Actu Chômage

jeudi
21 novembre
Taille du texte
  • Agrandir la taille du texte
  • Taille du texte par defaut
  • Diminuer la taille du texte
Accueil Social, économie et politique Discriminations sur l'âge : la Halde embrouille tout !

Discriminations sur l'âge : la Halde embrouille tout !

Envoyer Imprimer
On croyait les discriminations au recrutement basées sur l’âge pénalisées depuis longtemps. La loi du 16 novembre 2001, transposant les directives communautaires du 27 novembre 2000 et du 29 juin 2000, le stipule clairement : «Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement […] en raison de […] son âge» (article L122-45 du Code du Travail). Classées par le Code pénal parmi les «crimes et délits contre les personnes» (article 225-1), ces discriminations sont passibles de sanctions très lourdes, pouvant aller jusqu’à 225.000 € d’amende ainsi qu’à l'interdiction d'exercer des activités professionnelles ou sociales (articles 225-1, 225-2, 225-4, 131-38 et 131-39).

«Le législateur a donc prévu une panoplie juridique particulièrement répressive, qui devrait suffire à dissuader les discriminateurs. Or il n'en est rien, car cet arsenal n'est que très rarement utilisé» lisait-on dans ce dossier d’Actuchomage en février 2005. Or depuis, 70 plaintes ont été déposées par 7 membres de l’association APNEE ; 67 ont été classées sans suite. Seules 2 affaires ont débouché sur des amendes «négociées» (selon la formule du «plaider coupable» à la française), un troisième cas étant en attente de comparution en correctionnelle. Derrière ces victoires plus symboliques qu’exemplaires se cache donc un empressement judiciaire à ne pas appliquer la loi.

La HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) avait pourtant donné raison aux plaignants. C’est donc avec impatience qu’on attendait le RAPPORT 2006 qu'elle vient de publier.

La partie que ce rapport consacre aux discriminations à l’embauche dans le secteur privé - notamment aux discriminations fondées sur l’âge (pages 83 à 86) – mène le lecteur de surprises en découragement. On y découvre en effet comment la HALDE embrouille des lois dont le contenu est pourtant «biblique». Affectant de construire peu à peu ce qu’elle nomme «un corps de doctrine», la Haute autorité se révèle en réalité empêtrée elle-même dans la justification a posteriori des errements des procureurs «classeurs sans suite».
Le long – mais nécessaire – extrait ci-après permettra de juger de l’embarras de la Haute autorité, mais aussi des inflexions suspectes qu’elle apporte non seulement à sa propre mission, mais aussi au cadre législatif français et européen. En guise de commentaires, certaines expressions ont été signalées en gras.

<< La discrimination, définie par l’article 225-1 du code pénal comme la distinction opérée entre des personnes physiques ou morales sur le fondement d’un de ces critères, tombe sous le coup de la loi pénale si elle consiste en l’un des comportements énumérés à l ’article 225-2, parmi lesquels figure le refus d'embauche (1).
[...] Malgré ce dispositif législatif relativement complet et les apports importants de la jurisprudence depuis plusieurs années, les discriminations à l’embauche persistent, comme l’attestent les réclamations adressées à la HALDE qui atteignent plus de 8% du total des réclamations enregistrées en 2006. C’est la raison pour laquelle le Collège de la HALDE pose, à travers les solutions concrètes apportées au cas par cas, un certain nombre de principes appelés à encadrer la lutte contre les discriminations. Ces principes, comme les décisions qui les portent, s’articulent selon une ligne logique qui structure un corps de doctrine.

[...] Contrairement à d’autres critères, les discriminations à l’embauche fondées sur l’âge apparaissent souvent explicitement dès l’offre d’emploi. Il n’est pas rare de lire des «petites annonces» précisant : «Vous avez moins de 35 ans…», «Vous avez 30/35 ans…». Or ces pratiques prohibées tant par le droit communautaire que par le droit pénal et le droit du travail ont pour effet de contribuer à l’exclusion des seniors du marché du travail et renforcer l’idée reçue selon laquelle ceux-ci ne sont plus employables.
Malgré le scepticisme d’une partie de la doctrine et des praticiens (2), le Collège de la HALDE considère que de telles pratiques constituent des discriminations à part entière. Son action pédagogique consiste à mettre en évidence ces pratiques et expliquer leur caractère discriminatoire. Il définit, parallèlement, une stratégie plus répressive, faisant notamment usage des pouvoirs de transaction pénale confiés à la HALDE par la loi du 31 mars 2006 pour l ’égalité des chances.

Afin d’effectuer un état des lieux du marché de l’emploi en France quant au respect des mentions non-discriminatoires dans le libellé des offres d’emploi, la HALDE décide la réalisation d’une enquête au cours du mois de juin 2006.
273.271 annonces sont ainsi recensées et 15.515 filtrées selon plusieurs critères dont l’âge. 447 annonces potentiellement discriminatoires sont transmises à la HALDE. Dans sa phase d’enquête, elle sollicite du mis en cause des éléments d’information se rapportant à la mention discriminatoire : fiche détaillée du poste concerné, documents internes antérieurs à la procédure active de recrutement permettant de déterminer les critères de sélection retenus pour l’attribution du poste, les motivations de l’auteur. Après élimination de celles pour lesquelles aucune intention discriminatoire ne peut être mise en évidence, la HALDE retient 28 annonces ; 18 d’entre elles mentionnent une exigence d’âge.
Pour ces annonces, le Collège considère qu’il est en présence d’une discrimination au sens des articles 225-2 du code pénal consistant en la subordination d’une offre d’emploi à un critère prohibé. Il décide de recourir au pouvoir de transaction pénale que le législateur lui a conféré. Par application des dispositions de l’article D.1-1 du code de procédure pénale, il propose ainsi aux auteurs des faits une transaction consistant dans le versement d’une amende (délibérations en date du 27 novembre 2006).
Dans des dossiers plus complexes, la HALDE procède, lorsqu’elle est saisie d’un rejet de candidature fondé sur une exigence d’âge, à une analyse approfondie du cadre d’âge du personnel de la société en cause, confortée par une étude statistique (?!!) (3).

