On sait que les contrats aidés sont aussi sous-payés que jetables : en Lorraine, on s'évertue à les pérenniser, quitte à tout prendre en charge. "Démarche inédite", le TTMM est "une adaptation volontariste, propre à la Meurthe-et-Moselle, du contrat d'avenir et du CI-RMA", explique le Conseil général qui, à travers ce dispositif, tente de lancer "une passerelle vers l'emploi durable" entre les RMIstes et les employeurs du secteur marchand et non marchand.
Concrètement, l'entreprise s'engage à embaucher un RMIste en contrat à durée indéterminée (CDI) au bout d'une période de pérennisation fixée à 18 mois. Celle-ci consiste en une classique rémunération au moins égale au Smic (on n'en sort pas) pour une durée de travail hebdomadaire de 26 heures, mais qui pourra être étendue à 35 heures après publication du décret d'application de la loi sur les expérimentations, toujours en attente… L'entreprise va aussi désigner un "tuteur" en interne à son nouveau salarié. En contrepartie, elle bénéficiera de généreuses aides publiques pour "adapter" le poste : • avantages financiers d'un montant maximal de 10.000 € répartis en une aide forfaitaire mensuelle de 440 € sur 12 mois • exonération partielle des cotisations sociales pendant la même période • enveloppe budgétaire de 4.700 € pour l'accompagnement du salarié, sa formation et celle de son tuteur.
Certes, si l'entreprise ne respecte pas ses obligations formalisées par la convention qu'elle aura signée avec le département (représenté par l'ANPE) et le RMIste, elle devra rembourser les aides perçues. Mais si elle les respecte, imaginez le bénéfice que cela représente durant la première année : 26 heures x 4 semaines x 12 mois x 8.27 € brut = 10.309 €… le coût du salaire versé au salarié dépasse à peine les 10.000 € d'enveloppe globale offerte ! Les engagements étant considérés comme tenus au terme de 18 mois, en incluant les exonérations de cotisations, il s'agit bien de 12 mois gratuits pour 6 mois payés : le coût de la main d'œuvre se réduit donc à 30% de sa valeur minimum actuelle. Une très bonne opération pour l'employeur, aux frais de la collectivité...
Autre détail non abordé : on a vu que l'emploi subventionné doit être transformé en CDI au bout de 18 mois, mais quid de la période d'essai de ce nouveau contrat (en principe, un mois renouvelable) ? Pour que son bel investissement ne soit pas réduit à néant, le Conseil général de Meurthe-et-Moselle a-t-il prévu dans la convention du TTEMM que cette période d'essai soit automatiquement validée ?
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Commentaires
A travers la métaphore de Jonathan Swift sur le chômage (le voyage de Gulliver dans l'île volante de Laputa), on voit très bien que la création d'emploi est AVANT TOUT l'affaire des employeurs. Même le très libéral Jacques Marseille est farouchement contre les aides publiques aux entreprises (65 milliards d'euros distribuées en 2005… Combien en 2006 ?).
Créer des emplois est non seulement leur rôle, mais une obligation morale vis à vis de la société. Or elles s'en désistent allègrement, et de plus en plus, puisqu'on ne tue pas les RMIstes et que la solidarité nationale pallie à leur volonté de rogner toujours plus sur leur masse salariale ! Le but des 35 heures était de les obliger à contribuer à l'effort national en embauchant du personnel supplémentaire, ce qu'elles ont pu encore et toujours contourner. Aujourd'hui, que l'Etat soit obliger d'acheter cette solidarité auprès des patrons est une dérive très, très dangereuse.
De plus, la promotion des contrats aidés devient une habitude : même l'ANPE les propose systématiquemen t aux employeurs qui, à la base, partaient pour un CDD ou un CDI classiques.
Les transferts de l'argent public quel qu'il soit vers le privé est une dérive qui se banalise : depuis août dernier, par exemple, la Sécurité sociale doit rembourser les 2/3 des primes d'assurances des praticiens libéraux (20 millions d'euros offerts par les assurés sociaux aux grosses compagnies d'assurance). Idem pour l'accompagnement des chômeurs à des cabinets privés : c'est l'argent public des cotisations qui leur est alloué. Alors, direz-vous, du moment que les chômeurs y trouvent leur compte… Bien sûr ! Mais on sait bien que derrière ces manœuvres "inédites" se met en place la ruine du service public, du système de protection sociale par répartition, et le pillage des caisses de l'Etat en vue de son affaiblissement .
Surtout, toutes ces aides publiques finissent par déresponsabilis er les employeurs (on dit bien que l'assistanat déresponsabilis e les minima sociaux…). Tout cela fait partie d'une grande braderie de l'emploi entretenue par l'Etat lui-même qui, grâce aux deniers publics, contribue à banaliser la baisse du coût du travail dans l'esprit des employeurs et la rend possible. Répondre | Répondre avec citation |
En général, les employeurs adeptes du CNE ou des contrats aidés (les "bouffeurs de prime", comme les appelle Fabienne Brutus) sont les pires des patrons. Ce qui les intéresse, c'est de payer leur personnel le moins cher possible tout en ayant la possibilité de virer facilement parce que justement la flexibilité ou le turn-over, c'est ce qui les arrange. Rares sont ceux qui accepteraient une convention qui les oblige à embaucher réellement et payer plein pot, surtout 18 mois après (car ces gens-là ne calculent qu'à court terme). Et nombreux sont ceux qui refuseront de garder quelqu'un s'il n'y a plus d'aides ou d'exonérations derrière. Ce qui les motive, c'est la pompe à fric et c'est tout.
Ces mesures soi-disant incitatives ne sont jamais correctement encadrées et produisent des dérives justement parce qu'elles se fondent sur un effet d'aubaine. Je pense qu'avant de valoriser l'incitation financière, il faut remettre de la morale et du civisme dans la tête de la plupart des patrons. Répondre | Répondre avec citation |