une anticipation de l’embauche est transitoire : ces emplois ne donneront lieu à une hausse de l’emploi net que pour la durée de la période d’anticipation si, en effet, ils avaient pas eu lieu de toute façon plus tard, et si leur durée de vie moyenne n’est pas raccourcie par la flexibilité qu’offre le CNE. De combien de temps est cette anticipation ? On ne sait pas vraiment mais quelques mois peuvent suffire à créer un surcroît non durable d’emplois.
Ensuite, les 40.000 postes qui correspondraien t à des créations nettes d’emplois ne sont pas pour autant tous pérennes. Si l’étude indique que 70% des personnes embauchées en CNE étaient toujours en emploi six mois après, il est certain que ce taux va diminuer avec le temps. Au terme des deux ans d’ancienneté, date couperet à partir de laquelle l’emploi doit retomber dans un régime fortement protecteur, les destructions d’emplois vont augmenter. Mais cela, nous ne le constaterons pas vraiment avant août 2007… L’effet net pourrait bien alors s’approcher à moyen terme de l’ordre de 70.000.
(Source : Telos-eu.com) Répondre | Répondre avec citation |
Les excellents chiffres du mois de mai sont surtout le résultat des nombreux départs à la retraite anticipés et du "dopage" de l'emploi par les aides publiques à l'embauche de chômeurs et de jeunes.
Pour le marquage à la culotte, même Thuram n'est pas meilleur que Villepin et Borloo. Lors de sa conférence de presse mensuelle, mercredi 28, le Premier ministre lâchait quelques indiscrétions sur l'amélioration des chiffres du chômage, lesquels, en principe, ne devaient être rendus publics que le lendemain par son ministre du Travail. Galouzeau donnait même dans le registre divinatoire, en prévoyant un taux de chômage "sous la barre des 9 % dans les prochains mois". Borloo ne pouvait être en reste et, quelques heures plus tard, jouait les "Monsieur Plus" à l'Assemblée, annonçant "8,9% dans les mois qui viennent et, j'espère, 7% très bientôt". Et de poursuivre sa contre-attaque le lendemain, jeudi 29, enchaînant un déjeuner où il commentait les chiffres, devenus officiels, devant un groupe de journalistes, une interview au "Parisien", puis une autre aux "Echos"… Et l'ensemble de la presse emboîtait le pas.
Le filon Fillon
Après ce tambourinage, impossible d'ignorer que la France comptait 48.900 chômeurs de moins fin mai et que le taux de chômage est tombé à 9,1% de la population active. Et, bien sûr, les deux compères ont retrouvé un bel esprit d'équipe pour affirmer que ce résultat mirobolant, qui permet de ramener le chômage à son niveau de 2002 (sous-entendu : là où la gauche l'avait laissé), est le fruit d'une politique gouvernementale marquée du sceau du dynamisme et de l'imagination.
Examinée par les économistes, l'appréciation mérite d'être fortement nuancée. À en croire, notamment, les experts de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la baisse du chômage serait d'abord la conséquence mécanique de la réforme des retraites de 2003. Pour faire avaler cette réforme à une CFDT venue négocier clandestinement , François Fillon y avait inclus une clause qui allait connaître un certain succès : les salariés ayant commencé à travailler très jeunes pourraient partir à la retraite avant l'âge de 60 ans, sous réserve de totaliser quarante annuités de cotisations. Environ 100.000 presque sexagénaires se jettent chaque année sur cette aubaine.
Borloo rêve tout haut
Bilan : alors qu'en 2002 la population active s'était accrue de 180.000 personnes, elle n'a augmenté que de 40.000 en 2005. En 2006, elle pourrait ne croître que de 20.000. D'où cette petite équation formulée par Eric Heyer, directeur adjoint de 'l'OFCE : "En 2002, il fallait créer au minimum 180.000 emplois pour faire baisser le chômage. Aujourd'hui, 40.000 suffisent." Au passage, ce sont les caisses de retraite qui paient la différence.
Cet effet automatique des départs à la retraite sur les chiffres du chômage est quelque peu occulté dans les commentaires officiels. Lesquels gomment aussi cette petite réalité : jusqu'en mai 2005, les radiations représentaient moins de 8% des chômeurs. Depuis juin 2005, elles frappent régulièrement près de 10% des inscrits à l'ANPE.
En revanche, Jean-Louis Borloo claironne qu'il aurait trouvé la pierre philosophale du plein-emploi grâce à sa réforme des "aides à la personne". Selon lui, 36.800 boulots auraient été créés dans ce secteur au printemps (soit plus de 150.000 à attendre pour l'ensemble de 2006), ce qui double le rendement par rapport à l'année précédente. Où ce chiffre a-t-il été déniché ? Un autre expert de l'OFCE, Xavier Timbaud, expliquait, dans "Libération" (30/6), qu'il ne s'agit que d'une estimation au doigt mouillé reposant sur l'accroissement du nombre des organismes prestataires de services à la personne.
Le même Borloo, qui, selon le mot du député communiste Alain Bocquet, pourrait remplir une baignoire de mousse avec seulement 3 grammes de savon, se targue de pouvoir créer en trois ans 500.000 jobs grâce aux chèques-services universels. Là encore, le mystère sur les savants calculs qui ont présidé à ce pronostic reste épais : les propres services statistiques de Borloo estiment à 320.000 le nombre d'emplois de ce type… en 2015.
Recettes socialistes
Dernière recette employée pour réduire le chômage : la redécouverte des emplois aidés. En 2002, au retour de la droite, la simple évocation de ces aides provoquait des procès en sorcellerie ; l'avenir était à une économie redynamisée par des entreprises débarrassées de leurs carcans. Les emplois aidés ont donc été progressivement ramenés à la portion congrue. Mais, dans la perspective des élections en 2007, il faut faire du chiffre. La timide tentative des "contrats d'avenir" créés par Borloo et financés par les Régions n'a permis de caser que 34.507 anciens RMIstes à la fin du mois de mars. Presque un bide.
Villepin, lui, a vu les choses en grand, en développant les contrats d'accès à remploi, qui ressemblent à s'y tromper aux emplois-jeunes naguère reprochés à la gauche. Plus de 166.000 jeunes ont été ainsi arrachés à l'ANPE à la fin du premier trimestre 2006. Du coup, Villepin et son ministre de l'Emploi ne cessent de vanter les mérites du bon vieux "traitement social du chômage", grâce auquel un Borloo shooté aux chiffres va jusqu'à prévoir 300.000 emplois nouveaux. Les méthodes des socialistes ont du bon… si elles permettent d'éviter leur retour au pouvoir. Répondre | Répondre avec citation |