Compte tenu des efforts accomplis par les annonceurs comme par les intermédiaires de l’emploi pour refuser la publication ou la diffusion d’annonces comportant des mentions discriminatoires, les discriminations fondées sur l’âge apparaissent le plus souvent lors du recrutement, dissimulées derrière les années d’expérience requises et le profil du candidat recherché. Le Collège considère que si l’expérience fait partie des motifs légitimes du choix de l’employeur, elle ne doit en aucun cas conduire à évincer systématiquement des procédures de recrutement les salariés seniors. Pour établir cette distinction, souvent subtile, entre mention de l’expérience et exigence d’âge déguisée, la HALDE développe une méthode d’enquête appropriée. Cette méthode s’appuie systématiquement sur l’analyse statistique de l’âge moyen des salariés de la société mise en cause (ou de certains de ses services) et l’étude exhaustive des recrutements antérieurs. Cette technique de recherche de la preuve vise à faire apparaître la discrimination indirecte cachée derrière l’exigence apparemment neutre de l’expérience ou du profil recherché et à la qualifier en tant que telle (délibération n°2006-100 du 22 mai 2006).

[...] Enfin, la discrimination indirecte fondée sur l’âge est parfois masquée par la prise en compte de l’évolution potentielle de la carrière du candidat au recrutement. Le Collège estime que lorsque cet élément ne présente pas de garanties d’objectivité suffisantes et conduit à justifier l’éviction des candidats seniors même lorsqu’ils présentent les qualités requises pour le poste, il est constitutif d’une discrimination fondée sur l’âge. Cette discrimination doit d’autant plus être sanctionnée qu’elle légitime l’idée reçue selon laquelle, au-delà d’un certain âge, les salariés ne pourraient assumer des responsabilités croissantes.
[...] La HALDE est saisie d’une réclamation concernant le recrutement d’un employé de banque pour lequel est exigé un «potentiel d’évolution» lui permettant «d’assumer des responsabilités croissantes dans les années à venir». Le candidat, âgé de 44 ans, se voit opposer un refus. [...] Le «potentiel d ’évolution» semble ainsi faire office de filtre destiné à éliminer les candidats de plus de 40 ans.
Sur la base de cette enquête, le Collège de la HALDE estime que «le critère de sélection apparemment neutre permet, dans les faits, de privilégier les candidats jeunes et contribue, ainsi, à une discrimination indirecte en raison de l’âge» prohibée par le code pénal. Sur la base de cette qualification, il recommande à l’entreprise d’accorder une juste réparation à la victime et, à défaut (4), demande à celle-ci de saisir le juge civil afin, le cas échéant, de formuler des observations au cours de l’instance. Au-delà, il demande à l’entreprise de réviser sa procédure de recrutement et au groupe auquel elle appartient d’engager une réflexion sur la gestion et l’évolution de carrière des salariés âgés de plus de 45 ans. >>

(1) Mettant en exergue le «refus d’embauche», la HALDE minimise gravement la notion d’«exclusion d’une procédure de recrutement» !
(2) «Scepticisme» ; comprendre «classements sans suite», que la HALDE n’évoque même pas, évitant par là d’avoir à les dénoncer...
(3) On voit mal comment cette prise en compte - récurrente – de la pyramide des âges de l’entreprise (et de ses recrutements) permettrait d’apprécier le caractère discriminatoire de l’exclusion personnelle d’un candidat. C’est pourtant ainsi que des sociétés mises en cause par les plaintes des membres d’APNÉE se sont disculpées, notamment une importante filiale de Bouygues, dans le cadre d’une enquête demandée par le Parquet de Versailles à… la Direction départementale du travail des Yvelines !
(4) Comme ce «à défaut» en dit long ! La HALDE prend acte à l’avance de l’éventualité (!) que sa recommandation (!!!) ne sera pas suivie d’effet. Auquel cas, «aides-toi, et le Ciel t’aidera» !

Gérard Plumier
www.geocities.com/chomage_senior

Lire aussi :
Articles les plus récents :
Articles les plus anciens :

Mis à jour ( Jeudi, 12 Avril 2007 14:35 )  

Votre avis ?

La France pourrait s’engager plus intensément contre la Russie. Qu’en pensez-vous ?
 

Zoom sur…

 

L'ASSOCIATION

Présentation de l'association et de sa charte qui encadre nos actions et engagements depuis 2004.

 

ADHÉRER !

Soutenir notre action ==> Si vous souhaitez adhérer à l’association, vous pouvez le faire par mail ou par écrit en copiant-collant le bulletin d’adhésion ci-dessous, en le ...

 

LES FONDATEURS

En 2004, une dizaine de personnes contribuèrent au lancement de l'association. Elles furent plusieurs centaines à s'investir parfois au quotidien ces 16 dernières années. L'aventure se pou...