Si le nombre de lois se stabilise à peu près (469 ont été adoptées en cinq ans), les textes n’ont jamais été aussi complexes et détaillés. Et le recueil annuel de l’Assemblée nationale, qui les compile, ne cesse d’enfler. Il a plus que doublé par rapport au début des années 1990.
Les causes sont multiples, selon Philippe Houillon, président (UMP) de la commission des lois. «Face à une société plus complexe, il est normal que la loi soit elle aussi plus dense», affirme-t-il. «Regardez l’émergence du happy slapping : il est normal que la loi vienne couvrir un vide juridique». Le parlementaire reconnaît toutefois que de nombreuses dispositions législatives «flirtent» avec le domaine réglementaire. En violation flagrante de l’article 34 de la Constitution.
Un droit devenu trop complexe
«Plus il y a de textes, plus le risque d’instabilité juridique est grand», s’inquiète Philippe Houillon alors que, selon une étude du secrétariat général du gouvernement, 10% des articles des 62 codes existants changent chaque année en moyenne. «La complexité croissante des normes menace l’Etat de droit», estime pour sa part le Conseil d’Etat dans un rapport de 2006. C’est ainsi qu’au cours de la législature passée, pas moins de sept lois «dites Sarkozy» ont été promulguées sur la sécurité et la justice. «C’est autant de réformes qui s’empilent les unes sur les autres et rendent le droit incompréhensible, même pour les professionnels», réagit Christophe Regnard, secrétaire national de l’Union Syndicale des Magistrats (USM).
Si les lois s’additionnent les unes aux autres, c’est aussi qu’elles sont «souvent conçues comme des tracts politiques», poursuit Philippe Houillon qui reconnaît que l’exécutif ne s’embarrasse pas toujours de savoir si le droit positif répond déjà aux défis du moment. Un point de vue partagé jusqu’au président du Conseil constitutionnel, Pierre Mazeaud, qui expliquait, lors de ses vœux en 2005, que «la loi ne doit pas être un rite incantatoire». «La dégénérescence de la loi en instrument de la politique spectacle, nous en avons eu des illustrations récentes», lançait-il alors.
Quelles applications des lois ?
Avec un risque : que derrière les lois d’affichage et les effets d’annonce, les lois soient votées sans décret d’application. Et qu’elles soient ainsi inutiles. Les lois en attente de décrets auraient ainsi augmenté de 169 en 2002 pour atteindre 226 en 2006. «Le phénomène régresse», estime pourtant Philippe Houillon qui cite en exemple la réforme des retraites dont le taux d’application est de 86%. «De plus en plus de lois sont dites d’application directe, explique-t-il. Elles n’ont besoin ni de décrets ni d’arrêtés pour être mises en œuvre». Le nombre de lois nécessitant un suivi réglementaire est ainsi passé de 700 lors de la session 2003-2004 à 454 en 2005-2006.
«Depuis 2004, le rapporteur d’une loi dispose d’un droit de suite qui lui permet de vérifier, un an plus tard, où en est l’application du texte», se félicite Jean-Luc Warsmann, vice-président (UMP) de l’Assemblée nationale et membre de la commission des lois. En la matière, selon lui, la commission des affaires sociales a montré l’exemple. Et a eu un effet incitatif sur la réactivité des ministères concernés.
Une avalanche d’amendements
Dernière caractéristique de la législature : l’explosion des amendements qui, au nombre de 241.261, ont atteint un record historique, dont 137.665 déposés contre la seule loi de fusion GDF-Suez. «L’opposition est contrainte d’utiliser les armes dont elle dispose, justifie René Dosière, député (PS) et également membre de la commission des lois. Le rythme d’élaboration des lois a été beaucoup plus rapide que sous les précédentes législatures. Plus le gouvernement fait du forcing, plus les parlementaires bloquent». L’informatique permet aussi de dégainer très vite autant d’amendements qu’il y a de députés et de sénateurs qui s’opposent à un projet.
«Nous faisons face à un dévoiement de la procédure, s’énerve Philippe Houillon qui souligne que Jean-Louis Debré, le président de l’Assemblée, a fait passer les motions de procédure d’une heure et demie à une demi-heure. Ce qui n’a pas empêché trois des débats au cours de la législature de faire partie des cinq plus longs de l’histoire de la Vème République. Il a ainsi fallu pas moins de 157 heures pour régler la très contestée réforme des retraites. Et Jean-Luc Warsmann de conclure : «Le principal défi pour le Parlement dans les années à venir va être de faire baisser le temps passé au vote des lois. Au bénéfice du contrôle de leur application».
(Source : 20 Minutes)
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